Les situations d’emprise sont toujours très douloureuses. Les personnes qui usent de manipulation ne lâchent pas facilement ceux et celles qu’ils tiennent sous leur joug.
Ce séminaire, qui s’est déroulé au mois de décembre 2019, a donné l’occasion à chacun des participants d’exprimer les grandes difficultés rencontrées, et ce dans un climat bienveillant fondé sur l’écoute.
L’imagination des personnes habitées par des comportements manipulateurs défie l’entendement ! Certains récits semblent surréalistes ! Et pourtant ils sont basés sur des faits réels que seules les victimes et les personnes chargées de les accompagner (à condition qu’elles soient formées pour cela) peuvent entendre et comprendre.
Sur le plan pratique
Sur le plan pratique, plusieurs points ont été abordés :
- Comment s’y retrouver parmi les différents niveaux qui vont de l’égoïsme ou du narcissisme pathologique, en passant par le harcèlement moral et la perversion narcissique…
- Comment s’exercent les manipulations ?
- Quelles sont les différences de situation entre un huis clos (couple par exemple) et des groupes de personnes malveillantes (associations, entreprises…) ?
- Quels comportements adopter face à un(des) manipulateur(s), quelles stratégies mettre en œuvre ?
- Comment se protéger et intervenir efficacement ?
- Quels sont les tiers sur lesquels on peut compter (associations, médecins, thérapeutes, police/gendarmerie, avocats, notaires…) et comment vérifier qu’ils sont formés aux mécanismes sous-jacents qui sous-tendent ce type de situation ?
La phase de reconstruction
Elle est primordiale car il est difficile de sortir indemne de tels moments de vie. Vécue, dans un premier temps, comme un phénomène extérieur bien réel, l’emprise se déplace. Il n’est pas rare de rencontrer « son pire ennemi » à l’intérieur de soi.
C’est ici que le travail à partir des rêves prend tout son sens. Voici quelques exemples de rêves qui ont été évoqués lors de ce séminaire.
Un rêve de reconstruction
La rêveuse est responsable d’un service au sein d’une importante collectivité publique. Elle est victime d’un groupe de personnes (véritable « noyau pervers ») qui se sont liguées contre elle, avec pour volonté de la pousser à la faute et à la démission. Précédemment elle a été sous l’emprise de son conjoint.
Elle est en phase de reconstruction et nous confie son rêve :
« Je suis dans l’océan que je viens de traverser sur mon paddle [planche plus longue qu’une planche de surf sur laquelle on se tient debout]. A l’avant du paddle, un nouveau-né, déjà assis, qui regarde devant lui. Je suis chargée de lui faire traverser l’océan. Je suis à plat ventre sur le paddle et rame avec mes mains.
Je considère l’immensité déjà traversée (à perte de vue) et la dernière étape, le dernier bras de mer avant l’Amérique. Au loin, j’aperçois la ville de New York. Je décide de faire une pause et de réfléchir à la façon d’aborder cette dernière étape de la traversée.
En effet, le chemin parcouru m’a beaucoup épuisée, et je veux absolument arriver à mon but, terminer le voyage, ma mission, amener l’enfant sain et sauf de l’autre côté.
En regardant autour de moi pour faire le point, je m’aperçois qu’il y a quelques personnes dans mon sillage qui se sont jointes à moi, elles sont jeunes et de différentes tailles. Devant moi un homme très musclé, un champion olympique en maillot de bain avec une double pagaie, mais cassée des deux côtés. Il est musclé et beau, sa pagaie me serait très utile si elle n’était pas cassée.
Je m’assoupis pour reprendre des forces. A mon réveil je suis seule, je devine que les jeunes personnes qui me suivaient ont achevé ma mission, amener l’enfant de l’autre côté. Je suis soulagée et heureuse qu’ils aient pris le relais. Je dois à mon tour finir la traversée pour rejoindre l’enfant. En regardant mieux je m’aperçois qu’il y a sur le côté droit une langue de terre, comme un pont pour traverser le dernier bras de mer.
Je me décide avec un peu de regret à prendre ce chemin, moins glorieux, moins flamboyant, moins beau, mais plus sûr, moins fatiguant, il n’y a plus rien à prouver. J’arrive sur la ville, il y a une grande montagne aux sommets enneigés et ensoleillés.
J’ai fini le chemin, j’arrive dans la salle de bains mansardée contigüe à ma chambre d’enfant chez mes parents, il ne me reste plus qu’à prendre ma douche. Cette salle de bain était un refuge où je m’isolais quand j’étais enfant et où j’ai encore plaisir à me réfugier aujourd’hui lorsque je vais chez mes parents pour échapper à leurs incessantes sollicitations. Ma mère n’est pas loin et cherche à entrer en contact, à savoir ce que je fais, mais la porte est fermée, je fais semblant de ne pas l’entendre.
Je me lave et espère que mon amoureux va venir. »
Ce très beau rêve montre les efforts qui ont été faits par la rêveuse : elle a traversé l’océan sur un paddle. L’enfant qui est à ses côtés représente sa capacité de renouvellement, d’évolution, elle veut l’amener « sain et sauf de l’autre côté ». Exténuée, elle voit près d’elle un groupe de personnes qui l’encouragent, lui viennent en aide et qui prennent en charge l’enfant pour le ramener sur la terre ferme.
La rêveuse n’a plus rien à prouver et peut se défaire de son attitude héroïque. Le rêve lui rappelle une situation d’enfance où elle se réfugiait à l’abri des regards de sa mère. Les « vulnérabilités » qui ont fait d’elle une cible, une proie, ont pris racine dans ce contexte qu’elle doit revisiter. Je rêve se termine « Je me lave et espère que mon amoureux va venir. »
On voit ici comment l’inconscient vient en aide de la rêveuse, l’encourage, la soutient. Elle peut désormais s’ouvrir à la vie intérieure et envisager une nouvelle direction de vie.
