La puella représente la féminité jeune, sur le point de devenir et à un carrefour. Elle est décrite à travers des images archétypales, l’étymologie même de ce mot, ainsi que par son lien avec la jeune fille de la mythologie. Elle incarne une figure essentielle dans le cycle de la vie.
L’analyste jungienne Susan Schwartz soutient que nous apprenons à nous connaître en examinant les rôles et mises en acte de la puella, ainsi que ses suppositions et perceptions inconscientes, acquises à la fois consciemment et inconsciemment.
Art de Barbara Aliza.
Version anglaise de cette article
Cet article propose un aperçu de l’ouvrage A Jungian Exploration of the Puella Archetype [Une exploration jungienne de l’archétype de la puella] de Susan Schwartz, présenté en français, mais non traduit dans cette langue. Il est sous titré « La fille en devenir ».
Sur cette page
- La fille/femme archétypale
- La notion d’archétype
- La puella dans la mythologie
- Étymologie de la puella
- La fille/femme moderne
- Pluralité de la psyché
- Remarques finales
La fille/femme archétypale
À quoi ressemble la part de la puella dans la personnalité et la féminité ? Que se passe-t-il lorsque l’on dissocie la féminité des corps féminins ? Nous sommes attirés par la puella avec imagination et espoir, fascinés et curieux de ses éléments insaisissables. Comme l’a dit l’analyste jungienne Toni Wolff il y a des années :
« . . . ce qui importe en fait c’est d’en [le problème psychologique] prendre acte et de tenter grâce à un plus haut degré de conscience de voir clair dans la confusion intérieure du moment. » (Wolff, 1992, p. 70)
Bien que le caractère de la puella puisse se former de diverses manières au sein de la psyché, cette perspective se concentre sur l’effet marqué du père absent et de l’absorption dans la mère, émotionnellement absente, sans une connexion suffisante à son être.
La puella se fait remarquer par un style particulier, une fraîcheur et un intérêt. Elle peut être de n’importe quel âge, vibrante d’idées et d’espoir. Cependant, elle peut aussi être accablée par une sorte d’engourdissement secret, comme si elle portait un fardeau mort. La vivacité est compromise, tout comme la force.
Elle est intelligente, vive, et le développement de sa personnalité reste encore à se déployer. Elle a besoin de temps car quelque chose a été entravé dans son développement. Cela peut découler d’un manque parental, de systèmes et structures familiaux négligents, ou d’aspects culturels limitants et imposés. Elle est retenue, vivant derrière un mur, capturée par des complexes destructeurs et incapable d’accéder à une version plus complète de soi.
Cette exploration vise à la libérer des chaînes et des projections, pour qu’elle retrouve un mouvement plus naturel. Elle est la jeune fille en devenir, émergeant de ce qu’elle a été pour se transformer en ce qu’elle peut devenir.
La puella est décrite à travers des images archétypales et l’étymologie même du mot. Elle s’aligne avec la figure de la jeune fille dans la mythologie. Elle représente une étape dans le cycle de la vie, comme l’a souligné l’analyste jungien Murray Stein :
« Les imagos que les gens réalisent dans leur développement individuel sont basées sur des formes archétypales, relativement intemporelles et immuables, mais façonnées par l’histoire et la culture. » (Stein 1998, p. 120)
Nous apprenons à nous connaître en examinant les rôles et les répétitions des schémas de la puella, les présupposés et perceptions inconscients, acquis consciemment et inconsciemment. Elle représente la féminité jeune, sur le point de devenir et à un carrefour. Elle existe entre sa nature individuelle, son énergie, sa jeunesse et ce qui est novateur, tout en pouvant être ramenée aux voies traditionnelles.
La puella incarne la créativité, l’originalité, le désir et la différence. Pourtant, souvent fragile dans sa position, elle peut se laisser détourner de son chemin.
Que ce soit chez les femmes ou les hommes, hétérosexuels, lesbiennes, gays ou non binaires, la puella demeure un concept et un aspect de la personnalité à comprendre et à rendre conscient en chacun de nous.
