La psychologie analytique face à un monde en changement : crises, destructions, reconstructions, morts et renaissances. Comment naviguer à travers incertitudes et questionnements ?
14,9 cm x 21 cm x 0,8 cm – 141 pages
Édité par la Revue de Psychologie Analytique
Dans ce numéro
Éditorial
François Martin-Vallas & Marcel Gaumond
Travailler avec des patients présentant des troubles de la capacité
de symbolisation
Mark Winborn
Cet article porte sur la compréhension et le travail avec des patients qui ont une capacité symbolique peu développée, ou a été perturbée par un traumatisme. L’utilisation de la rêverie et de l’interprétation dans le processus analytique n’est, de ce fait, pas pertinente.
De nombreux patients qui demandent une analyse jungienne peuvent présenter au départ des déficits du fonctionnement symbolique. Cette situation entraîne nécessairement des limitations ou des modifications dans l’utilisation des techniques jungiennes traditionnelles telles que l’analyse des rêves, l’imagination active, le bac à sable ou d’autres techniques d’art expressif.
La phase initiale du travail analytique avec ces patients nécessite de se concentrer sur le développement de leur capacité symbolique, avant de pouvoir utiliser avec profit les techniques traditionnelles jungiennes. Cet article traite du concept de Jung d’ « attitude symbolique », ainsi que des modèles conceptuels de Wilfred Bion et d’autres qui ont décrit des théories et des méthodes aptes à développer la capacité symbolique et la fonction réflexive chez les patients où elles sont altérées ou peu développées.
Dévoration et asphyxie. Symptômes d’un complexe culturel à l’époque actuelle
Liliana Liviano Wahba
Cet article traite de la domination et de l’oppression dans la société, dues aux complexes culturels nourris de souvenirs collectifs de destruction et de crimes, souvenirs implicites qui restent refoulés.
Les complexes et traumatismes personnels sont intriqués dans des épisodes historiques traumatisants, créant des couples agresseur-victime. Les métaphores de la dévoration et de l’asphyxie sont utilisées pour symboliser des relations interpersonnelles et collectives dans lesquelles prédominent des sensations d’emprisonnement, d’angoisse suffocante et d’asphyxie, le tout entraînant projections et introjections douloureuses, dissociation et souffrances.
La mort asphyxiante symbolise non seulement la dévastation de l’environnement par le feu, la pandémie et la peste, mais elle est également considérée comme un symptôme d’angoisse aiguë face au monde moderne. La dévoration consiste à néantiser l’Autre objectivé dans une société patriarcale et cela se révèle en particulier dans les luttes fratricides, l’oppression des femmes et, finalement, les guerres.
Dévoration et asphyxie. Crise du paradigme, appauvrissement du mythe du héros et pensée complexe
Walter Boechat
Cet article traite de la profonde crise que traverse la modernité et qui menace le destin de l’humanité.
Cette crise est due au fait que le paradigme de la modernité n’offre aucune perspective, parce qu’il se base sur le rationalisme unilatéral, l’objectivité scientifique et l’exploitation des ressources naturelles selon le développement poussé à l’extrême de l’archétype du héros.
L’émergence du nouveau paradigme de la complexité et de la psychologie complexe de C. G. Jung pourrait ouvrir de nouveaux chemins pour aborder ces graves problèmes. Une vignette clinique montre que les nouvelles idées provenant de la psychologie complexe peuvent également aider nos patients
Disparitions forcées et Torture. Les survivants de la torture et l’impensable : un corps hyperprésent dans le processus thérapeutique
Monica Luci
Dans ces cas très rares, certaines personnes survivent aux atrocités de l’enlèvement, de l’emprisonnement et de la torture et parviennent même à suivre une psychothérapie, et cette rencontre avec le thérapeute présente des caractéristiques particulières.
Dans une phase initiale de thérapie et pendant longtemps, les mots échouent généralement à transmettre le coeur de l’expérience du patient. Ces survivants ont en général un corps tourmenté dans lequel la violence individuelle et collective, la haine, la colère, la culpabilité et la honte sont douloureusement inscrites, et le niveau de dissociation est si élevé qu’ils ont des corps dépossédés, privés d’un agent, mais qui gardent des détails significatifs des expériences traumatisantes. Le contre-transfert corporel devient la seule voie viable pour un thérapeute d’entrer en contact avec l’expérience d’un survivant, à travers une rencontre incarnée, une sorte de communication corps à corps.
La centralité du corps dans la thérapie des survivants de la torture suggère que le corps est le récepteur involontaire et le conteneur d’atrocités politiques massives et, pour cette raison, le site où, en cas de violence sociale horrible, la possibilité de la « connaissance » sociale est stockée et peut être récupérée.
