À partir des travaux de C.G.Jung ce texte met en perspectives les ressemblances et les différences entre les deux séries de rêves qui sont sont présentées dans les pages précédentes.
Pourquoi rechercher des points communs ?
Tout d’abord comparer les deux séries est un apport au travail remarquable de C.G.Jung sur la série du Rêveur dans Psychologie et Alchimie. Il était arrivé à des conclusions qui ont été un socle pour l’étude de la série de la Rêveuse mais sa série était unique et il le regrettait. Deux séries , c’est mieux, plus ce serait encore mieux, nous attendons les chercheurs …
Les différents thèmes des récits oniriques du Rêveur et de la Rêveuse se bousculent pour être représentés à la conscience ce qui produit, au sein de chacune des séries, des interférences. Le Moi conscient aime les enchaînements logiques, les représentations du déjà connu et bien identifié. Ceci explique la méfiance des deux sujets envers les productions de l’inconscient.
Nous avons montré que, malgré cette apparente incohérence des rêves, si on prenait la peine de reconstituer le texte comme cela se fait pour un message codé, on pouvait lire des récits avec un début, des péripétie, un dénouement. Ces récits oniriques se déroulent chez des rêveurs très différents de par leur sexe, leur date de naissance, leur formation.
Les points de convergence entre les formes de constructions narratives sont une première concordance. Il est possible d’en rechercher d’autres, d’un caractère relevant moins de la construction des récits et plus des obstacles rencontrées par les héros.
Peur des deux rêveurs de coopérer avec l’inconscient
Il semble que toute l’histoire du Rêveur et de la Rêveuse découle de leur difficulté à établir une relation personnelle avec l’inconscient. Ceci représente une sérieuse opposition à leur évolution psychique.
En effet, le travail de coopération et la possibilité d’action de la fonction transcendante ne démarrent véritablement qu’au moment où le contact avec l’inconscient commence à s’enraciner. Il se produit alors une interaction. Le Moi conscient du rêveur cherche volontairement à se nourrir de cet inconscient et l’inconscient, lui aussi, cherche le conscient pour s’alimenter.
Le refus de coopération avec certaines couches profondes de l’inconscient se traduit, dans les rêves des deux sujets, d’une manière très semblable. Il s’agit d’allusions à des menaces et d’avertissements au sujet de périls encourus. La peur les incite, l’un comme l’autre, à chercher refuge dans des lieux clos ou protégés, des temenos .
Dans la série du Rêveur, Le danger est très présent.
Il est angoissé par l’éventualité d’une relation avec des forces inconscientes. Les rêves le mettent en scène dans des situations dangereuses. Par exemple (cf,rêve 12,1) il participe à : « Une excursion dangereuse avec père et mère, en montant et descendant de nombreuses échelles » Dans un autre rêve de la seconde partie (cf; 12,2) , toujours en famille il se trouve dans une situation très dangereuse sur la plate-forme d’un tram. Il est aussi dit que la gauche, l’inconscient, doit être complètement étranglée .
On observe de fortes angoisses qui font que, dès le début de la série, il cherche à se réfugier dans des lieux où il pense être protégé : une île, des cercles protecteurs. Ultérieurement, il aura plutôt tendance à tenter de s’enfuir devant les sollicitations de l’inconscient.
Dans la série de la Rêveuse apparaît, un peu plus tardivement, l’éventualité d’un péril.
Il s’agit d’un avertissement, donné par les composantes de la psyché, au sujet du danger que présente une relation amorcée, mais tout à fait conflictuelle et chaotique, avec les forces de son inconscient.
L’avertissement se traduit par le fait que le groupe auquel elle appartient reçoit des gens un peu menaçants , qu’elle se trouve dans des positions dangereuses, comme le Rêveur, ou bien qu’elle craint un virus mortel.(cf.rêves 46,70,52) Ces représentations d’un danger se situent dans la première partie de la série.
Au moment des débuts de son travail avec l’analyste, elle est encore, plus clairement même, avertie du péril, pour certains, de la relation avec l’inconscient. Il lui est dit , dans le très important rêve 80, que certains bâtiments sont dangereux et qu’il l y a beaucoup de visiteurs qui ne sont pas revenus.
Les refuges habituels de la Rêveuse sont les lieux clos tels que chambres, chambres d’hôtel, hôtels. On peut y ajouter: maisons, bibliothèques et hôpitaux. Les chambres et les hôtels, pour donner un exemple, sont mentionnés 26 fois dans les rêves retenus pour la série .
Un réflexe d’auto-défense du Moi
Pourquoi ces avertissements, alors que l’inconscient cherche à entrer en contact avec le Moi conscient ?Il s’agit d’un réflexe d’auto-défense, tout à fait justifié, de la part de ce dernier.
Il est des sujets au Moi particulièrement fragile, pour lesquels des rapports avec l’inconscient seraient tout à fait destructeurs.
Jung pense que l’analyse n’est pas indiquée pour tous, loin de là, même pour des individus qui offrent les apparences de la plus solide “normalité.
Jung raconte, dans Ma vie (p. 162), le cas d’un médecin tellement normal que cela en devenait suspect. Il était venu le trouver parce qu’il envisageait de devenir analyste. L’écoute de son premier rêve provoqua chez lui une sueur d’angoisse car il comprit aussitôt que ce médecin souffrait d’une psychose latente. Il n’était même pas question d’effleurer l’inconscient de ce sujet , sous peine de déclencher la psychose.
Il s’agit aussi de tester la détermination des rêveurs à s’aventurer sur un chemin difficile et dangereux. C’est tout à fait manifeste dans le rêve 80, déjà cité. La Rêveuse vient de commencer son analyse et il lui est dit que ce cheminement peut la conduire vers des transformations psychiques peu souhaitées par son Moi conscient qui risque de devoir abandonner une partie de ses certitudes.
Ainsi, c’est avec méfiance que le Moi, peu enclin à perdre ses prérogatives, envisage une relation avec l’inconscient. Chez les deux sujets, la méfiance atteint le niveau d’une véritable terreur, quand il s’agit d’accepter la féminité.