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Le MBTI est l'un des tests les plus utilisés dans le monde, il s'appuie en grande partie sur les types psychologiques de C.G. Jung. Observons 4 de ses lacunes qui relativisent la portée de ce type de test.
La première lacune du MBTI est de ne pas séparer :
Il existe sans doute un lien entre caractère et personnalité qu'il est difficile de clarifier. Néanmoins, on constate que plus la personnalité se rapproche du caractère, faute de différenciation ou d'unilatéralité, plus elle devient caricaturale. Chaque type a donc sa caricature. La Bruyère, pour ne citer que lui, en a donné quelques exemples (cf. Les Caractères) mais les comédies de Molière feraient aussi bien l'affaire. La littérature aussi dans son ensemble portraiture bien les différents types de caractère.
Ce qui nous mène logiquement à la seconde lacune du MBTI. Ce test ne peut pas prendre en considération dans ses prémisses théoriques le mécanisme de la compensation (normal) ou de l'énantiodromie (souvent pathologique comme dans le cas de la PMD - psychose bipolaire -, mais pas toujours néanmoins car nous pouvons aussi vivre nos moments de crise comme fondateurs d'une renaissance, donc d'une évolution : nous ne sommes pas toujours condamnés à la répétition tels Sisyphe ou les Danaïdes).
Pour ne citer qu'eux :
Tous les trois ont constaté la même chose : entre les opposés qui fondent notre monde, il y a forcément un rééquilibrage naturel par l'autre contraire, comme entre le Yin et le Yang. Sinon, ça ne peut pas fonctionner.
Il s'agit donc d'un mécanisme universel implicitement nécessaire à la Création, comme on le voit par exemple dans la rétroaction (feed-back) en biologie ou dans d'autres domaines où l'énergie issue d'attracteurs opposés nécessite de s'autoréguler automatiquement. C'est le principe du thermostat.
Il en va aussi du cerveau le plus archaïque entre les systèmes sympathique et parasympathique qui s'autorégulent cybernétiquement sans le recours de la conscience. Inutile donc de réfléchir, ça fonctionne tout seul. La structure de la psyché selon la vision junguienne n'est pas différente.
Physique et psychique ont donc des mécanismes identiques et sont organisés de la même manière. Quoi qu'on fasse, les contraires cherchent à s'équilibrer pour maintenir la vie. Quand ça devient trop critique (c.-à-d. invivable), soit ça revient par l'autre bout comme un boomerang pour désorganiser le système, soit il y a un reste incompressible qui va réalimenter l'ensemble dans une autre direction.
La troisième lacune du MBTI est d'avoir appliqué systématiquement les concepts junguiens au monde des affaires sans une réflexion suffisante :
Il n'est pas né d'un coup de baguette magique et nos frères les animaux ont eux aussi contribué chacun à leur manière à son développement. Mais nous les humains pouvons vivre et décrypter ce monde incompréhensible grâce à notre intelligence qui est surtout un discours sur le monde. «Je réfléchis, donc je suis» serait sans doute une traduction plus exacte du cogito ergo sum.
Néanmoins, le MBTI fonctionne plus ou moins bien parce que la description de la structure de l'appareil mental par Carl-Gustav Jung est vraie, tout simplement. En effet, cette structure psychologique est co-engrammée à la structure neurobiologique du cerveau humain et tout cela nous conditionne complètement, à notre insu.
Il existe une organisation, des mécanismes et un fonctionnement de l’appareil mental neuropsychologique que nous ne pouvons pas contrôler car ils sont l’expression de la nature en nous. Nous pouvons toutefois en sortir par le haut, c.-à-d. par la culture, le sens à donner à notre vie et la conscience de soi qui sont l’apanage de l’humain.
La dernière lacune du MBTI est de ne pas inclure dans son diagnostic le fait que l'être humain se comporte souvent extérieurement à l'inverse de son attitude intérieure, en raison justement de l'effet de balancier qui opère dans l'autre sens compte tenu de la compensation.
