Nicolas de Flue a vécu en Suisse au XVe siècle, au moment où le principe démocratique remplaçait la noblesse de fonction. Dans sa deuxième partie de vie, il construisit un ermitage dans lequel il se retira. Il eut de nombreuses visions et de ce lieu retiré il exerça une influence décisive sur son entourage.
Les textes ci-dessous sont extraits de l'ouvrage.
Les années de sa vie matrimoniale précédant la rupture -comme il avait coutume d'appeler sa décision de partir en retraite, c'est-à-dire de se faire ermite - sont marquées par deux sortes de visions : d'une part, celles reflétant un violent conflit intérieur qui finit par trouver sa solution dans ladite rupture, et, d'autre part, ses grandes visions qui constituaient davantage une réponse aux problèmes de la foi tels qu'à cette époque ils se posaient pour Nicolas lui-même ainsi que pour ses contemporains.
La cause de sa retraite est bien plus à rechercher dans son étonnante et étrange vie intérieure qui se reflète dans chacune de ses visions. Il s'agissait là d'expériences et d'aventures spirituelles qui avaient pour lui davantage de valeur que la banale existence humaine ; et elles ne faisaient pas seulement l'objet de son intérêt quotidien, mais constituaient en outre la source de sa vitalité spirituelle.
[Cette retraite le pousse à s'isoler devant la foule des visiteurs] il lui arrivait aussi de s'évanouir dans la forêt sans laisser de traces pour une ou même deux journées, quand il entendait préserver sa solitude contemplative en échappant de la sorte à la foule des visiteurs trop nombreux.
Nicolas de Flue constitue un exemple tout à fait à part, et au demeurant fort original, parmi les saints de l'Église catholique. Ses visions sont empreintes d'une authenticité qui les situe en marge de toute convention. Il se dégage d'elles l'impression de n'avoir été ni corrigées, ni altérées d'aucune façon, d'où l'intérêt tout particulier qu'elles présentent du point de vue psychologique.
Si je me permets néanmoins de présenter ici une étude reprenant ces visions, c'est parce que j'estime que l'application des concepts psychologiques développés par Jung permettra d'atteindre des profondeurs nouvelles et d'ouvrir de vastes perspectives spirituelles qui, jusqu'ici, ne furent guère prises en compte. Jung lui-même a commenté quelques visions du saint [...] dans la première partie de son livre Les Racines de la Conscience.
[Nicolas de Flue] était effectivement un homme profondément religieux qui possédait un étroit lien instinctuel avec Dieu ; une telle personne est, dit Jung, ouverte "à l'irruption de quelque chose qui transcende tout ce qu'il y a de personnel". Il lui "est donné en même temps dès le berceau, la possibilité d'un élargissement peu commun de son conscient".
Lorsqu'on applique à ces visions la méthode junguienne d'interprétation par amplification, on ne manque pas de déceler, dans les thèmes et motifs qui y figurent, de remarquables rapports reliant les images présentes dans ces visions à une conception du monde préchrétienne, plus précisément germanique, sans que l'on puisse pour autant, et eu égard au contexte spécifique dans lequel ils se trouvent, taxer ces éléments païens de simples survivances. Ces motifs suggèrent bien au contraire un problème qui, me semble-t-il, est encore d'actualité et que la présente étude permettra de mieux cerner au fur et à mesure qu'elle approfondira la question.
[...] dans les cercles psychologiques, on a, ces derniers temps, souvent exprimé l'opinion selon laquelle nous avons, aujourd'hui, à nouveau besoin de la personnalité du médecin-prêtre, c'est-à-dire du personnage qui réunit en lui à la fois le psychothérapeute-médecin et le directeur de conscience.
La figure archétypique de l'homme médecine et du chaman revient ainsi à la vie et ranime l'image d'une personnalité dont le rayonnement aux vertus salutaires trouve sa source dans le contact qu'elle entretient avec les esprits ou, en d'autres termes, avec les forces de la psyché inconsciente. Il ne fait absolument pas de doute que Nicolas de Flue possédait ce don de guérisseur à un degré très élevé ; il semble de toute façon qu'il était ce qu'il est convenu d'appeler une personnalité-mana, ce qui revient à dire qu'il était un de ces grands hommes qui exercent une influence extrêmement vivifiante sur leur entourage.
© obwalden-tourismus.ch, Photo : Milan Rohrer
Pour en savoir plus sur les lieux de vie de Nicolas de Flue, vous pouvez vous connecter sur cette page de l'office de tourisme du canton d'Obwald. |
Évalué à quelques siècles de distance, le choix de frère Claus [Nicolas de Flue] prend valeur de modèle ou d'idéal pour la Suisse tout entière, puisque ce pays adopta par la suite le modèle de conduite que frère Claus avait d'ailleurs conseillé aux confédérés de suivre, à savoir : se contenter d'un réduit, image d'une attitude défensive vers l'extérieur, - afin de ne pas laisser partir vers le dehors, et ce, de manière explosive, les problèmes posés par l'ombre, - et, au contraire, se confronter à celle-ci dans son for intérieur. [Il faut attendre 1515, au moment de la défaite de Marignan, pour que les Suisses décident de se confiner à l'intérieur de leurs frontières. Rappelons que Nicolas de Flue ou Frère Nicolas est le saint patron de la Suisse.]
cgjung.net © 1998 -
Haut de page