Femmes de l'âme

Isabelle Mons dresse le parcours des pionnières de la psychanalyse. Elles ont accompagné les fondateurs de cette nouvelle science : Sigmund Freud, CG Jung, Alfred Adler, Sándor Ferenczi, Karl Abraham et bien d'autres ... Elles ont fait preuve d'originalité et ont impulsé de nouvelles idées et de nouveaux courants.

Les éléments de présentation ci-dessous sont extraits de ce livre.

"Ce livre est né d'un constat : la psychanalyse reste aux yeux du public une affaire d'hommes. Les controverses qui ont entouré en son temps et entourent encore la figure de Sigmund Freud mettent également en péril l'aventure de ses disciples, pourtant investis d'un projet noble et ambitieux : inaugurer la compréhension du psychisme. Or, les femmes aussi ont fait la psychanalyse. Retracer leur histoire ouvre la porte d'un autre univers : le regard qu'elles ont posé sur le diagnostic du XXe siècle est nouveau, leurs écrits, singuliers, et leur vie, unique.

Quatorze visages de femmes psychanalystes

Ces quatorze visages représentent le kaléidoscope d'une époque en quête d'identité. Quand les hommes tombent au front, les femmes se lèvent dans les assemblées de médecins quand bien même il leur manque le sésame universitaire qui aurait accordé à leur pratique une pleine reconnaissance. Toutes ont un point commun : leur cosmopolitisme. L'exil s'est souvent imposé, l'usage d'une nouvelle langue et l'acquisition d'une autre culture ont fait d'elles des nomades.

Leur exil fut aussi parfois intérieur : être femme n'allait pas forcément de pair avec l'amour accompli ni avec la maternité. Certaines l'ont refusée, se sont senties vaincues par elle alors que leurs écrits sur l'enfant faisaient progresser la psychologie de la femme. Néanmoins, elles sont nombreuses à avoir mis sur le même plan le métier de psychanalyste et celui de mère. Leur propre expérience fut le socle de leur théorie. Mais cliniciennes au même titre que leurs confrères, elles furent l'objet d'un scepticisme déplacé. Les textes freudiens ont comblé l'ignorance qui a appelé à pareille mésestime. Toutefois, sans les contributions des pionnières de la psychanalyse, la compréhension de la femme serait restée incomplète, voire inexacte.

Égéries russes	Partisanes en lutte		Celles de l'ombre
Lou Andreas-Salomé Sabina Spielrein Tatiana Rosenthal	Emma Eckstein Margarethe Hilferding		Emma Jung Anna Freud
Les voix de l'enfance		Les conquérantes
Hermine von Hug-Hellmuth Melanie Klein Sophie Morgenstern Françoise Dolto		Eugénie Sokolnicka Marie-Bonaparte Helene Deutsch

Pionnières de la psychanalyse

Emma Jung

"Elle reste dans les mémoires cette silhouette altière et bienveillante dont la production intellectuelle [...] est finalement majeure dans l'avancée de la réflexion jungienne sur le masculin et le féminin. "

Sabina Spielrein

"La passion va l'enchaîner à son thérapeute, mais ni l'un ni l'autre ne peuvent expliquer la raison de cette attirance."

Ces pionnières de la psychanalyse prouvent la porosité des frontières et le partage multiculturel des idées. De Vienne à Zurich, de Berlin à Paris, elles ont été des voyageuses européennes qui ont posé leurs valises là où elles ont pris le risque de développer leur pratique de l'analyse [...].

Les pionnières vont entreprendre un dialogue avec leurs homologues masculins et convoquer à la lumière de l'inconscient les thèmes universels de la vie. Elles soutiendront les thèses freudiennes pour leur apporter peu à peu le remaniement conceptuel nécessaire à la modernité du XXe siècle. 

Quoi de plus normal que de rendre d'abord hommage aux «égéries russes» - Lou Andreas-Salomé, Sabina Spielrein, Tatiana Rosenthal -, dont le charme ne fait pas oublier que leur destin s'est accompli au prix de ruptures consécutives avec leur terre et que leurs écrits ont lancé avec force la femme sur la voie du progrès ?

Il fallut aux premières «partisanes en lutte» - Emma Eckstein et Margarethe Hilferding - un terrain d'apprentissage de la psychanalyse. «Celles de l'ombre» ne sont pas en reste pour autant : en apparence éclipsées, Emma Jung et Anna Freud sont les femmes «d'à côté» indispensables à l'homme qu'elles ont accompagné, qu'il fût père ou époux.

Il fallait trouver une avocate des «voix de l'enfance», quatre se sont présentées à la barre, engagées, surprenantes, vindicatives et tellement visionnaires : Hermine von Hug-Hellmuth, Melanie Klein, Sophie Morgenstern et Françoise Dolto. «Conquérantes» au même titre qu'Eugénie Sokolnicka, Marie Bonaparte et Helene Deutsch, toutes méritent d'être connues à parts égales. 

Leur itinéraire de femmes, l'acuité de leurs regards cliniques nous invitent à traverser un siècle qui finalement reste proche, tant les enjeux conflictuels inhérents aux genres, aux cultures et aux sensibilités n'en ont pas fini de nous interroger sur l'âme de demain.

Elles ont permis un accès autre à celui qui souffre

[Les pionnières de la psychanalyse] ne se sont pas écartées de leur itinéraire, luttant contre le scepticisme d'une société exigeante qui n'envisageait ni leur liberté de femme ni leurs enjeux intellectuels attachés à défendre la cause des minorités : femmes et enfants ont bien été les premiers à devoir être sauvés d'une époque à l'histoire conflictuelle où réalité anatomique et réalité psychique ne pouvaient plus être distinguées. 

Elles ont permis un accès autre à celui qui souffre, conjuguant analyse clinique et apprentissage théorique, et sont entrées dans d'autres sphères de son désir. Leur évolution fut finalement contemporaine d'une restructuration des mentalités. Avec courage, elles ont repoussé leurs propres limites au profit du collectif, qu'il soit masculin ou féminin."

Editions Payot - 23,5 x 2,2 x 15,5 cm - 320 pages

Voir également Emma Jung analyste et écrivain et La légende du Graal

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