Belladona est la plante homéopathique qui symbolise un monde noir infernal et mortel et une bataille pour la lumière.
Ce texte fait suite au texte Belladona, la belle qui a du chien.
La propension au combat chez Belladona
Chez belladona, le combat est un véritable leitmotiv. Belladona se sent poursuivi, veut fuir. Belladona est poursuivie en rêve par un géant (comme lycopodium), c’est-à-dire une force supérieure, un peu comme dans l’histoire de David et de Goliath.
Nombreux sont les contes, les légendes où il faut se battre non seulement contre un dragon, mais contre un géant, contre un ogre ou une ogresse1.
Le héros doit combattre un être fabuleux 2 pour délivrer la belle et s’unir avec son amour et atteindre de ce fait la jouissance du couple élu, libéré des scories infantiles. En fait, il s’agit de livrer bataille à une figure faisant obstacle à cette union, une figure d’amour dévoreuse, une force potentiellement négative dont il faut faire le sacrifice pour accéder au bonheur et à la plénitude.
La propension au combat est certainement ambiguë chez belladona, car elle est combat pour la conquête amoureuse mais aussi pour la suivie. Il y a séduction et défense.
Ce combat va s’inscrire dans une foule de rêves, d’impressions, de sensations, de pulsions et de marques physiques. Il rêve d’être poursuivi, de meurtriers, de voleurs, de querelles, il a des sensations de battements, de lourdeur, d’éclatement, de se briser, il est hypersensible à l’environnement, aux secousses, il est rouge, congestionné. Il donne des coups de tête, c’est un cabochard (caput en occitan). D’ailleurs il est très centré sur sa tête, qui est le siège de bien des tourments : Il prend froid par la tête, s’il va chez le coiffeur, si elle est mouillée. Il a la tête sensible au soleil, au point de craindre l’insolation. Sa tête est congestionnée, il l’enfonce dans l’oreiller, il a des mouvements de la tête, roule la tête. Il délire. Il voit des animaux qui le menacent. La vie est un amour, la vie est un combat…
La lutte de belladona se situe à plusieurs niveaux, particulièrement au niveau du sang, de la tête, de la gueule et des dents.
Belladona est rouge sang
Le sang afflue chez belladona, de manière violente, pulsante, artérielle. Le sujet a des pulsations fortes partout : palpitations au niveau du cœur, battements des vaisseaux, des carotides, de la tête… on est en présence d’une congestion sanguine, d’une inflammation porteuse d’hyperhémie qui laissent le sujet cramoisi. Le pouls de belladona est plein, bondissant. Il présente des hémorragies de sang rouge artériel, jaillissant. Les règles sont abondantes, fréquentes, chaudes. Belladona est sujet à l’insolation qui rend congestif, apoplectique et bouillant. Il est enclin aux « coups de sang ».
Le sang est évidemment porteur de vie, mais aussi il est porteur d’inflammation et de destruction. Il est lié au Typhon Seth, qui, dans la médecine égyptienne ancienne, est un des facteurs pathogènes de l’individu malade car sa couleur est le rouge. Seth est le frère jaloux meurtrier d’Osiris, nommé Typhon par Plutarque, qui en fait une sorte de diable.
Le sang a un caractère magique. Il fut utilisé dans de nombreuses pratiques magiques. Il a été à l’origine de l’idée du vampire qui a besoin de sang pour se nourrir et survivre. D’ailleurs l’ardeur, la vitalité d’un être le qualifie parfois de « quelqu’un qui a le sang chaud », par opposition au « sang de navet ». Il est le lien de cœur, le lien filial, le « lien de sang », celui qui unit les âmes, les amitiés, les amours, les générations. Il est le siège de la force vitale, de la chaleur vitale, de l’âme.
Chez les Grecs, le sang est associé au thumos, âme, principe de vie, principe de volonté, d’intelligence, des sentiments aussi, cœur phrénique de la sensibilité et du désir vital. Dans la Bible le sang a un caractère sacré. Il est d’ailleurs interdit de manger le sang et la viande non saignée de façon rituelle. Le sang n’appartient qu’à Dieu. Il est dans la religion chrétienne le précieux sang versé par le Christ pour sauver le monde, le sang de l’agneau versé pour laver les péchés du monde. Il correspond au vin, le sang du Christ…
Se défendre en mordant
Dans cette confrontation avec une force dévoratrice, il faut résister. Il faut mordre aussi, il faut se hérisser, devenir écarlate, bondissant et gueulard.
