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Liste des auteurs dont une ou plusieurs publications figurent sur ce site.
Les textes des différents conférenciers du Xe Colloque de Bruxelles (5 au 7 mai 2016) sont réunis dans cet ouvrage "Jung et l'élan créateur". Ce thème avait été proposé par Guy Corneau qui, quelques mois à peine avant sa mort, participait à ce colloque.
Daniel Baumann, architecte, arrière petit fils de Jung, introduit le thème du colloque et anime les débats. Lors de sa conférence Réflexion sur la création de la tour de Bollingen il décrit les différentes étapes de sa construction en y ajoutant bon nombre de réflexions personnelles et architecturales qui éclairent son édification.
"Au départ de l'entreprise, Jung voulait créer un lieu de protection pour le matériel de bateau. Heureusement, sa femme Emma est intervenue, autrement, qui sait, la tour n'aurait peut-être jamais vu la lumière du jour. [...]
La deuxième phase de construction consiste en un agrandissement qui compose un espace, extérieur mais couvert, une bibliothèque et une chambre d'amis. Le corps solitaire de la tour est devenu une dualité. [...]
La troisième phase de construction de la tour comprend une unification du dédoublement de la tour en une entité triadique. Elle recèle surtout un espace d'imagination, que Jung s'est réservé à lui-même, exclusivement. [...]
Lors de la quatrième phase de construction, Jung ajouta un enclos. Dès lors, douze ans plus tard, naquit une quaternité. La quaternité spirituelle ainsi conçue par Jung et qui forme une partie importante de sa cosmologie personnelle est alors l'objet de la cinquième réflexion.
La cinquième phase de la construction marque la fin provisoire de sa tour. Je suis persuadé que si Jung avait vécu plus longtemps nous aurions vu d'autres phases de sa tour. Mais cette dernière phase marque en même temps son obligation intérieure de devenir tel qu'en lui-même il est. [...]
Pour conclure, je constate que la tour, telle que Jung l'a réalisée durant trente-deux ans de sa vie, est devenue une sorte de «contre-lieu» du Zeitgeist, un lieu intemporel, un lieu de maturation et favorable à une vie capable de donner du sens à notre être dans sa complétude, où les phénomènes qui nous touchent soient accessibles, de façon causale ou synchronistique."
Guy Corneau, lors de sa conférence L'élan créateur, le personnage et la joie, aborde "l'amour de soi : la question des valeurs, de l'idéal, des choses qui me rendent utile aux autres. Est-ce que je fais quelque chose dans ma vie qui rend service à l'humanité ? Et, si possible, à travers mon élan créateur. Une activité où je me sens utile, parce que ce sont des valeurs qui m'importent. La paix, la liberté... Ou des valeurs beaucoup plus personnelles.
Quel que soit votre idéal, est-ce que vos choix et vos actions sont orientés en fonction de celui-ci, en fonction de vos élans créateurs et en fonction de ce dont vous avez besoin pour vous ressourcer?
Je trouve que cette façon d'aborder la question permet de «mettre de la chair autour de l'os». Car qu'est-ce que cela veut dire que «s'aimer soi-même ?» Pour moi, s'aimer soi-même, cela signifie respecter un tant soit peu son élan créateur, aller vers des formes de ressourcement qui sont inspirantes, et qui font qu'on peut vivre avec plus de joie, aussi. Et aussi être au service de valeurs qui, pour nous, sont importantes, qui nous semblent importantes pour l'humanité, et qui nous rendent utiles à l'humanité."
Pierre Willequet s'exprime en qualité de psy à propos de la relation praticien / patient :
"Si la panique du psy le pousse à proposer des réponses toutes faites, opérationnelles, il est dans la résistance. Il s'enferre dans ses propres résistances. Et cela se sent. Cela se sait. C'est imparable. La psyché est bien trop intelligente, bien trop subtile pour ne pas le faire sentir de façon presque immédiate.
Et c'est en cela qu'il est essentiel de regarder en soi, afin de saisir ce moment où l'on bascule, précisément, du côté de la résistance en proposant des choses, en suggérant des activités, une vie sociale, des interprétations géniales, que sais-je encore. [...]
Ce qui n'enlève rien au fait que, dans de nombreux cas, ces propositions peuvent être intéressantes, mais certainement pas de manière systématique.
[...]