Un extraverti passe alors dans son comportement pour un (faux) introverti (timidité, etc) et un introverti pour un (faux) extraverti (exubérance, etc). Jung parlait à ce sujet de «la monstrueuse duplicité de la psyché humaine».
Néanmoins, si le développement des fonctions psychologiques est plus ou moins syntone, ça fonctionne suffisamment bien, ce qui est généralement le cas. Donc, on ne voit rien et c'est tant mieux. Dans le cas contraire, la machine se grippe, le moteur est en surchauffe, le radiateur fuit, les câbles se dilatent et on peut finir par «péter les plombs».
Enfin, la distinction entre jugement et perception rajoutée dans le MBTI pour classifier les 16 types est exacte sur le plan théorique, Jung ayant lui-même explicité que la fonction auxiliaire 1 ne pouvait être de même nature que la fonction dominante. Si je suis Pensée en dominante, ma seconde fonction ne peut être que Sensation ou Intuition. La distinction supplémentaire entre jugement et perception faite par le MBTI n'est donc pas vraiment nécessaire pour classifier les types puisqu'elle est déjà contenue théoriquement dans le système. C'est tout simplement redondant.
Chacun de nous a en général développé dans son conscient une fonction de jugement et une autre de perception, peu importe la fonction dominante. En revanche, d'après mes observations, la genèse des fonctions montre qu'elles se répartissent deux par deux selon qu'elles sont proximales (sensation-sentiment pour expérimenter l'espace/présent) ou distales (intuition-pensée pour appréhender le temps/passé-futur).
Les fonctions proximales ou distales vont donc toujours dans le même sens : si la sensation est extravertie, le sentiment le sera aussi (et inversement pour l'introversion) ; si l'intuition est introvertie, la pensée le sera aussi (et inversement pour l'extraversion).
L'autre cas de figure survient lorsqu'une fonction proximale dominante (Sensation ou Sentiment) se combine avec une fonction distale (Intuition ou Pensée) auxiliaire 1 ou, à l'inverse, lorsqu'une fonction distale dominante (Intuition ou Pensée) se combine avec une fonction proximale (Sensation ou Sentiment) auxiliaire 1. Il n'est pas nécessaire en ce cas que les deux fonctions qui gouvernent la vie consciente soient toutes deux introverties ou extraverties. Au contraire, elles seront de signe opposé.
Si je suis par exemple Pensée extravertie en dominante, la fonction auxiliaire 1, si elle est Sensation à toutes les chances d'être de signe introverti, mais pas si c'est l'Intuition qui est auxiliaire 1 car, en ce cas, elle sera forcément extravertie comme la Pensée dominante puisque toutes deux sont des fonctions distales.
Toutes ces distinctions subtiles sont accessoires car, au final, c'est surtout l'attitude générale d'extraversion ou d'introversion qui domine dans la psyché d'un sujet qui fait toute la différence comparativement à un autre sujet. Prométhée (introverti) et Épiméthée (extraverti) sont frères mais ils n'ont pas du tout le même comportement, même s'ils œuvrent de connivence pour apporter le feu civilisateur aux hommes en même temps que tous les maux de la terre (plus la trompeuse espérance) avec la boîte de Pandore.
Il y a donc du côté de la Nature une structure universelle inconsciente de la psyché humaine, extrêmement contraignante à tous égards car on ne peut pas y échapper puisqu'elle nous fonde. Et, du côté de l'Esprit, un Sens transcollectif à la Création auquel chacun de nous participe à condition qu'il découvre la raison profonde de son existence ici-bas. Pour C.G. Jung, ce fut clairement une explication avec Dieu (du Livre rouge à Réponse à Job) et il s'est bien acquitté de sa tâche.
Mai 2018
Cet hommage à Jean-Claude Jugon retrace son parcours et ses travaux de recherche.
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