Dès les premiers songes du Rêveur de C.G. Jung, le cercle est proposé comme une forme satisfaisante du mandala final. Doivent s’y ajouter le mouvement et la symétrie.
Rencontre du cercle dès le début des séries du Rêveur.
Le cercle, première allusion au mandala, se rencontre dès le début de la série des « Rêves initiaux ».
Cette figure, dans sa forme géométrique statique, est un symbole d’unité et de perfection. Elle possède les propriétés du point étendu : être sans distinction ni division. 1
Pour que le cercle acquière une dynamique, il faut qu’il soit associé à une idée de mouvement, ou combiné avec une autre figure, le carré en particulier.
Au premier des « Rêves initiaux », que Jung ne classe pas parmi les rêves de formation du mandala, on voit déjà une allusion non seulement à la forme circulaire, mais aussi au mouvement.
Il s’agit d’un chapeau, formant un rond autour de la tête du sujet, tête qui est elle-même une précoce évocation de la sphéricité. De plus, en prenant ce chapeau pour s’en couvrir le chef, il imprime un mouvement à ce cercle, mouvement qui se prolongera jusqu’à un rêve de la deuxième série où un chapeau sera jeté contre un mur en formant un dessin de mandala.
Ainsi, au premier rêve, sont déjà présentés le cercle, la sphéricité et l’amorce d’un mouvement, très nettement associé à l’image du cercle, puisque, dès l’impression visuelle 5 :
« Un serpent décrit un cercle autour du Rêveur, qui est enraciné dans le sol comme un arbre. »
La rotation continue, au rêve 18 au moment où des pièces d’or, dont on peut supposer qu’elles roulent, sont jetées sur le sol.
Rêve no 18 : l'afficher
Le cercle va occuper une troisième dimension, remplir l’espace, en se faisant volume sous la forme d’une boule rouge, au cours de l’impression visuelle 19. Notons que c’est une tête, plus précisément un crâne, qui s’est transformé en boule.
Impression visuelle no 19 : l'afficher
Nous avons ici un exemple de la continuité du cheminement onirique, car c’est sa tête que le Rêveur couvrait d’un chapeau au premier rêve. La dernière évocation de la sphéricité observable dans le cadre des rêves initiaux, est la vision d’un globe évoquant la terre, globe sur lequel se tient une femme adorant un soleil. (rêve 20).
La dynamique du cercle
Dès les premiers rêve initiaux, on pouvait déjà observer la construction des éléments du mandala en relation avec le cercle et surtout, ce qui est important, avec sa dynamique.
Ce mouvement, qui sera celui du mandala final, se retrouve au tout début de la seconde partie de la série intitulée par Jung : “Les mandalas dans les rêves”.
Cette fois-ci au rêve 6 :
« Une femme inconnue poursuit le rêveur. Il court toujours en cercle. »
C’est le corps du Rêveur qui trace un cercle en mouvement quand il cherche à fuir la femme inconnue, introduisant ainsi la matière corporelle dans l’abstraction de la circularité.
Au rêve 8, est présentée une carte avec le dessin d’un cercle et son centre. Si ce rêve se révèle surtout important au niveau de la détermination du centre, il rentre quand même dans le groupe des mouvements giratoires, car il s’agit de faire le point en mer, et cela se fait “en fonction de la rotation apparente des étoiles autour de la terre ”.2
La boule, que l’on trouve déjà au stade des rêves initiaux, revient au rêve 11, sous la forme d’une boule de croquet, animée d’une telle énergie qu’elle fracasse un instrument de navigation indispensable.
Rêve no 11 : l'afficher
La boule étant liée au thème de la sphère, elle-même symbole de totalité, tout laisse supposer que l’inconscient est trop brutal dans sa présentation de l’image finale, et nous le verrons faire un autre essai, à la fois plus statique et plus bucolique, au rêve 21 :
« Une grosse boule transparente contenant de nombreuses petites boules. Une plante verte pousse à son sommet. »
Essais d’association au carré et d’exécution de dessins.
Le thème de la circonvolution se poursuit, au rêve 16,
Rêve no 16 : l'afficher
avec un essai d’association au carré, comme si le rêve voulait inscrire le carré à l’intérieur du cercle. Il apparaît, cependant, si on regarde le rêve antérieur (rêve 15) :
« Le rêveur se trouve avec son père, sa mère et sa sœur dans une situation très dangereuse, sur la plate forme d’un tram. »
qu’il s’agit surtout d’une manifestation de la quaternité dont la présence dans le mandala final fait partie des projets du Soi. Cette forme carrée perdure jusqu’au rêve 53 où :
« Le rêveur se trouve dans une pièce carrée vide qui tourne. Une voix crie : Ne le laissez pas sortir, il ne veut pas payer l’impôt. »
Mais cette forme ne sera pas choisie comme satisfaisante pour la re-présentation finale. Elle aura plutôt un rôle symbolique d’évocation du nombre quatre, ou d’une image du monde matériel où le Rêveur risque de se trouver enfermé.