Dire aux gens : «Je vais vous expliquer en quoi consiste l'imagination active, vous suggérer une façon intéressante de travailler vos rêves...» les soulage un instant et constitue une petite bouée salutaire et charmante, mais, la plupart du temps, ne sert à rien. Ce n'est pas pour autant qu'ils vont saisir la perche qui leur est tendue. Parce qu'ils n'ont soi-disant pas le temps ; que c'est compliqué ; parce que la souffrance est trop prégnante et avale tout sur son passage ; parce qu'on trouve mille prétextes pour ne pas s'y mettre, et ainsi de suite.
Qui plus est, au sein de la population qui vient consulter [...] on rencontre un tas d'individus n'ayant pas les outils culturels ou une structure mentale adéquate pour «élaborer», comme on le voit faire dans les ouvrages qui, bravement, proposent d'infinies recettes de travail sur soi.
Eh bien, non. Mieux vaut s'abstenir. Se taire. Être là et pâtir le ce qui est. Oui. Tout cela renvoie, une fois encore, à ces
situations d'impasse ou d'impuissance qui, paradoxalement, sont de bons endroits, au sens où cela vient travailler les fondements
ontologiques des deux membres de la relation.
Le praticien doit être, lui aussi, labouré, retourné, «détruit» d'une certaine lanière (c'est-à-dire nié), afin que de l'autre puisse advenir. Et ne peut l'être que sur la base de son ignorance ; il ne peut pas
l' être à partir de son savoir. C'est incompatible. [...]
Le psy sait qu'il ne sait pas — c'est évidemment socratique cette affaire-là — tout en sachant qu'il sait certaines choses. Voilà un a priori méthodologique pertinent mais d'une difficulté énorme, car il interdit de s'accrocher à une position haute. En effet, le professionnel n'a pas à s'y cramponner, même si d'entrée de jeu c'est bien à cet endroit-là qu'il va être projeté dans la logique transférentielle. Bien sûr.
On ne va pas voir un thérapeute pour son ignorance. Non. On y va car, comme dirait l'autre, on le suppose sachant. Mais telle n'est pas sa bonne place. C'est lorsqu'il balbutie, lorsqu'il tâtonne ou hoquète, c'est lorsqu'il est sidéré et muet qu'il devient opérationnel au sein de l'interaction. C'est-à-dire quand il rompt, tout autant pour lui-même que pour autrui, l'illusion formidable qu'il sait pour l'autre.
Et là on entre de plain-pied dans un terreau psychique n'ayant plus grand-chose à voir avec ce qu'on apprend dans les livres, parce que ce terreau-là est réinventé à chaque fois. Il est de l'immédiateté faite relation."
Elaïné Franzini Soria s'appuyant sur La Vita Nuova et La Divina Comedia de Dante explore le thème de l'anima / l'animus, de la conjonction :
"La relation continue tout au long de la vie avec l'archétype de l'anima/lanimus est ce qui nous permet de nous soutenir nous-mêmes. Lorsque nous ne trouvons plus de référence externe qui puisse nous servir d'appui face aux difficultés de la vie, nous devons nous appuyer sur nos propres jambes.
Si ce que nous considérons comme un pilier de soutien interne est seulement circonscrit aux limites de notre ego, nous allons subir une grande dissociation psychique. En d'autres termes, nous traverserons des crises en raison de l'inconfort causé par la nécessité de faire face à notre inconscient.
L'acquisition de la conscience est inconcevable sans polarité, bien que cela entraîne déchirements et submersion par de profonds conflits. Tel est le sens du vertige éprouvé quand nous ne sommes pas suffisamment arrimés au sol, vertige qui nous fait désirer désespérément de nous débarrasser du poids de l'existence. C'est la vie.
Les crises viennent dénoncer combien les piliers de l'ego sont déjà obsolètes et intensifient nos névroses, limitant notre capacité à interpréter la réalité. C'est à ce moment précis que l'archétype de la conjunctio joue son rôle fondamental.
Si pendant toute notre existence, nous avons cultivé une relation étroite avec notre âme, lorsque l'archétype de
l'anima se cristallise dans le domaine de notre conscience, nous allons certainement avoir de la compagnie pour toute une longue vie. Compagnie qui nous invite à vivre avec un autre à l'intérieur de nous. Qui nous donne la possibilité de faire la paix avec nos propres imperfections, qui nous guide vers les chemins alternatifs et créatifs en direction d'une plénitude d'être et d'avoir dans ce monde.
