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Article
Une et multiple, la femme selon C.G. Jung
4/5
par Rolande Biès
Tout animus, comme toute anima, présente un aspect négatif et un aspect positif.
L'aspect négatif de l'animus, que nous avons remarqué, cherche à provoquer la discussion pour la discussion, à seule fin d'avoir le dessus. C'est un archétype dont la force dépasse la femme. Sous son emprise, elle peut se montrer autoritaire, têtue, agressive ou infantile, tisser des ruses, faire "battre des montagnes", se faire sorcière et castratrice. Chez l'homme, l'influence de l'animus négatif de sa mère le rendra irritable, dépressif, versatile, susceptible ; il deviendra morose, hypocondriaque, estimera qu'il n'est rien, et que rien n'a de sens.
Si la femme se conduit exagérément en homme, si l'animus seul parle en elle, l'homme en arrivera à se cacher, à mentir, laissera se développer en lui l'anima négative. Celle-ci le rendra sombre, cessera de l'inspirer, et dans les cas extrêmes, le poussera à des comportements ou à des décisions irréparables.
Quand l'animus négatif et l'anima négative se rencontrent, l'animosité n'est pas loin. La bataille typique des couples destinés à l'éclatement peut commencer.
Et pourtant, ô miracle !, malgré tous ces mauvais augures, l'heureuse rencontre peut avoir lieu !
Réunissant toutes sortes de conditions et de préalables le plus souvent indiscernables, l'animus et l'anima révélant leur positivité peuvent faire des unions et fidèles et durables, sans recourir à la complicité de "névroses complémentaires".
L'animus positif rend la femme créatrice, organisatrice, aimante ; il la rend aussi plus consciente ; aimablement conquérante. L'animus positif relie au Soi ; il développe le courage, la spiritualité ; suscite l'inspiratrice et la bonne fée. Elle apprend à l'homme à mûrir, le soutient dans ses épreuves, assure sa complémentarité.
Près de lui, l'anima positive développera les dons de l'homme, le rendra entreprenant, et entre autres biens, lui donnera cet humour, - rare chez la femme -, éventuellement qui, compensera ses dépressions. C'est cette anima qui lui fera idéaliser la femme, y retrouver l'"éternel féminin", dont Goethe a si bien parlé.
L'amour vrai se révèle désormais possible. Les Aphrodite, les Hélène et les Pénélope sont loin. En cet amour toujours nouveau, chacun respecte parfaitement l'autre, et surtout sa liberté, considérant qu'aimer l'autre, c'est l'accepter tel qu'il est, dans son unicité d'être humain. Le couple véritable se révèle être un couple a quatre : l'homme et l'anima, la femme et l'animus. Les rêves sont là, si nécessaire, pour confirmer le bonheur d'une élection réciproque. L'union en sera-t-elle idéale pour autant ? Quelques orages pourront éclater ; mais parce que l'amour reste plus fort que la mort, ils se convertiront en rites de passage confirmant l'indéfectible.
Tel se révèle l'amour vrai, par delà tout sentimentalisme. Sans doute, devant la femme, l'homme continuera de ressentir une peur inconsciente, car elle détient toujours une puissance ambiguë : elle est celle qui, ayant le pouvoir de donner la vie, donne par conséquent, à long terme, la mort. C'est ce qu'ont toujours su le patriarcat et l'institution chrétienne, soucieux de laisser à distance ce "fléau délectable", comme dit Jean Chrysostome. Marie n'a jamais vraiment détrôné Eve. Mystère, beauté, grandeur restent les emblèmes de la femme. Mais à l'heure où celle-ci acquiert son autonomie et se voit reconnue adulte à part entière, il est temps pour elle d'éviter les pièges d'un féminisme exacerbé qui ne ferait d'elle qu'une très imparfaite copie de l'homme, et de travailler à son accomplissement par ce que Marie-Louise von Franz appelle la "libération du cœur". N'oublions pas que "le féminin porte en lui, comme le disait déjà Ruzbëhan, la lumière de l'Esprit".
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