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Dans cet ouvrage Marie-Claire Dolghin-Loyer, s'appuyant sur sa longue pratique d'analyste, présente les principaux concepts jungiens et fournit de nombreux exemples qui facilitent leur compréhension.
Les extraits ci-dessous donnent le ton de l'ouvrage, ils ne présentent qu'une infime partie des sujets abordés :
L'individu n'étant pas isolé, sa personnalité se développe en interaction avec son milieu et il est indispensable de compléter le diagramme individuel par l'analyse des différentes organisations collectives dans lesquelles cet individu évolue. On peut donc considérer :
On doit aussi replacer cet ensemble dans son contexte historique : guerre ou paix, traditions culturelles, religieuses ou politiques.
C'est pourquoi je recommande, quand un sujet est désorienté devant un de ses rêves, de chercher l'expression poétique qui fera surgir le sens figuré et fera comprendre la métaphore utilisée par l'inconscient, sans quoi le rationalisme bute sur l'image sans la comprendre. Ce langage poétique est allusif et contient de multiples significations, l'une n'excluant pas l'autre. Cela ressemble un peu à ces poupées russes, les unes dans les autres. Un premier niveau d'interprétation n'exclut pas un deuxième niveau, et même un troisième. L'étude du rêve doit tenir compte des différents axes d'interprétation possibles pour en rendre pleinement le sens.
Anima comme animus peuvent ainsi être positifs ou négatifs. L'animus positif donne à une femme le courage d'accomplir sa tâche, fût-ce au prix du sacrifice d'elle-même, mais sans répandre la mort autour d'elle. Plus simplement, il donne le dynamisme pour les réalisations pratiques ou intellectuelles de la vie en société. L'animus négatif anime les pulsions de vengeance et de meurtre et aussi l'autodestruction masochiste. L'anima positive donne à l'homme la compréhension des valeurs affectives et relationnelles de la vie. L'anima négative pousse l'homme à la mauvaise humeur, à l'agressivité tyrannique ou aux attitudes autodestructrices que représentent l'alcool et les toxicomanies.
Le processus d'individuation fait ainsi découvrir à la fois l'unicité, l'originalité, la solitude et le problème de l'incommunicabilité. Le sujet découvre ainsi la perception d'un certain degré de communicabilité avec autrui et un certain degré irréductible d'incommunicabilité.
Ceci est important à une époque où la tendance dominante, c'est un collectivisme uniformisant, même dans des sociétés de consommation dites libérales, collectivisme uniformisant qui renie l'originalité de la personne, de quelque obédience politique ou religieuse que soit d'ailleurs ce collectivisme. Ces réflexions viennent à point dans la problématique collective moderne.
La conscience du moi apparaît en fait plus tôt, au stade préverbal, ainsi que l'ont montré des études sur des jumeaux. Confronté à l'image de son jumeau, qui lui ressemble, dans un miroir sans tain, l'enfant fait en effet la différence entre lui-même et « l'autre » ressemblant mais pourtant différent : il se retourne pour chercher derrière lui cet « autre » qui se reflète dans le miroir devant lui et qu'il sait déjà ne pas être lui. Les études d'inspiration éthologique nous font aussi découvrir les performances dont sont capables les nourrissons jusque-là considérés comme passifs : le nouveau-né se pose déjà comme un partenaire dans la relation à sa mère, il « l'interpelle » par le regard, la vocalisation, les gestes.
[...] le thérapeute ressemble à l'alpiniste encordé qui surveille, depuis un point fixe, les évolutions d'un débutant auquel il est attaché et qui pourrait le conduire dans le vide. Le point fixe, qui est aussi le point de neutralité, ne peut pas être une froideur ni une indifférence, sorte de miroir réfléchissant derrière lequel l'analyste pourrait se préserver. Toujours, même s'il est neutre et ancré dans ses références, il est relié au sujet et, de ce fait, il peut à la fois apporter un soutien quand c'est nécessaire et s'aventurer dans le dédale de son patient.
