Plainte des âmes perdues | Bateaux oubliés | Racines marines
Plainte des âmes perdues
(En hommage à Anatole Le Braz)
C’était le temps de l’enfance, le temps où ma Grand-Mère me racontait des contes bretons qui me faisaient frémir d’une peur terrible et délicieuse.
Quand la cloche sonne le glas et résonne vers le ciel gris,
habité de lourdes pluies,
quand l’angoisse et la détresse se mêlent d’effroi,
arrivent les nuits d’apparitions.
La mer est une tombe où le linceul est d’algues.
Seules mouettes et goélands musiquant dans le vide
récitent les paroles funèbres.
Aux échancrures de l’Océan, poussés par les grands vents d’Ouest, remontent ceux qui n’ont pas trouvé le repos au creux de la terre Mère.
Ils reviennent vers la côte, attirés par les feux de goémon de celles qui sont restées à terre, transies de froids regrets.
Ils sont des milliers, bras levés, prunelles angoissées, jaillissant des vagues qui attaquent la falaise comme des gerbes d’écume vivante. Leurs formes spectrales tentent de s’agripper aux maigres touffes de bruyères et d’ajoncs.
En une langue qui n’est plus celle des hommes,
bruisse leur triste plainte.
C’était aux jours anciens où l’on croyait encore,
que les âmes perdues errent sur l’Océan.
Bateaux oubliés
Sur la route de mes visions est passé un étrange cortège.
En tête le Vieil Homme de la Mer
une sirène minuscule perchée sur son épaule
il bat tambour soliste
d’un grand orchestre jouant sifflements de vents et vagues brisantes.
Derrière en grand désordre
suit une cohorte de bateaux délabrés
usés par l’abandon et le manque de respect.
De gros bateaux baleines glissent très lentement
sortis d’un long sommeil
où ils rêvaient de poissons brillants bondant leurs ventres affamés.
Venus d’un lieu oublié par la marée
sans espoir d’une rame d’enfant
sautillent de tout petits canots échappés de leur gangue de vase.
Suivent à moitié colorés
ceux restés de longues années dans un garage sombre
avec pour compagnie muette un vieux pot de peinture rouillé.
Une barque presque neuve
évadée d’une décharge sauvage
émerge d’un nuage de poussière.
Loin en fin de cortège
se traînent des bois pourrissants
semblables à des squelettes d’animaux dont il ne reste que les côtes.
Oui j’ai bien vu passer un étrange cortège.
Précédés par l’Ankou des vieilles coques
fantomale cohorte de bateaux ivres du désir des abysses
révoltés par l’indifférence des hommes
Ils marchaient vers la mer.
Racines marines
Il y a des jours où…
la mer scintillante enjôleuse
s’enroule dans sa robe irisée d’émeraudes et de saphirs
haleine parfumée d’érotiques senteurs iodées
elle ondoie
elle lèche
elle mousse
gratte langoureusement la harpe de son clapotis
et soulève sa vague
sur d’attirantes profondeurs.
Il y a des jours où…
la mer par tempétueuses marées hautes
fracasse au bélier de ses galets les falaises rongées
bouche immense
se nourrissant de landes roussies en de longs spasmes mugissants.
Surgit alors la Grande Mère
au ventre titanesque
celle qui entraîne dans ses fonds
les corps fleuris de coquillages.
Il y a des jours où…
perdue dans l’ombre je cherche au plus profond mes racines de vie
là où la mer montante joue à me faire frémir
ivre sans avoir bu
vibrante d’air marin
pelée comme un fruit mur
décapée jusqu’à l’âme
des plumes d’oiseau plongeur poussent vers ma surface.
La minute transparente m’ouvre en un rire liquide
je suis
pulsant en vagues au rythme de la création.
Poésies d’Ariane Callot
Poésies alchimiques
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Article de présentation des poésies