Le rebelle devient dragon, chien, loup, requin, crocodile, tigre, serpent fabuleux etc.. Du fait de son sang chaud (et aussi sans doute de l’origine européenne occidentale de la plupart de nos pathogénésies classiques), belladona se projette particulièrement sur l’image du chien et du loup. Il est hanté par la présence de l’image canine : il a peur des chien, a l’impression de voir des chiens, se prend pour un chien, tousse comme un chien… Il crée toute une mythologie canine, se couvrant même de poils en abondance. Il a parfois même des poils sur le nez ! Il a une vie de chien !
Dans l’antiquité, le chien était considéré comme le garant de la vie éternelle, comme Cerbère. En Egypte, Anubis, à tête de chacal est le psychopompe qui conduit au monde souterrain. Le chien est lié au dieu Esculape en Grèce, il a souvent un lien très positif avec l’homme, il est ami, gardien et guide. Mais il pouvait aussi être craint car on prétendait qu’il pouvait apporter la maladie et la peste. 3
Il existe dans belladona un fort climat animal. On rencontre dans belladona, qui appartient au domaine végétal, des thèmes empreints d’animalité, de violence vitale, d’énergie mordante. Ceci a été souligné par les anthroposophes. Il est en effet parfois difficile de classifier des individus selon le règne animal, végétal ou minéral. La nature est complexe, ses projections sont multiples et inconscientes.
Dans le bestiaire alchimique et philosophique, la figure du chien dévoré par le loup représente la purification de l’or par l’antimoine (loup gris). Le combat entre les deux éléments, « soufre et mercure » se trouve sans doute aussi dans des remèdes comme stramonium, hyoscyamus, lyssinum et même maiasaura lipidea, (remède nouveau qui semble avoir une pathogénésie intéressante) substances explosives où des fauves se battent et se confrontent avec violence.
Belladona, remède complémentaire de calcarea carbonica, remède par excellence de la symbiose4, est caractérisé par deux tendances, une tendance séductrice accueillante aimable et une tendance défensive, agressive dévoratrice. Il peut être gai, alerte, plaisant, tranquille, rigolard et même compatissant. Il se sent entouré d’amis. Car il lui faut plaire, plaire à cette entité puissante qui le tient bien serré dans son influence. Il s’agit de ne pas déplaire. Il faut être agréable, se rendre agréable, agir, aider, se faire bien voir.
L’énergie de belladona lui donne cet élan, sincère, au milieu de son tumulte vital. Mais du fait de la peur de voir son espace s’amenuiser, d’être rendu à une peau de chagrin, il va devenir agressif, car il a lui même peur d’être dévoré. Il va se mettre à montrer les dents et à mordre. Le voici hanté par les crocs et tout ce qui pourrait le happer, par tous les animaux à mâchoires impressionnantes, le chien, le loup, et autres bestioles à la dent dure. C’est le moment de la dentition chez le bébé, où il va pouvoir mordre maman qui l’étouffe un peu, dans une explosion fébrile torride, le visage en feu.
Chaleur brûlante
Nous abordons un autre thème de belladona, celui de la chaleur brûlante qui est le pendant du thème du sang. Belladona est un feu. Le remède est caractérisé par une véritable tendance à irradier de la chaleur, comme une fournaise, à tel point qu’on a parfois le sentiment d’être en présence d’une source torride qu’on peut percevoir à l’approche de la main.
Cette énergie irradiante est comme un soleil, mais ce n’est pas celle du soleil aurum, fier de sa position altière centrale, mais elle est l’énergie qui chauffe sur son passage. Encore une fois, cette chaleur est double, car elle peut être bienfaisante dans un premier temps, comme la tiédeur utérine où l’enfant en symbiose a germé, l’énergie qui donne la vie, mais dans un temps second, elle devient brûlure et peut infliger la mort.
On trouve cette dualité de Belladona chez les heruka tibétains, qui représentent l’aspect courroucé des déités. Ce courroux peut paraître malfaisant, en fait il est parfois une juste colère capable de pulvériser les obstacles de la vie et les aspects sombres de la psyché. La colère, l’explosion de belladona peut être délétère, mais il ne faut pas oublier qu’elle est aussi justifiée par la puissance de l’élan vital qui veut se sortir d’une situation susceptible d’empêcher l’évolution positive d’un être en but à ce qui voudrait l’étouffer.