La relation thérapeutique est une relation privilégiée. C'est alors que l'on dit des choses que l'on n'a jamais dites à personne, que l'on se libère des secrets qui déchirent, que l'on « pose les valises ». Moment parfois lourd pour l'analyste qui peut craindre d'y perdre lui-même son identité. Cette phase peut débuter d'emblée ou, au contraire, n'apparaître que progressivement, après qu'a été élaboré un discours plus intellectuel et historique sur la vie du sujet et que se sont peu à peu instituées l'intimité et la confiance d'une part, la pénétration intuitive de l'autre, ce qui fait qu'au cours du dialogue, les deux protagonistes ont bien conscience de débattre de la même chose.
Père, mère, frères et sœurs possibles constituent pour chacun un paysage particulier auquel il ne faut pas oublier d'ajouter celui constitué par les grands-parents et leurs influences ainsi que le milieu socioculturel et historique de la personne. C'est bientôt toute une famille, toute une histoire, tout un univers social qui peut ainsi prendre corps dans le cadre des échanges thérapeutiques et occasionner des identifications de l'un ou de l'autre des personnages avec le thérapeute. Ce tissu familial a besoin d'être déployé et pour que le sujet mesure ses liens avec lui, et pour qu'il détermine ses différences, son unicité.
La même dialectique des ressemblances et des différences décrite plus haut se met en place, la ressemblance assurant des racines et sortant l'être de sa solitude, la différence le rendant à son unicité. Tout ceci conduit la personne à une différenciation approfondie entre soi-même et le monde extérieur, ce qui pose une polarité dynamisante. La connaissance des tendances fondamentales vécues dans le triangle parental permet la reconnaissance de ces tendances expérimentées aussi auprès des frères, des sœurs, des amis, etc. Dans tous les cas, il faudra résoudre cette équation fondamentale : « moi et les autres », et chacun trouvera, dans son histoire et dans ses capacités personnelles, la manière de la résoudre.
J'aimerais à ce propos m'arrêter sur le rôle et l'importance des grands-parents et, d'une manière élargie, sur celle des ancêtres. Les grands-parents ont ceci de particulier pour un enfant qu'ils relativisent la toute-puissance parentale à laquelle celui-ci est soumis. En effet, les parents tout-puissants ont été des enfants eux aussi, ce que savent bien les grands-mères et les grands-pères qui créent souvent, avec leurs petits-enfants, une connivence particulière, hors du temps, où sont mises de côté les valeurs de l'éducation et de l'autorité des parents, ce qui peut jouer un précieux rôle compensateur, ceci lorsque les grands-parents ne se placent pas en rivalité vis-à-vis des parents et respectent aussi leur autorité parentale. Mais la relation est d'une nature différente.
De plus, comme d'ailleurs les personnes âgées, ils jouent un rôle de témoin du passé et intègrent par leurs récits les petits-enfants dans la chaîne historique et culturelle qui est la leur. C'est ainsi qu'ils jouent le rôle d'ancêtres, c'est ainsi qu'ils fournissent au sujet de quoi s'enraciner dans une terre particulière.
Notre époque qui relègue les grands-parents dans les hospices et les petits-enfants dans les crèches, bien souvent par une inévitable nécessité, peut être créatrice de ruptures dans la continuité historique et culturelle, à l'origine de bien des désarrois. Bien sûr, les grands-parents ne sont pas toujours bénéfiques, ils peuvent aussi représenter un maillon pervers de la chaîne familiale, qui induit les descendants dans des conduites pathologiques. Il faudra alors, comme a été faite l'investigation sur les figures parentales, que soit remontée la généalogie jusqu'aux racines repérables des troubles, ce dont s'occupe la
psychogénéalogie.
Marie-Louise von Franz, cite cette boutade de Jung : « On fait des écoles pour apprendre aux jeunes à vivre. On devrait faire des écoles pour apprendre aux vieux à mourir. » Dans nos sociétés, toute l'importance est mise sur l'adaptation sociale, ce qui peut expliquer le désarroi que ressentent certaines personnes dans cette deuxième partie de la vie ou lorsqu'elles entrent dans la retraite. Elles se sentent alors inutiles et leur personnalité se décompose, car elle était uniquement construite sur la poussée biologique, puis sur l'adaptation sociale. La structure profonde de l'être n'a pas été élaborée.
Marie-Claire Dolghin-Loyer Marie-Claire Dolghin est médecin et psychothérapeute. Elle partage son temps entre la relation thérapeutique, l'écriture et l'illustration de l'approche jungienne dans de nombreuses conférences.
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