La puella s’inscrit dans un continuum historique, mythologique, culturel et personnel, symbolisant une forme de la catégorie de ce que l’on appelle le féminin. Elle fait sortir la voix féminine de sa conformité et de sa répression pour l’amener vers des espaces créatifs grâce à sa nature rebelle. Son défi des schémas traditionnels exige courage, engagement et dévouement. Cela émerge à travers le processus d’individuation et par l’exploration des multiples facettes de la psyché pour découvrir ce que cela signifie être fidèle à soi-même.
Par exemple, au cœur de la psychologie jungienne se trouve la compréhension que nous sommes un dosage de masculin et de féminin. Les notions de femme, d’homme et du féminin évoluent de manière dramatique, et d’autres changements sont à l’horizon. Cela présente des défis, non pas pour pathologiser, mais pour transformer la psyché. La perspective jungienne offre des moyens de comprendre ce que cela signifie dans notre époque actuelle. La réflexion sur le féminin a changé avec les attitudes culturelles et la prise de conscience des diverses identifications conscientes et inconscientes.
Ces variations élargissent notre compréhension tout en créant également des erreurs de perception. Les stéréotypes de genre soulignent la nécessité de repenser les présupposés liés au genre, influencés par les codes hégémoniques traditionnels qui façonnent de nombreuses adaptations actuelles. Les tensions fondamentales pour naviguer dans le genre représentent des changements radicaux et étendus dans l’environnement socioculturel. Comme le commentait Jung :
« J’ai toujours pensé que, moi aussi, j’avais à répondre à des questions que le destin avait déjà posées à mes ancêtres, mais auxquelles on n’avait encore trouvé aucune réponse . . . des problèmes que les époques antérieures laissèrent en suspens. » (Jung, Ma Vie, p 278)
La représentation ici est celle du dévoilement de la puella à travers l’examen de certaines de ces questions, difficultés, défis et promesses.
La puella est fluide ; elle incarne le féminin émergeant de manières différentes des générations précédentes, lorsqu’il était nié et réprimé.
Cette exploration de la puella marque une ère de fluidité de genre avec des descriptions ouvertes des aspects féminins. Elle nous place dans un territoire sans précédent, où les autodéfinitions changent, un kaléidoscope mouvant de l’imaginaire, de l’inconnu.
Cependant, il ne s’agit pas d’une liste de traits et de marques claires. Nous ne sommes pas d’une manière ou d’une autre ; nous sommes un spectre, une combinaison changeante, une synthèse créant de nouvelles formes, le soi composé de parties disparates basées sur des énergies et des formes inconscientes (Stein 2022, p 33). Ce soi est une pluralité de nouvelles formes, de contradictions et de défis, sans application standardisée.
La puella lutte avec diverses limitations, car cet aspect représente également la peur et la confusion, cherchant à effacer une misère intérieure.
Dans cette série de vignettes composites personnelles, un portrait intrigant et poignant émerge. De nouvelles attitudes annoncent de nouveaux temps, révélant les vérités et les luttes sur ce que signifie être humain. La puella est tendre, perceptive et intelligente, mais peut résister à embrasser l’ombre avec ses qualités inconnues et la possibilité de se voir sous un nouveau jour élargi. Comme le disait Jung :
« L’ombre est un passage étroit, une porte serrée, dont la constriction douloureuse n’épargne personne qui descend dans le puits profond. Mais il faut apprendre à se connaître pour savoir qui l’on est. Car ce qui se trouve après la porte est, assez étonnamment, une étendue infinie d’incertitude sans précédent. » (Jung, CW9i, par 45)
La notion d’archétype
La pertinence de l’archétype évolue avec les époques et les idéologies. Actuellement, il existe un débat et de nombreuses controverses sur la signification du concept jungien d’archétype. Je me réfère à la description qu’en fait Jung, c’est-à-dire des voies générales que chacun de nous remplit de manière unique :
« des représentations qui varient énormément sans perdre leur structure fondamentale » (Jung, CW18, par 523)
Ce terme est généralement utilisé pour désigner quelque chose de bien connu et reconnu, et il fait même partie du langage courant.