Belladona dégage une telle chaleur qu’il craint le soleil, capable de lui infliger une insolation, capable de lui brûler la peau. Il craint le chaud qui augmente ses pulsations, qui le rend cramoisi. Le soleil a donné le nom de famille de belladona : « solanacée »5.
Le soleil n’est-il pas un des yeux d’Horus, le dieu faucon ? Belladona a effectivement une relation étroite avec l’œil. Son nom, nous l’avons dit, même proviendrait du fait que les belles élargissaient leurs pupilles par un artifice atropinique dû à la solanacée. Sans doute avaient-elles une légère photophobie, mais, comme elles craignaient le soleil (les « belles dames » de l’époque étaient des créatures de l‘ombre), elles n’en souffraient pas trop. De plus, elles avaient le regard immense et velouté apte à la séduction. Car belladona n’est pas forcément une brute, c’est aussi possiblement la douceur envoûtante d’un être qui veut désarmer l’adversaire par son charme, d’autant plus qu’il a une solide libido.
Qui dit soleil, dit chaleur, mais aussi clarté, lumière. Belladona craint la lumière du fait de sa mydriase. La grande clarté le gène, surtout lorsqu’il souffre de la tête. La migraine pulsante en est aggravée chez lui et il préfère tirer les rideaux ou fermer les volets. La lumière lui fait mal, mais aussi le bruit, la moindre agression, le moindre choc qui la fait sursauter.
Tous ces thèmes liés à la lumière, à la chaleur, soulignent la présence en lui d’un feu vital intense, d’une nature chaude et sèche comme le feu, à tel point qu’il a peur de l’eau qui pourrait lui être contraire.
Belladona est bouillant et ardent. C’est véritablement un dragon capable de cracher le feu. C’est une énergie chaude et combative.
Un monde noir infernal et mortel
Face à la dévoration du dragon belladona se situe un monde noir infernal et mortel : le dragon garde le monde de la grotte, un monde chtonien qui communique avec les ombres. Son aversion pour la lumière la rapproche d’un univers sombre et noir qu’il redoute (mais il peut également désirer la lumière). Belladona voit des animaux, des animaux noirs (chiens et chats) ou foncés.
Belladona peut avoir peur de ce monde inconscient qui l’envahit et a peur du noir. Le chien noir est une image d’Anubis, ce chacal de la famille des canidés qui se nourrit volontiers de charognes et qui est consacré en Egypte aux rites funéraires. Il possède la tête d’un chien sauvage sur un corps humain. Il participe à part entière à l’activité d’Atropos puisqu’il prend part à la psychostasie. Comme tous ceux qui sont impliqués dans un rôle osiriaque, il participe de l’univers lunaire (L’autre œil d’Horus.), à tel point qu’il peut subir une aggravation à la pleine lune et même convulser à cette période. On retrouve dans les Enfers grecs le chien Cerbère à trois têtes qui en garde l’entrée et terrorise ceux qui doivent s’y rendre.
Belladona a un aspect démoniaque. Des chiens noirs sont parfois les compagnons des sorciers. Cet aspect démoniaque n’est pas forcément négatif (c’est la même chose pour phosphorus) car le démon est garant d’une énergie chtonienne primitive (qui certes peut inquiéter, surtout pour le christianisme) ; elle est l’ombre qui relie à la terre, aux origines et à la force vitale.
Belladona a l’illusion de voir le diable (qui dans le Faust de Goethe apparaît sous la forme d’un chien barbet) et celle d’être pris par le diable ; il se sent sans doute coupable, il est poursuivi par les fantasmes animaux de son inconscient. Belladona est une sorte de Faust, de sulfur faustien qui voit des diables, qui vend son âme au diable pour jouir du monde et de la connaissance, mais son problème n’est ni de savoir, ni de philosopher, mais d’être confronté à l’énergie primordiale de la vie qui pourrait lui être refusée et à laquelle il a droit d’accéder.
