Le médecin était, pour les alchimistes, censé connaître les merveilles de la nature.
Le médecin connait les mystères et merveilles de la Nature
Les rêves sont comme une série télévisée aux multiples épisodes dont les acteurs et les thèmes reviennent sans cesse. C’est ainsi que au rêve 5, les allusions alchimiques se poursuivent.
Rêve no 5 : l'afficherLa Rêveuse est chez un médecin. Le médecin est celui qui administre la médecine, et celle-ci, en philosophie hermétique, se situe à trois niveaux correspondant aux opérations du Grand Œuvre :
Selon le Dictionnaire Mytho-hermétique de Pernety (p. 285), le premier niveau est celui de l’Œuvre de la Nature, le second de l’Art et le troisième de l’Art et de la Nature, ce dernier étant aussi nommé « la médecine de l’ordre supérieur ».
Le médecin, si l’on en croit Paracelse, connaît les mystères et les merveilles de la Nature, ce qui en fait le préféré de Dieu.
Le fait que, si tôt dans la série, la Rêveuse se trouve chez un médecin, un homme de l’Art, montre qu’elle a besoin d’aide et de soins pour cheminer vers l’Œuvre de totalité.
La symbolique du vinaigre
Le remède spécifique qui lui est destiné sera rude, tout au moins au début. On pourra lui appliquer la phrase de Gratien, rapportée par le Rosarium philosophorum, ainsi traduite par Jung dans Les racines de la conscience (p.438) :
“En alchimie il est un certain corps noble au commencement duquel sont la misère avec le vinaigre, mais à la fin, la joie et l’allégresse”.
En effet, le médecin va chercher pour la Rêveuse un extrait de vinaigre.
Le terme extrait suggère une opération de laboratoire, d’autant plus que les sens symboliques donnés au vinaigre vont du dissolvant universel au vinaigre très aigre, distillé plusieurs fois, et correspondant au mercure des Philosophes.
On appelle aussi le vinaigre lait de vierge. Ce dernier sens, très surprenant, aura pourtant un écho au rêve 18 où la Rêveuse devra être mariée vierge et où il faudra mettre de côté un demi litre d’eau gynécologique.
Rêve no 18 : l'afficherLes animaux et l’animalité
Au cours du même rêve, revient, avec le papillon gras, le thème des animaux et de l’animalité, relié à celui de la Nature et du premier stade du processus alchimique. Les philosophes alchimistes appellent Animal la matière préparée de la Pierre.
Marie-Louise von Franz écrit, dans son commentaire de l’Aurora Consurgens :
“Dans la nuit de la nigredo on voit errer les animaux de la forêt. Il y a ici un écho du riche bestiaire alchimique qui caractérise en particulier les stades initiaux : le serpent ouroboros, symbole de l’arcane, le lion, les reptiles, l’aigle, le chien, le loup, etc.”
Le texte de l’Aurora est le suivant :
“C’est sur cette terre que passeront toutes les bêtes de la forêt, car tu leur as posé un terme qu’elles ne franchiront pas jusqu’au blanc, mais par son ordre, les jours persévèrent jusqu’au rouge”.
Il s’agit d’une description des trois étapes du processus, œuvre au noir, au blanc et au rouge.
Les animaux sont très présents dans les séries, que ce soit celle de la Rêveuse ou du Rêveur. On les trouve dès le songe 2 de la Rêveuse et, d’autre part, un serpent décrivait un cercle autour du Rêveur, au rêve 5.
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La constance d’une présence animale, et le fait qu’elle peut manifester sa permanence jusqu’aux rêves d’aboutissement, comme c’est le cas chez les deux Rêveurs, nous apparaît comme une preuve d’un enracinement biologique persistant à tous les niveaux.
Il n’y a ni séparation ni mélange parfait, ce qui explique les continuelles fluctuations de la matière de l’opus et la multiplicité des distillations.
Jamais, aucune phase de l’Œuvre n’est stable. La dépression suit toujours l’obtention d’un degré supérieur du travail. Ceci s’étend à la vie consciente au cours de laquelle attraction et répulsion, espérance et doute, sentiments positifs et négatifs, nous font passer par des changements d’état.
Un oiseau sans plumes
La vision hypnagogique 6, surprenante au premier abord, présente, en fait, un véritable concentré de symbolique alchimique : Un oiseau vivant auquel on a arraché les plumes. Il est tout nu comme un poulet et il y a des plumes qui volent partout autour.
Vision hypnagogique no 6 : l'afficherL’épigramme VII de l’Atalante fugitive de Michel Maïer , dont l’illustration est en tête de cette page, nous montre, aussi, un oiseau sans plumes tout à fait vivant :
“L’oiseau de Jupiter en une roche creuse
A fait son nid, s’y cache et nourrit ses petits.
L’un d’eux veut s’envoler sur ses ailes légères,
Mais son frère, un oiseau sans plumes, le retient.
Il revient donc au nid qu’il fuyait. A tous deux
Joins la tête et la queue : ce n’est pas oeuvre
vaine.”
Au cours du Discours qui suit, Michel Maïer aborde, sans que le mot soit écrit, la nécessité d’unir les éléments opposés pour parvenir à la totalité.
Partant de l’exemple d’oiseaux, l’un volant et l’autre sans plumes, chacun tenant dans son bec la queue de l’autre, il généralise, en en faisant une :
“disposition de la Nature Universelle”, qui “soulève toujours ce qui est lourd au moyen de ce qui est léger, et inversement abaisse les parties légères grâce aux parties lourdes”. (p.100)
A partir de l’allégorie de l’oiseau sans plumes, assimilable à un oiseau sans ailes retenant un oiseau emplumé, on arrive au grand principe alchimique : la substance fixe doit fixer le volatil. Ceci, traduit en langage contemporain, symbolise l’inséparabilité de ce qui est léger, l’esprit, la psyché, de ce qui est lourd, la matière, le corps.
Le poulet des sages
Le fait que la Rêveuse dise que cet oiseau est nu comme un poulet est lui aussi plein de sens.
A un premier niveau, il existe une continuité, en relation avec le thème alchimique de la cuisson, entre le plat mal cuit du rêve 3, ayant l’apparence d’un poulet, l’oiseau vivant, donc pas cuit du tout, du rêve que nous étudions, et le poulet cuit du rêve 45.
Rêve no 45 : l'afficherAjoutons que, si on revient au texte de Michel Maïer, le poulet qui ne vole pas mais court à terre, représente l’union du fixe et du volatil.
Le Pullus, ou Poulet des Sages, a aussi le sens, parmi ceux quasiment inépuisable de par la multitude des appellations, de Soufre des Philosophes. On peut aussi, en suivant l’allégorie alchimique, dire que le poulet, ayant la tête rouge, les plumes blanches, et les pieds noirs, est comparable à la matière de l’Œuvre en ses phases du noir, du blanc, du rouge. C’est pourquoi Nicolas Flamel appelait le vase des Philosophes, le lieu où ils mettaient leur matériau, l’habitacle du poulet.
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Publié initialement dans le cadre d’une thèse cette page a été adaptée par Ariaga (Ariane Callot), son auteure.
Les ouvrages cités sont référencés à la page bibliographie.