Le rêveur est harcelé par son épouse
Le rêveur, qui a occupé un poste dans l’enseignement supérieur, est harcelé par son épouse. Ce harcèlement s’est fortement accentué au moment de sa prise de retraite. Sa femme dicte la conduite qui doit être la sienne et n’accepte pas qu’il puisse continuer ses travaux de recherche à temps partiel.
Il nous présente un rêve récent qui reprend des éléments diurnes de la veille où il avait effectué différents travaux dans son vaste domaine. En fin de soirée son épouse l’agresse verbalement, violemment.
« Je suis à la bergerie à l’angle d’un grand champ descendant vers la Vézère. [Le rêveur se trouve à l’endroit précis où il avait travaillé la veille.]
Un homme, inconnu, arrive en descendant le chemin qui passe au-dessus de la cabane, en direction de la rivière. Son fils, d’une douzaine d’années environ, l’accompagne, un peu en retrait à sa droite.
L’homme me voit et s’arrête. Il est bienveillant.
Il dit : « c’est beau ici ! »
Je réponds : « oui ».
Une courte pause. Il regarde le paysage, puis demande :
« Ce n’est pas ici qu’on a tourné le film « Lahordia » ?
Je réponds : « oui ». »
Le rêveur précise que dans la réalité, dans ce lieu, a été tourné le film Lahordia [Le nom du film a été modifié], dont le thème est une vaste manipulation de groupe par le personnage principal.
L’homme, accompagné de son fils, voit le rêveur « en surplomb » et s’intéresse à sa situation. Le film montre l’ampleur d’une vaste manipulation qui reprend celle dont est victime le rêveur. Celle-ci contraste avec le paysage idyllique qui ne laisse pas supposer un tel climat de manipulation. L’homme et son fils représentent des alliés de poids sur lesquels le rêveur pourra compter pour s’extraire de ses difficultés.
Les rêves à venir, l’attention aux synchronicités, aiguilleront le rêveur dans la découverte de soi. Il bénéficiera d’éléments nouveaux qui contribueront à la transformation de sa situation et sur lesquels il pourra s’appuyer pour prendre les décisions qui s’imposent.
Parole de chanson
La rêveuse a travaillé dans le secteur hospitalier. Divorcée, elle dit ne pas se souvenir de ses rêves. Durant le séminaire, dans la nuit du samedi au dimanche, elle se souvient de cette phrase :
« Tu verras, on se retrouvera. »
Elle nous dit entendre la chanson de Francis Lalanne qui porte ce titre. Les paroles de celle-ci mettent l’accent sur l’amour qui est plus fort que tout. Il est dit que même la mort ne peut séparer deux êtres qui s’aiment.
Cette chanson fait écho aux multiples difficultés rencontrées par la rêveuse autour des thèmes de l’amour et de la mort. Ce rêve plein d’espoir évoque l’intériorité de la rêveuse, la nécessité pour elle d’intégrer les pôles féminin et masculin en vue d’une transformation.
Un champ caillouteux
Le rêveur, ancien responsable d’un service bancaire et retraité, a été piégé dans deux de ses relations amoureuses. Il rapporte des propos qui montrent combien il a été manipulé, et ce dans la durée. Il a réussi à sortir de l’emprise extérieure dans laquelle il était enfermé et a renoué avec sa vie intérieure. Il nous apporte ce rêve :
« Je vois au loin un champ caillouteux entouré sur la gauche d’une montagne éclairée par le soleil du matin, me semble-t-il, et en contrebas un champ relativement caillouteux.
Sur ce champ se trouve une femme habillée d’une robe de style « chasuble grise, avec une capuche », lui arrivant jusqu’aux pieds. Elle tient une bêche et s’apprête à travailler sur ce champ ingrat. La scène semble se dérouler à la fin du 18e siècle. »
Le travail intérieur qu’il a entrepris révèle la difficulté de la tâche : le sol est caillouteux et difficile à travailler. La femme qui est au centre du rêve, par sa tenue et ses outils, rappelle l’ambiance de la fin du 18e siècle. Le soleil du matin est bien présent et éclaire l’ensemble.
Le rêveur se tient loin de la scène, il est bien conscient que le chemin est difficile et que les matériaux qu’il doit prendre en compte puisent dans des couches profondes de sa psyché.
Le chemin d’individuation
Notre monde intérieur est très riche et les rêves nous montrent combien nous pouvons bénéficier de nombreuses aides. Nous sommes ainsi revivifiés, acompagnés, et notre vie prend un nouveau cours. Au fil du temps, les événements qui nous ont touchés perdent de leur importance.
Chacun peut ainsi reprendre le chemin de vie qui est le sien, nommé processus d’individuation par C.G. Jung.
Voir le contenu du séminaire Harcèlement et relation d’emprise : comment s’en libérer ?
Les éléments ci-dessus donnent un aperçu de la richesse des échanges. Ils ont été recueillis par Chantal Armouet et Jean-Pierre Robert, animateurs du séminaire.
Chroniques des séminaires
- Les images archétypiques dans les rêves, les reconnaître (octobre 2019)
- Découvrir si l’on est extraverti ou introverti et ses fonctions (novembre 2019)
- Incroyable ! L’imagination des manipulateurs défie l’entendement (décembre 2019)
- A l’écoute des rêves (janvier 2020)
Séminaires définitivement arrêtés :