L’archétype se déploie dans sa nature métaphorique. L’ambivalence et l’ambiguïté résident dans la notion d’archétype, avec sa différenciation et sa complexité oscillant sur un continuum dynamique. L’archétype, ainsi que ses implications psychologiques, de même que les écrits de Jung et d’autres analystes jungiens, soutiennent cette perspective.
À propos de ce sujet controversé, Jung lui-même a noté dans General Aspects of Dream Psychology [Les aspects généraux de la psychologie des rêves] :
« Les archétypes, autant que nous pouvons les observer et les expliquer, se manifestent uniquement par leur capacité à organiser des images et des idées, et cela reste toujours un processus inconscient qui ne peut être détecté qu’après coup. En assimilant un matériel dont la provenance dans le monde phénoménal ne saurait être mise en doute, ils deviennent visibles et psychiques. » (Jung, CW8, par 440)
J’utilise l’archétype :
« non pas comme quelque chose de réifié, mais ce que cela signifie être humain et ce dont la psyche a besoin pour guérir et pour l’intégralité . . . avec une sphère partagée collectivement, qui est inconsciente et peut impacter les groupes et les processus. » (Roesler 2024, p 245)
L’archétype apparaît à travers des symboles, des motifs et des thèmes représentant des expériences humaines universelles, ponctuées d’une gamme émotionnelle allant de l’extase à la mélancolie.
« Nous pourrions caractériser la psychologie analytique comme une science poétique—concernée par la recherche, et même la création, de sens. » (Roesler 2024, p 244)
Contenus dans l’archétype se trouvent les paradoxes des opposés, un spectre de possibilités reliées à travers les sentiments, les pensées, les émotions, les idées. Dans Psychology of the Child Archetype [Psychologie de l’archétype de l’enfant], Jung a dit dans l’une de ses nombreuses descriptions de l’archétype :
« Pas un instant nous ne devons céder à l’illusion qu’un archétype puisse être enfin expliqué et éliminé . . . Le maximum que nous puissions faire est de rêver le mythe en avant et de lui donner un habit moderne. » (Jung, CW9i, par 271)
Pour ajouter à l’approche classique de l’archétype, sa définition et sa controverse, Jung a appelé l’anima un archétype. Ainsi, dans la pensée jungienne classique, la puella est une forme de l’archétype de l’anima, ou du féminin en chacun de nous.
De plus, Jung appelait l’anima l’âme. Il a commenté :
« Chez l’homme, l’âme, c’est-à-dire l’anima, ou l’attitude intérieure, est représentée dans l’inconscient par des personnes déterminées avec les qualités correspondantes. Une telle image est appelée une image de l’âme. Parfois, ces images sont de figures tout à fait inconnues ou mythologiques. » (Jung, CW6, par 808)
Ici, l’anima est attribuée à la psyché masculine, mais la mise à jour de ce concept conduit à une définition plus complète. Comme Jung l’a dit dans une lettre datée du 8 juin 1959 :
« L’androgynie de l’anima peut apparaître dans l’anima elle-même. » (Jung 1976; Hillman 1985, p 65)
L’anima a également été décrite comme :
« intérieure . . . virginale, fermée, générative mais réservée . . . une intériorité de mouvement s’approfondissant vers le bas . . . Elle est aussi un facteur réfléchissant avec des émotions bouleversantes de l’âme. » (Hillman 1985, p 23).
L’anima est décrite comme fournissant un sentiment d’être, et lorsqu’elle est absente et inaccessible, une personne ressent le vide et l’absence, car la relation à une partie essentielle d’elle-même est indisponible. Sans relation avec l’anima, elle se sent dépersonnalisée, comme l’a noté Hillman (1985, p 105), en raison de la perte d’engagement personnel, d’une certaine réflexion intérieure et introspection, ne se souciant pas et ne croyant pas en sa valeur ou son but. Le sens a disparu.