Ainsi, lorsqu’il s’agit des disparitions forcées, la puissante détermination de pouvoir retrouver les restes des disparus chez les membres de la famille, qui correspond à la certitude d’une version véridique de ce qui s’est passé, rend justice à l’importance du corps en tant que dernier témoin de ce qui s’est passé, au-delà de toute manipulation possible.
Disparitions forcées et Torture. Victimes des disparitions forcées :
des corps absents, des présences intérieures
Maria-Giovanna Bianchi
Les disparitions forcées représentent la quintessence des violations des droits de l’homme avec une forte composante psychologique. Les corps qui disparaissent ont un effet décourageant qui terrorise et paralyse la société entière.
Cependant, l’absence de ces corps, très présente dans l’expérience intérieure des familles des personnes disparues, fait qu’à leur tour elles sont des victimes. Un état de sévère détérioration psychique affecte les proches : dépression, angoisse, impuissance, culpabilité, stress post-traumatique,
incapacité de faire le deuil, et aussi suicide, sont les conséquences de l’insupportable incertitude sur le sort de l’être aimé. Mais malgré l’absence de leurs corps, les personnes disparues continuent à être plus présentes que
jamais dans l’expérience intérieure de ceux qui les ont aimées.
Pour les familles des personnes disparues, retrouver un équilibre psychique implique un équilibre délicat entre le besoin de se souvenir et la nécessité d’oublier. A un niveau social et politique, l’autrice affirme que cultiver une mémoire collective des disparitions forcées est un devoir éthique qui valide la réalité des atrocités, aide à en éviter la répétition et adoucit la transmission transgénérationnelle du traumatisme.
Quelques questions soulevées par la pratique de l’analyse en ligne
François Martin-Vallas
Dans cet article, l’auteur explore certaines des questions soulevées par la pratique de l’analyse en ligne. En particulier, il souligne la différence entre le dispositif et le cadre et propose une approche théorique de ce dernier comme émergeant au sein de la dynamique transférentielle.
Covid19, l’engagement virtuel et l’imagination psychoïde
Joseph Cambray
Cet article explore l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la formation à l’analyse et sur la diffusion de contenu éducatif. La prolifération de l’utilisation de Zoom pour la thérapie et l’enseignement crée une plateforme post-humaine à laquelle presque tout le monde dans la société contemporaine a dû s’adapter.
Si l’on considère les significations possibles de la pandémie, un facteur psychoïde (le virus) stimulant l’imagination apparut sur le devant de la scène disant que c’était dû au changement climatique. On observe une similitude frappante avec la pandémie virale H1N1 (“grippe espagnoleˮ), en particulier dans le contexte de celle dont fut atteint C. G. Jung en 1919 et des nombreux rêves et visions qu’il fit alors. L’imagerie produite peut être considérée comme une tentative implicite de « réenchanter le monde » elle figure dans le Livre Rouge.
Enfin, une reconsidération de la pédagogie en réponse à la pandémie est discutée en tenant compte de l’aspect archétypal de la communication par internet.
Le psychisme face à la crise : entre effondrement et mutation
Martine Sandor-Buthaud
Dans cet article l’auteur tente de penser ce que nous vivons tous actuellement. Est interrogé et définit la notion de crise, puis de crise psychique en s’appuyant sur certaines idées d’Edgar Morin, de Jung et de Freud. Est exploré comment Jung a traversé sa crise, et les idées qu’il a développées dans son oeuvre sur les risques, les écueils et la mutation de l’imago dei qui tente de s’opérer.
Est aussi abordé comment Freud interroge le malaise dans la civilisation, et comment Jung conçoit les rapports entre l’individu et la collectivité. La
question posée à travers ces différentes explorations est celle de comment malgré tout se tenir dans notre devenir en temps de crise : laisser faire le processus, se mettre au clair et élaborer ses réactions psychiques,
trouver des solutions provisoires, des actions possibles et résister à la destructivité et au concrétisme en supportant l’incertitude.
Une revue des livres et des revues complète ce numéro.
Eté 2024
Revue de Psychologie Analytique (@ R P A)
Cette revue francophone à vocation internationale, de niveau universitaire, est ancrée dans la pensée jungienne et ouverte à d’autres approches de la psyché humaine. Voici les numéros présentés sur le présent site :
- Revue de Psychologie Analytique no 12 (été 2023)
- Revue de Psychologie Analytique no 11 (été 2022)
- Revue de Psychologie Analytique no 10 (automne 2021)
- Revue de Psychologie Analytique no 9 (automne 2020)
- Rencontre entre psychologie analytique et recherches universitaires les 29 et 30 août 2018.