C’est dans une partie du long rêve 22, qu’est évoquée la possibilité de représentation par le dessin. C’est un ami qui donne au Rêveur un billet, sur lequel il y a un dessin, une roue ou une couronne avec huit rayons.
Rêve no 22 : l'afficher
Après le rêve suivant, où le sujet se verra, en personne, en train de faire le portrait de la femme inconnue, il suivra l’enseignement de l’inconscient, et se mettra à exécuter des dessins, en relation avec des impressions visuelles, des perceptions intuitives ou des rêves. Il représentera des cercles, des roues et se préoccupera surtout du centre et de la symétrie.
Rappelons ici, que Jung a toujours encouragé ses analysants à faire des dessins, même maladroits, dans le but de les faire passer de l’état de récepteurs passifs des manifestations de l’inconscient, à celui de collaborateurs et de créateurs actifs.
Nécessité d’une structure circulaire mobile.
C’est au rêve 26 que s’annonce l’intention ferme du Soi organisateur d’imposer une structure circulaire mobile.
Rêve no 26 : l'afficher
Le Rêveur est impliqué dans un dialogue avec la Voix :
Une voix dit : Maintenant, cela va commencer.
Le rêveur demande : Qu’est-ce qui va commencer ?
Et la voix répond : Le mouvement circulaire peut commencer.
A la suite de ce dialogue une étoile filante tombe en décrivant une courbe singulière vers la gauche.
Le fait que ce soit le Rêveur lui-même qui interroge, et que la lumière commence à circuler, montre, sur un plan métaphysique, l’ouverture à une dimension cosmique.
On se trouve aussi, à ce niveau de l’élaboration de la structure du mandala, au cœur d’un processus de coopération entre la conscience éclairée et un inconscient qui désire lui montrer l’”autre côté” de son unilatéralité.
Maintenant cela va commencer signifie que le mouvement de la conscience vers l’inconscient, ce que l’on pourrait appeler une dynamique combinatoire, est amorcé, et que la compréhension et la force du Moi conscient sont suffisants pour entamer le cheminement vers la totalité psychique.
A ce stade de la construction de la forme satisfaisante, persistent des hésitations au sujet de la symétrie et du sens giratoire. Cependant, ces hésitations relèvent plutôt de la situation existentielle du Rêveur, car le mouvement circulaire des aiguilles de la Grande Horloge du Monde est déjà bien établi.
Le cercle choisi comme délimitation et lieu
Comme si la nécessité de la circonvolution avait été suffisamment mise en évidence, les rêves suivants stabilisent le cercle. Il devient une délimitation où, comme c’est le cas pour des tables rondes, le lieu d’une relation entre le Rêveur et des éléments de sa psyché comme l’ombre ou l’anima.
Le sens de la rotation vers la droite ou vers la gauche demeure un problème jusqu’au mandala final.
Il nous faut, ici, rappeler, que pour la symbolique des traditions occidentales, en particulier chrétiennes, la gauche est féminine, passive, néfaste et parfois même diabolique. Ceci explique que, dans les songes, les mouvements vers la gauche sont considérés comme un rapprochement du côté de l’inconscient, féminin, et ceux vers la droite comme une affirmation de la force de la conscience.
Le sens de giration vers la gauche est privilégié 3 jusqu’au rêve 51 au cours duquel le doute s’installe et où règne une grande tension.
Rêve no 51 : l'afficher
Dans ce que Jung appelle un mandala perturbé, la symétrie est cassée par l’apparition de rectangles, et la circulation se fait à la fois vers la droite et vers la gauche.
Au rêve suivant (52) tout le monde se déplace à nouveau vers la gauche. On pourrait dire qu’il existe une sorte d’unilatéralité, assez normale puisque c’est de l’inconscient qu’émergent les structures du mandala.
Nous pensons que cette unilatéralité est résolue au sein du mandala final, où l’aiguille de l’Horloge du monde fait le tour du cadran, parcourant ainsi la totalité de la droite et de la gauche, et dessinant un espace dans lequel va pouvoir s’inscrire la dimension temporelle.
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Publié initialement dans le cadre d’une thèse cette page a été adaptée par Ariaga (Ariane Callot), son auteure.
Les ouvrages cités sont référencés à la page bibliographie.
Notes :