Marie Louise von Franz, dans son livre Reflets de l'Âme, traite cette importante question : qu'est qu'une projection ?
Marie Louise von Franz, s'appuyant sur les observations de Jung, définit la projection comme "un état de fait psychologique qui peut s'observer partout dans la vie quotidienne des hommes, à savoir le fait que nos idées concernant autrui et diverses situations sont très souvent erronées, sujettes à de faux jugements qu'il convient de corriger ensuite à la faveur d'une vision plus juste des choses."
Elle poursuit : "C'est pourquoi Jung définit la projection comme une transposition inconsciente, non intentionnelle, non perçue, d'un état psychique subjectif vers le dehors, sur un objet extérieur. On voit quelque chose qui en réalité n'y est pas ou n'y est que très peu. Il arrive très rarement, sinon jamais, que, dans l'objet choisi il n'y ait aucune trace de ce qui est projeté. Jung parle par conséquent du crochet offert par l'objet, servant à celui qui projette d'y accrocher sa projection comme on suspendrait un manteau à une patère."
Marie Louise von Franz indique que dans cet ouvrage elle se "penche de façon quasi exclusive sur ce côté pratique, et plus particulièrement sur les implications morales qui en découlent.
Tout commérage d'escalier de service, tout conflit à charge affective et, plus fréquemment, chaque scène de ménage, contiennent des éléments de projection.
Toute entreprise cherchant à composer l'image d'un ennemi à honnir, qu'elle se fasse au moyen de polémiques haineuses dans la presse ou à travers des rivalités de groupe, ou attisée par des fanatismes idéologiques voire religieux, est chargée de projections et peut s'exacerber jusqu'à provoquer des situations critiques susceptibles de déclencher une guerre.
Si aujourd'hui il est souvent question de la nécessité de démanteler ces images incitant à l'hostilité, les mécanismes qui président à l'élaboration de telles images stéréotypées d'adversaire demeurent pourtant incompris.
« Il serait assurément plus efficace que chacun consente à fournir en particulier l'effort d'une prise de conscience de tout ce qu'il projette sur autrui. » |
Plutôt que de promouvoir de coûteuses recherches pour la propagation de la paix ou d'organiser tant de défilés et manifestations publics en sa faveur, il serait assurément plus efficace que chacun consente à fournir en particulier l'effort d'une prise de conscience de tout ce qu'il projette sur autrui. C'est en ce sens que ce livre répond, entre autres, à mon souhait de contribuer à la recherche de la paix dans le monde."
Marie Louise von Franz cite un exemple : "Tout le monde peut voir à quel point ceux qui prônent
l'antiautoritarisme arborent des manières de faire tyranniques
et autoritaires. Cette nature tyrannique n'est pas un souvenir du père qui fausserait l'aperception de la réalité, mais c'est
surtout l'image d'une qualité tout à fait réelle propre à celui qui la projette, mais dont il n'est pas conscient le moins du monde.
C'est en cela que la projection diffère de la simple erreur de jugement. Cette dernière peut se corriger sans
difficulté par
une information plus adéquate ; elle se dissout alors comme la brume du matin dispersée par les rayons du
soleil. En revanche, s'il s'agit d'une projection, la personne concernée se défend le
plus souvent avec véhémence contre toute tentative de réajustement ou, si elle l'accepte, elle tombe en dépression. Elle se sent diminuée et déçue parce que l'énergie psychique, investie dans la
projection, lui a été retranchée au lieu de lui revenir.
L'antiautoritaire qui projette : il aura du mal à accrocher son image du tyran à un pauvre ver de terre docile et humble. Mais aussitôt qu'il se trouvera face à une personne faisant tant soit peu preuve d'affirmation de soi ou de pouvoir, l'image du tyran, gardée latente dans celui qui projette, sautera sur elle. La projection s'est accrochée et celui qui projette a désormais la conviction sacro-sainte d'avoir affaire à un tyran. Ce genre de faux jugement ne peut être corrigé qu'au prix des plus grands efforts."
La projection n'a pas obligatoirement une connotation négative, elle peut être l'objet "de surestimations illusoires très exagérées et d'une admiration sans bornes pour le vis à vis qui sert de support de projection". Nous mesurons chaque jour combien certaines personnes du monde des médias, de la politique ou du show-business sont ainsi surinvesties de qualités positives, la situation pouvant d'ailleurs, du jour au lendemain, s'inverser brutalement.
« Les projections empoisonnent les relations entre personnes et groupes de personnes. » |
Les projections, si elles permettent une première adaptation à la vie et sont incontournables, la plupart du temps perturbent, voire empoisonnent les relations entre personnes et groupes de personnes. Elles préexistent à toute forme de conscience, sont naturelles, chacun gagne à les reconnaître et à les intégrer.
Marie Louise von Franz, tout au long de cet ouvrage, s'appuyant sur la connaissance fine des mécanismes en jeu au sein de la psyché humaine, livre de nombreuses clés, tant sur le plan pratique que sur le plan théorique pour comprendre le phénomène de la projection.
Important : Cet ouvrage a été publié en France initialement en 1992.
Le texte qui figure dans cette ré-édition a fait l'objet d'une deuxième
traduction par les soins de Jacqueline Steib-Blumer. Il s'agit donc d'un livre
fondamentalement différent.
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