C.G. Jung pensait que l’analyse peut être dangereuse pour certains sujets dont le psychisme pourrait être submergé par les productions de l’inconscient.
Une fausse impression d’achèvement de l’Œuvre
La vision 150 de la Rêveuse est alchimique. On y trouve une belle quantité d’éléments de la série qui forment une sorte de synthèse.
Vision no 150 : l'afficher Si on regarde les illustrations de notre texte, illustrations extraites du Rosaire des philosophes et qui datent de la première moitié du XIVe siècle, on peut voir que, comme dans la série de la Rêveuse, beaucoup de représentations symboliques étaient déjà là.
Au moment de cette vision 150, suivie du rêve de conjonction physique des opposés, et surtout du rêve 152 où le mot AMOUR apparaît enfin, on avait l’impression d’un grand apaisement. On pouvait penser que l’Œuvre était achevée grâce à la coopération inconscient-conscient.
Il n’en est rien, il s’agit seulement d’une RE-présentation de la totalité, entrevue un bref instant à l’horizon, et le cheminement incessant, dangereux, va reprendre sur un autre plan.
Le Moi doit préserver son identité
Le Oui est acquis mais les exigences de l’inconscient vont continuer, avec tous les risques de voir le Moi conscient submergé par la violence des apports extérieurs. De cela il est question sur la ligne 7 de signification, ligne de maintien de l’identité, qui s’enracine elle aussi dans l’Amour.
Voir le schéma des rayons de signification des rêves
Cette fois-ci, il s’agit de l’amour du Moi conscient envers lui-même et du souci qu’il a de préserver son intégrité. C’est parce que la conscience garde, développe même, ses capacités de conserver autonomie et organisation, que vont pouvoir émerger chez les Rêveurs, au niveau de la représentation à cette même conscience, les songes qui leur procurent une impression d’harmonie et de totalité.
Cette impression est destinée, pensons-nous avec Jung, à les aider à dire Oui à la Vie dans toute sa plénitude. Ce Oui ne peut être prononcé qu’en toute conscience et c’est le sens de ce qu’il écrit dans le tome IV de sa Correspondance (p.216):
“Nous sommes des humains, pas des dieux. Le sens de l’évolution humaine réside dans l’accomplissement de cette vie. Elle est suffisamment riche de merveilles. Et non pas dans le détachement de ce monde. Comment puis-je encore accomplir le sens de ma vie, si je me fixe pour but “la disparition de la conscience individuelle” ? Que suis-je sans cette conscience individuelle qui est mienne ? Cela même que j’ai appelé le “Soi” n’a d’efficacité que par la médiation d’un “Moi” qui entend la voix de Ce qui le dépasse. »
L’analyse peut être dangereuse
Jung pensait que l’analyse est dangereuse pour certains sujets. Il est des couvercles qu’il vaut mieux éviter de soulever.
Une névrose vivable peut tourner à la psychose si on touche au fragile équilibre qui s’est installé malgré, ou grâce à, la maladie psychique ou physique.
Le Moi est alors possédé par des éléments archétypiques qu’il ne sait plus différencier des contenus de sa propre conscience. C’est pourquoi l’ancrage dans le monde conscient et la conservation des possibilités d’adaptation et d’organisation demeurent si essentiels, comme l’illustre, une fois de plus, le discours du rêve.
Ce sont les songes eux-mêmes qui avertissent les rêveurs des périls inhérents à un cheminement qui ne serait pas éclairé par la lumière de la conscience.
Le Rêveur, par exemple, sait que plonger au fond de la mer, symbole de l’inconscient, pour y chercher un trésor, est dangereux. (rêve 13) Plus loin, c’est au risque de sa vie, entendons de sa vie psychique, qu’il doit découvrir le pôle. (rêve 40).
Voir les rêves de la série du rêveur
La résistance de la Rêveuse
Le rayon de signification du maintien de l’identité est particulièrement puissant chez la Rêveuse. Rappelons-nous qu’elle a résisté à des années de déferlement de contenus de l’inconscient avant de solliciter, alors qu’elle commençait à présenter des symptômes névrotiques alarmants, l’aide de l’analyste. A partir de ce moment elle a œuvré, consciemment, pour tenter de retrouver la partie perdue de sa totalité.
La discrétion nous interdit de donner des détails sur les problèmes de la Rêveuse. De plus, ce serait contraire à notre position de départ qui est de considérer, comme l’avait fait Jung, la série comme un objet d’étude indépendant de la vie réelle de la Rêveuse.
Les rêves d’avertissement du danger
Les avertissements sur les dangers de cette démarche, même si l’analyste est là, sont très clairs comme on l’observe dès le très significatif rêve 80.
Rêve no 80 : l'afficherAvec un groupe, dont on peut penser qu’il est formé par des composants de sa psyché, elle demande si elle peut visiter d’anciens bâtiments. Il lui est répondu :
« C’est très vaste, on peut se perdre, certains bâtiments sont dangereux et il y a beaucoup de visiteurs qui ne sont pas revenus. »
Plus loin, on trouve aussi deux songes significatifs. Au cours du premier (rêve 132), on voit la Rêveuse couper le cordon ombilical qui la relie à ses racines biologiques.
Rêve no 132 : l'afficherDans le second (rêve 139) elle regarde une jeune fille, image d’elle-même, qui est occupée à dresser un singe. Dresser le singe signifie, ici, maintenir dans un cadre acceptable pour le Moi conscient, les manifestations de l’instinct.
Rêve no 139 : l'afficher
Ce Rêve rappelle le moment où il était dit au Rêveur de la série de Jung que l’on voulait reconstruire le gibbon. (rêve 16)
Il s’agit, cependant, de deux mouvements inverses : dans le cas du Rêveur il est temps de laisser s’exprimer la voix de la Nature occultée par un intellect trop puissant. Pour la Rêveuse il devient nécessaire de laisser la place à l’organisation consciente qui doit mettre de l’ordre dans le discours de l’inconscient et exercer ses facultés discursives.
La Rêveuse est sur le chemin de l’harmonisation
On peut penser que, dans les moments où l’inconscient parle trop haut au gré du conscient de la Rêveuse, il reçoit l’écho de cette contrariété, ce qui a une influence sur son discours. En admettant cette hypothèse, le rêve 139 que nous venons d’évoquer serait une réaction au rêve précédent, au cours duquel une voix autoritaire criait : il faut dire fort !
Le rayon de signification du maintien de l’identité trouve son aboutissement au rêve 144.
Rêve no 144 : l'afficherLe Père décide de laisser la place à sa fille et la Rêveuse prend la direction du groupe de musiciens au sein duquel régnait une certaine confusion. C’est elle qui va, dorénavant, assurer la direction des diverses composantes de la psyché sur le chemin de l’harmonisation représentée par les mandalas.
Le risque de dissolution du Moi conscient sera évité, l’organisation maintenue, même si l’inconscient conserve toute sa puissance, comme on le verra à la fin de la série.
Page précédente | Page suivante
Publié initialement dans le cadre d’une thèse cette page a été adaptée par Ariaga (Ariane Callot), son auteure.
Les ouvrages cités sont référencés à la page bibliographie.