Jung suggérait que le sens peut être rétabli en accédant à l’image et à l’imagination (Jung, CW13, par 75). Raviver les images permet d’accéder à une forme d’auto-définition et de vitalité. Hillman nous rappelle le rêve de Jung de la fille et de la colombe, et comment, dans ce rêve, Jung est devenu lui-même à travers l’imagination (1985, p 113).
Cette fille pourrait être représentative de la puella ; en tant que telle, en suivant l’image, nous la trouvons associée à l’esprit sous la forme de la colombe. Elle semble être une figure significative nous conduisant vers un endroit inconnu, mais incarnant le mystère, l’espoir et la possibilité.
Tant Jung que Hillman reconnaissaient la valeur de toutes les formes du féminin, qui résident non seulement chez les femmes et les hommes, mais aussi dans la psyché, où elle existe sous des aspects multiples, exprimés à travers le chemin individuel de chacun.
À mesure que la puella prend vie en nous, les images qu’elle habite gagnent en créativité et sens. La puella devient une partie précieuse de ce qui nous anime, rétablit l’équilibre de la vie et fournit de l’énergie.
La puella, en tant qu’archétype vécu humainement en chacun de nous, représente le mouvement dans le temps, révélant des schémas et des tendances du développement psychologique. Jung suggérait que cette prédisposition archétypale, cette structure orientatrice, est remplie et donnée de contenu par le monde extérieur. Elle est vécue et intégrée, liée aux prédispositions archétypales et rendue significative par elles.
Jung a également dit :
« Il [l’archétype] persiste à travers les âges et nécessite une nouvelle interprétation. Les archétypes sont des éléments impérissables de l’inconscient, mais ils changent continuellement de forme. » (Jung, CW9i, par 301)
Le processus de réinterprétation est précisément ce que cet exposé cherche à accomplir. Cela inclut les grands et petits processus progressifs de renaissance, de transformation et de renouveau qui se déroulent à travers les étapes du développement, comprenant la séparation, la différenciation, le démembrement et l’unification.
L’univers des archétypes et leurs représentations symboliques apparaissent dans les mythologies du monde. Ils agissent comme un continuum à travers l’histoire de manière psychologique et culturelle, élargissant notre psyché personnelle et nous connectant aux autres.
Jung a dit à Freud dans une lettre datée de 1909 :
« Nous ne résoudrons pas les secrets ultimes de la névrose et de la psychose sans la mythologie et l’histoire de la civilisation. » (McGuire 1974, p 279)
Nous avons besoin de la mythologie dans nos vies pour donner du sens, car nous pensons facilement sous forme d’histoires. Les histoires sont la manière dont nous retenons le mieux les événements importants de nos vies et de celles des autres, y compris les événements mondiaux. Le mythe décrit les cycles naturels et souvent difficiles qui illustrent les rites de passage de la vie.
La puella dans la mythologie
Les mythes dans d’autres cultures mettent en avant des traits de personnalité à la fois communs et distincts. Explorer la tradition des mythes grecs, dont les symboles et les personnages ont marqué la culture occidentale, permet d’illustrer les dynamiques psychologiques et physiques transmises à travers les âges concernant le féminin. Les examiner nous aide à comprendre leur influence et à évaluer si elles s’y rapportent ou non. Ce regard porté en arrière fait partie de la compréhension du présent, tout en s’ouvrant sur l’avenir.
Les déesses Artémis et Perséphone (Coré) sont liées l’une à l’autre et représentent l’aspect vierge du cycle de la triple déesse. Elles sont associées à l’énergie de la jeune fille ; elles symbolisent la liberté et l’apprentissage dans la phase précédant l’âge adulte et sont fondamentales pour le développement tout au long de la vie.
En explorant ces figures archétypales, nous pouvons comprendre de manière plus large les aspects joyeux et difficiles de la puella.
Connaître ces traits nous aide à mieux comprendre les schémas relationnels, renforce nos choix et décisions de vie, et nous aligne avec notre essence. Par exemple, les fluctuations de symbiose et de séparation dans le mythe de Déméter et Perséphone reflètent l’évolution constante de la relation entre mères et filles, un aspect du cheminement vers la maturation.