Le combat auquel belladona se livre, cette lutte entre l’ombre et la lumière solaire (solanacées et Nachtschattengewächse), est un combat de titans, sulfureux et enflammé où le sujet délire. Il y voit des fantômes, des ombres, de sombres animaux menaçants et dentés. Il est pris dans une sorte de géhenne torride, sursaute, crie et se débat dans un cauchemar de type delirium tremens. Il est entre la vie qu’il désire (car son énergie est grande) et la mort qu’il entrevoit si il ne vainc pas le dragon qui lui fait obstacle.
Cette lutte entre la vie lumineuse et la mort nocturne est symbolisée par la rivalité quotidienne du soleil menacé d’être absorbé chaque nuit par le serpent dragon Apôpis. Rê sur sa barque est menacé chaque jour d’être englouti par l’abominable Apôpis.
On doit remarquer que belladona a peur des serpents et a l’illusion de voir des serpents. Les humains prient et supplient le soleil de revenir au matin car sans lui la vie, la lumière, l’intelligence et la clarté de l’esprit ne seraient plus qu’un chaos et une obscurité sans fond. L’humanité a peur de cet engloutissement qui n’aurait que la barbarie et la mort pour résultat.
Car le combat de belladona est bien un combat pour la vie, qu’il s’agisse du moment magnifique mais douloureux de la naissance (entre deux mondes, véritable bardo), du moment de la dentition où l’enfant sort de la délicieuse et contraignante étreinte de la mère, où du délire morbide du patient entre deux états de conscience. Ce combat est une bataille pour la lumière, pour la vue, pour la vision large, celle d’un œil à la pupille large, comme l’œil d’Horus, vengeur d’Osiris vainqueur de la mort, et triomphateur de Seth, le typhon démoniaque.
Important : il est possible que l’un des remèdes décrits sur ce site vous convienne, mais on ne peut l’affirmer sans un interrogatoire et un examen sérieux effectués par un médecin homéopathe. Le site est fait pour faire connaître l’homéopathie, en aucun cas il ne peut se substituer à un thérapeute. Le docteur Bernard Long n’assure plus de consultations.
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Ouvrages
Symboles et archétypes en homéopathie, reprend un certain nombre d’articles publiés sur ce site et les complète.
Le Répertoire homéopathique des maladies aiguës complète utilement cet ouvrage.
Articles de Bernard Long
Notes :
- Ainsi le conte de Hansel et Gretel avec la sorcière qui veut manger les enfants ou le conte de la comtesse Brayère qui dévorait les petits enfants dans la région du Puy-de-Chanat (Puy-de-Dôme). ↩
- Nicolas Flamel a représenté la « première matière » dans ses figures hiéroglyphiques sous la figure de deux Dragons, l’un ailé, l’autre sans ailes, pour signifier, dit-il « le principe fixe, ou le mâle, ou le soufre ; & par celui qui a des ailes, le principe volatil, ou l’humidité, ou la femelle, ou l’argent-vif. Ce sont, ajoute-t-il, le Soleil & la Lune de source mercurielle. Ce sont ces Serpents & Dragons que les anciens Egyptiens ont peints en cercle, à la tête mordant, la queue, pour dire qu’ils étaient sortis d’une même chose, & qu’elle seule était suffisante à elle-même, & qu’en son contour & circulation elle se parfaisait. Ce font ces Dragons que les anciens Philosophes Poètes ont mis à garder sans dormir les pommes dorées des jardins des Vierges Hespérides. Ce sont ceux sur lesquels Jason, en l’aventure de la Toison d’or, versa le jus préparé par la belle Médée ; des discours desquels les livres des Philosophes sont si remplis, qu’il n’y a point de Philosophe qui n’en ait écrit depuis le véridique Hermès Trimégiste, Orphée, Pythagoras, Artéphius, Morienus & les autres suivants jusqu’à moi. ». ↩
- Marie Louise von Franz. Interprétation des contes de fées. Paris : ed. Jacqueline Renard ; 1993. p. 158. ↩
- cf. note 6 ci-dessus. ↩
- Solanacées : leur appellation germano-celtique nah-skado ferait allusion à des esprits nocturnes et nuisibles. L’allemand connaît le mot Nachtschatten (ombre de nuit) pour désigner les solanacées. Le français désigne au contraire la famille de ces plantes par le mot « solanacée » et l’ordre qui les englobe par le mot « solanale», termes dérivés de sol, le « soleil ». ↩