Exposé du projet d’analyse de la série de la Rêveuse, du matériau alchimique brut à la prise de conscience du moi conscient.
Un cheminement vers l’individuation
Après l’étude des émergences alchimiques dans la série du Rêveur proposée par Jung dans Psychologie et alchimie, nous allons tenter une démarche plus personnelle destinée à apporter un appui au travail de Jung.
La série de la Rêveuse est plus contemporaine que celle du Rêveur de Jung. Notable différence, il s’agit d’une femme. Même si nous avons choisi, comme Jung, de considérer ces rêves comme un objet de recherche, sans tenir compte de la personne de la Rêveuse, nous savons quand même qu’elle est très différente du Rêveur. Elle n’est pas un grand scientifique et nous la devinons simplement sensible, d’une culture plutôt littéraire et probablement en proie à de multiples problèmes psychiques.
La grande question est : pouvons nous aussi voir dans cette série un cheminement vers l’individuation offrant des ressemblances, à la fois dans le processus et dans la symbolique avec l’Œuvre des alchimistes du Moyen Âge.
La vitalité du symbole
Les interprétations à connotation alchimique que nous allons proposer, s’appuieront sur des données qui, au premier abord, peuvent sembler n’avoir que d’assez vagues relations avec la symbolique hermétique. Les situations, les moyens, le vocabulaire, sont différents. Ceci est justement, à nos yeux, une démonstration de la vitalité du symbole.
Cette vitalité du symbole, au plan qui nous intéresse ici, tient à ce qu’il utilise, au profit d’un sens permanent, un matériel empirique emprunté à l’expérience du rêveur, laquelle est déterminée par les conditions actuelles de son existence.
L’oiseau devient avion, les roues sont celles d’un véhicule à moteur, on monte et on descend en ascenseur, mais la tonalité alchimique est toujours présente. Parfois, en particulier quand il s’agit de tout ce qui touche aux éléments naturels, la continuité signifiante est plus rigoureuse, parce que moins dépendante des variations temporelles.
Nous rejoignons ici l’interprétation structurelle où nous nous sommes efforcés de montrer que tout était déjà là, dès les premiers rêves, mais n’accédait que progressivement à la visibilité. Par exemple, l’eau, la terre, le monde végétal et animal, font précocement partie des éléments du rêve.
Il y a là une concordance avec la manière dont l’insertion dans l’espace, et l’émergence de formes géométriques, apparemment éparses, participaient finalement à la construction d’une re-présentation réunissant les données les plus harmonieuses et les plus significatives pour la conscience.
Contenus de l’inconscient collectif
Nous avons affaire, quel que soit le niveau d’interprétation, à une manifestation de la même efficience de contenus de l’inconscient collectif dont certains, de par leur nature archétypique, ont tendance à s’exprimer avec plus de puissance et de régularité, constituant ainsi des lignes de force.
Les thèmes alchimiques n’échappent pas à cette loi, parce qu’ils sont en relation avec des représentations archétypiques, liées à cette Mère Nature, qui est à la racine de l’Alchimie, la Mater Alchimia.
Contribution au travail effectué par Jung dans Psychologie et alchimie
Notre but, pendant cette dernière partie de la recherche, sera d’ajouter, par l’apport d’une nouvelle et récente série, une contribution au travail effectué par Jung dans Psychologie et alchimie. Nous voudrions montrer, à partir de cette série inédite, les concordances entre la symbolique du rêve et la symbolique alchimique.
Ces deux discours, énigmatiques pour le profane, présentent, en effet, de profondes analogies, et sont susceptibles de s’éclairer mutuellement. A la lumière de ce double éclairage, nous pensons voir apparaître une similitude, au niveau de racines profondes trans-temporelles et trans-individuelles, induisant une autre vision du psychisme, et sa réinsertion au sein d’une Nature non séparée de la psyché.
Au cours de ce processus, la Nature se manifesterait d’abord à l’état de matériau brut, puis il y aurait, ensuite, « Œuvre », grâce à la coopération de l’esprit humain, capable d’opérer des distillations, des maturations, et des réintégrations, semblables à celles du travail opéré par l’alchimiste.
Comme aux autres niveaux du discours du rêve, des indications sont fournies, dès le début, sous forme d’allusions aux stades, aux procédés opératoires et à la finalité de l’opus. Il est difficile d’interpréter ces allusions si on observe un rêve isolé. Elles deviennent plus explicites dès que l’on appréhende l’ensemble du corpus, sans y chercher un enchaînement causal ou temporel, qui n’est pas le mode naturel de la représentation onirique.
Projet d’analyse de la série
Au cours de la première partie de la série, que nous comparons à une œuvre inconsciente, calcinations, putréfactions, dissolutions alternent avec lumières, soleils et enfantements provoquant, ainsi, des mouvements cycliques de mort et de renaissance. Ces mouvements offrent des similitudes avec les manifestations caractéristiques qui suivent et précédent les différentes phases de l’Œuvre.
Dans la seconde partie de la série où, avec l’aide de l’analyste, le discours du Soi devient plus conscient, nous verrons émerger un nouveau processus de transmutation du matériau onirique. La Rêveuse va devoir lier ensemble l’Œuvre de la nature et l »Œuvre de la pensée, dissociées par un Moi conscient ayant refoulé vers l’inconscient ce qui concernait son enracinement premier dans la Nature.
Page précédente | Page suivante
Publié initialement dans le cadre d’une thèse cette page a été adaptée par Ariaga (Ariane Callot), son auteure.
Les ouvrages cités sont référencés à la page bibliographie.