Ce mythe reflète également des actions historiques intrusives de la part de l’homme, représentant un traitement rude et sociétal qui cherche à soumettre le féminin, la jeune fille. Perséphone est violée par Hadès, forcée sans recours jusqu’à ce qu’elle décide de manger un grain de grenade qu’il lui tend. Par ce geste, petit mais significatif, elle affirme son indépendance et son pouvoir de choix, ainsi que son retour à la terre et à sa mère, séparée de sa vie dans le royaume d’Hadès.
Artémis
La mythologie de toutes les cultures est remplie de luttes de pouvoir et de stéréotypes de genre. Trop souvent, les femmes ont été réduites à des rôles passifs et subordonnés, reléguées à soutenir le protagoniste masculin. Cela nous conduit à la figure d’Artémis, qui s’aligne avec la puella en tant que protectrice du développement des jeunes filles.
Artémis résiste à l’emprise patriarcale, à la manipulation et à l’oppression des femmes, s’opposant fermement à l’autorité masculine. Elle illustre le potentiel émancipateur de la résilience féminine, de la sagesse et de l’autonomie. Elle enseigne la puissance féminine, le respect et l’égalité, validant, restaurant et renforçant la force physique et la ténacité des filles.
Artémis protège et enseigne en tant que déesse de la psyché vierge, représentant le contenant incubateur, frais, intérieur et imaginaire de l’énergie. (Hillman 1989, p 190). La virginité fait référence à ce qui est singulier, enveloppé en soi-même, en gestation et pas encore prêt à s’ouvrir. En tant que vierge, elle est auto-dirigée, autonome, enfermée en elle-même avec son attention tournée vers l’intérieur. La virginité signifie l’obéissance à ce qu’elle a été créée pour être et à ce qui sera éveillé et révélé (Shorter 1987, p 128).
Elle est athlétique, avec un esprit d’aventure et de rapidité, ainsi qu’une certaine agitation. Elle possède la passion et la persévérance nécessaires pour aller jusqu’au bout et réussir.
La personnification d’Artémis représente un esprit indépendant — indomptable, sauvage, insoumis, une militante pour une nouvelle croissance féminine dans la personnalité.
Artémis est l’une des déesses androgynes, dotée d’une intégration parfaite de l’énergie masculine, et elle n’a ni besoin ni envie de l’homme. Son autonomie privilégie la solitude et elle évite la vulnérabilité en n’exprimant pas ses besoins émotionnels aux autres. Artémis tend à prendre ses distances émotionnelles, ne faisant pas confiance ni ne s’engageant dans des relations intimes. Elle rejette les comportements culturellement prescrits et les représentations traditionnelles des filles comme étant impuissantes, charmantes et complaisantes.
Elle est la protectrice de l’esprit juvénile, veille sur les femmes en couche, la maternité et les jeunes. Artémis n’est pas une mère, mais elle incarne d’autres formes de nourrissage en tant que déesse de la nature, préoccupée par le plein air, les animaux, la protection de l’environnement et les communautés féminines. Elle symbolise le pouvoir régénérateur de la terre. Elle favorise l’émergence, représentant les êtres sans défense non pas comme des victimes, mais en reconnaissance de la tendresse et de la vulnérabilité des nouveaux développements qui nécessitent une attention, une protection et une guidance attentives pour se développer.
Perséphone la jeune fille
Puella existe en tant que jeune fille au sein de la triade féminine des aspects jeune fille-mère-vieille femme à travers le parcours de la vie. L’héritage culturel occidental la relie aux déesses grecques Artémis et Perséphone (Coré).
Perséphone et Artémis représentent toutes deux la virginité, l’état de jeune fille non mariée, et sont proches de la nature. Cependant, dans le mythe, Perséphone est violemment arrachée à l’enfance, violée, et radicalement changée. Cet acte de violence de la part de Hadès, le frère de son père Zeus, sépare brutalement Perséphone de sa vie passée avec sa mère.