Plus profondément, il donne un sens à notre existence, parce que ce sont les archétypes de la compassion, «com-», «avec» + « passion »,
pathos, «souffrance». Il est impossible d'aimer quelqu'un d'autre si nous n'avons pas développé chez nous cette capacité d'accueillir nos douleurs, nos terreurs. Avoir de la compassion signifie être avec l'autre (soit interne ou externe), avec sa totalité.
Partager la douleur pour bien développer l'amour et la tolérance. C'est un défi énorme à relever, car le contact avec l'horreur, le mal et la douleur peut nous mener dans deux chemins distincts. Ils peuvent nous déchirer au point de nous endurcir l'âme, ou bien nous faire plus résiliants dans la vie."
Sonu Shamdasani explore le lien entre l'oeuvre de Jung et l'art : "Si Jung refuse de considérer sa propre production comme étant de l'art (au sens classique du terme), paradoxalement, cela le rapproche fortement des courants artistiques avant-gardistes qui tentaient de faire chavirer les conceptions traditionnelles.
Les dadaïstes affirmaient qu'ils n'étaient pas des artistes mais seulement des êtres humains qui tentaient de s'exprimer de façon authentique. Par rapport à la critique de Jung selon laquelle les artistes n'étaient pas impliqués moralement dans leurs œuvres, on voit ici que ses déclarations sont complètement en accord avec celles des dadaïstes, pour qui la dimension morale est prépondérante. Leur point commun à tous était le rejet de l'esthétisme du dix-neuvième siècle.
Il est clair que Jung n'entretenait pas une relation purement spéculaire avec ses peintures ; la forme et l'ordre y coexistent. Elles ne dissolvent jamais l'objet, elles montrent des symboles religieux d'intégration sous la forme de mandalas. Elles possèdent une signification, et ne cherchent jamais à fuir celle-ci.
Voilà qui nous mène au paradoxe suivant : si l'on suit la logique de l'argumentation de Jung, c'est son propre travail, plutôt que celui des artistes modernes, qui remplit les conditions nécessaires pour être considéré comme de l'art tel qu'il le définit. De plus, sa critique de l'art moderne fut développée et exprimée comme le revers de sa propre activité picturale."
Les extraits ci-dessus ne représentent qu'une infime partie de la diversité et des échanges qui ont eu lieu tout au long de ce colloque. Voici la liste des conférenciers ainsi que les sujets abordés.
Architecte diplômé EPFZ SIA, membre du Curatorium et président de l'Institut C. G. Jung Zurich de Kiisnacht jusqu'en 2012.
Introduction, présentation des participants.
Réflexion sur la création de la tour de Bollingen.
Thérapeute et analyste jungien, formé à la psychologie analytique à l'Institut de psychologie analytique C. G. Jung de Zurich.
L'élan créateur, le personnage et la joie.
Directrice d'Opus psicologia clinica, et membre de la Sociedade brasileira de psicologia analitica (Sâo Paulo, Brésil).
Captive de mon âme, je suis prédestinée à rencontrer l'Amour et la Sagesse.
Se eu quiser falar com Deus (Gilberto Gil).
Docteur en psychologie, psychanalyste didacticien de la Société française de psychologie analytique, président de l'Association internationale de psychologie analytique jusqu'en 2007.
La danse créatrice de Jackson Pollock ; Le plomb et l'envol chez Anselm Kiefer.
Juriste et médiatrice.
L'art brut et l'unicité de l'être
Titulaire de la chaire Philémon d'histoire de Jung à l'University College de Londres, auteur, entre autres, de C. G. Jung: a biography in books et éditeur du Livre rouge de Jung.
Expressions symboliques : Jung, Dada, le mandala et l'art de la folie.
Philosophe, professeur de philosophie en classes préparatoires à l'École normale supérieure et à l'Institut Saint-Serge.
L'élan créateur chez Bergson et Jung.
Docteur en psychologie, psychanalyste, diplômé de l'Institut C. G. Jung, écrivain.
A l'écoute du daïmon. De la créativité en situation analytique ou : La résistance se situe du côté de l'analyste
Recteur de la branche française de la Sigmund Freud University de Vienne, cocréatrice de l'Ecole européenne de philosophie et psychothérapie appliquée, présidente de la branche française de la Confédération européenne de psychothérapie psychanalytique.
Et si l'élan créateur était miroir de notre évolution ?
Ce colloque a été organisé par Edith Allaert-Bertin. Daniel Baumann a assuré la présidence du colloque et la modération des débats. Eisa Ruhlmann a assuré la captation.
Dans la même série : Danger et nécessité de l'individuation et L'Image, entre nuisance, inanité et nécessité
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