Cet acte brutal représente la domination du patriarcat masculin. Il peut être comparé à la susceptibilité de la puella à des influences similaires.
Perséphone épouse Hadès et a un enfant issu du viol. Le fait de manger le grain de grenade que Hadès lui donne lui permet de revenir sur Terre et retrouver sa mère pendant une partie de l’année. Son rôle de reine du monde souterrain des morts se combine avec celui de déesse de la végétation, ou Coré, dans les actions de germination et de retrait dans la terre, à l’image des changements saisonniers.
Coré représente l’attitude juvénile, le jugement toujours en vigueur de la féminité selon les idéaux de beauté extérieure. Cependant, il existe des conséquences dangereuses si c’est tout ce qu’elle incarne. Les femmes peuvent apprendre à restreindre leur mouvement en avant en devenant un objet idéal, inconscientes et soumises à la manipulation des hommes ou à des manières patriarcales et traditionnelles d’être.
Être uniquement Coré peut indiquer une partie sous-développée de la personnalité, internalisant les idéaux patriarcaux en l’absence d’autres modèles. Cela peut mener à des déceptions dans la seconde moitié de la vie, telles que l’inhibition de la croissance intérieure, l’incapacité de poursuivre une vie pleine, la frustration, des crises psychologiques et la perte de sens.
Dans les traditions culturelles abordant la puella et le traitement du féminin, j’ai découvert ce qui suit :
« Les contes populaires africains /Xam, swahilis, soudanais, sénégalais et zoulous illustrent le potentiel émancipateur et perturbateur de la puissance, de la résilience, de la sagesse et de l’autonomie féminines. Ceux-ci contredisent, défient ou satirisent l’autorité androcentrique. Certains récits folkloriques résistent également ou subvertissent le contrôle patriarcal, la manipulation, l’exclusion et l’oppression des femmes. Leurs événements orientés vers un objectif sont sources de pouvoir et de libération pour les femmes. » (Sheik 2018, p 47)
Par exemple, dans une histoire faisant référence à l’éducation des filles à Togolo, le chef ordonna aux filles de fréquenter l’école, et elles furent ainsi dispensées de la tâche pénible de puiser de l’eau aux puits lointains. La sagesse du folklore, des mythes, de la fantaisie et de l’histoire sociale initie des changements sociaux et des relations égalitaires tout en célébrant les femmes d’Afrique comme des protagonistes clés, apparaissant comme des figures profondes dans leur pouvoir et leur humanité (Sheik 2018, p 53).
Cela renforce le pouvoir et le respect féminin, la justice et l’égalité. De tels récits authentifient l’agence féminine et sont restaurateurs et valorisants pour la psyché de la femme africaine.
Cependant, sans l’orientation de modèles féminins et sans sanctions culturelles, une jeunesse féminine non structurée rend une jeune femme vulnérable sur les plans émotionnel et physique.
Réflexions autour d’un cas clinique
L’exemple de Petra illustre comment l’archétype peut s’ancrer dans le vécu personnel contemporain. Elle avait un père qui l’espionnait quand elle était plus jeune, instaurant un malaise émotionnel, un manque fondamental de confiance et de sentiment de sécurité. Personne ne croyait combien elle se sentait trahie et vulnérable. Elle gardait en elle ses déceptions et ses appréhensions, répondant avec empressement dès son plus jeune âge à toute avance masculine pour une intimité physique.
Elle cherchait l’amour mais est tombée dans l’énergie d’Hadès. Petra n’avait aucun modèle de mère Artémis, seulement une mère qui peinait à se protéger elle-même. Elle utilisait Petra comme confidente, comme partenaire, mais non comme une enfant. Petra adopta un look radical, signalant qu’elle ne s’intégrait pas : une personne qui paraissait indépendante mais qui était en réalité profondément dépendante et ayant besoin des bases d’un amour sécurisant.
En tant qu’adulte, Petra était déconcertée, cherchant à être sauvée et se sentant petite et dépendante. Une série de partenaires étaient possessifs et devenaient violents, en proie à des accès de rage et des abus émotionnels. Elle les quitta un par un, chaque fois en se sentant plus défaitiste et déprimée. Son énergie vibrante s’amenuisait. Elle essaya divers médicaments pour compenser le désespoir. Finalement, elle commença à chercher en profondeur sur le plan psychologique, en commentant qu’elle réalisait maintenant ce que c’était que de réfléchir et de valoriser ses pensées et ses réactions.
Elle faisait des rêves répétés de sa maison d’enfance, chacun un peu différent, mais y retourner lui apportait un peu de paix intérieure, puis elle se souvenait du malaise, de sa mère qui l’écoutait mais était préoccupée et faisait toujours autre chose.
Son père était joueur quand elle était petite, mais à la puberté, comme la puella, elle ne pouvait plus lui faire confiance et s’en éloignait. Tout ce qui se trouvait dans la maison la hantait à travers ses rêves, l’appelant à revenir dans les recoins qu’elle avait essayé d’oublier, mais qu’elle devait maintenant rappeler pour avancer dans sa vie.
Au fur et à mesure que nous traversions rêve après rêve, Petra commença lentement à émerger des années de tourments et de dépression enfouis dans sa psyché. Cela se manifesta extérieurement à travers les partenaires qu’elle choisissait, qui l’endommageaient davantage par un traitement possessif et brutal. Elle avait jadis été incapable de se protéger, mais commençait maintenant à reconnaître que cela nuisait à l’amour et à la sécurité qu’elle désirait tant. Une force jusque-là inconnue était en train de s’épanouir en elle.
Étymologie de la puella
Il existe de nombreuses nuances à puella et un mélange d’aspects apparemment contradictoires évidents dans l’étymologie de ce mot. Il s’agit d’un terme décrivant :
« les associations émotionnelles d’un diminutif appliqué aux filles et aux jeunes filles vues comme des objets érotiques ; il s’agit également d’une expression désignant les jeunes femmes mariées dans le cadre de leur statut de vierge. » (Hallett 2013, p 203)
Le poète élégiaque romain Catulle a été crédité de l’utilisation du terme puella, auparavant un nom pour désigner l’enfant de sexe féminin. Le terme
« désignait une femme considérée avec affection, désirée sexuellement, qui n’était ni l’épouse ni la partenaire sexuelle rémunérée du poète/locuteur masculin, impliquant que les femmes désignées par ce terme s’adonnaient à des comportements sexuellement transgressifs, comportant parfois une rémunération pour leurs faveurs » (Hallett 2013, p 206).
Puella désignait la jeune femme attrayante et intelligente dans la poésie, la musique et la danse, qui était considérée comme charmante et accomplie par ses réalisations.
De plus, l’expression docta puella faisait référence à la jeune fille instruite, alignée avec l’amant poète, partageant des valeurs et des intérêts en dehors des conventions (Sharrock 2003, p 324). La puella était aimée mais non mariée en raison de son mode de vie irrégulier. Elle était idéalisée, considérée comme ayant de la sophistication et une nature excitante, mais elle ne faisait pas partie de la classe noble romaine où les femmes étaient sans éducation et n’avaient aucune place dans la littérature.
La puella se trouvait en dehors des normes de la matrone romaine respectable en raison de sa formation artistique et culturelle ; cependant, elle avait encore besoin de l’homme pour propager son écriture en raison de la structure sociale de l’époque (Hallett 2013, p 336).
La fille/femme moderne
Puella aeterna est l’enfant éternelle, mais celle qui se sent une fraude, honteuse, petite, vulnérable et peureuse, souvent en raison de la sensation de ne pas être suffisante.
La caractéristique de la puella aeterna est celle qui vit de manière provisoire, se cachant dans les ombres de la déconnexion, du dégoût de soi et du rejet de l’expression authentique de soi, tout en refusant les parties inconscientes nécessitant une intégration.
De tels sentiments peuvent être reconnus dans des figures intérieures persécutoires, des auto-évaluations sévères et des critiques, ainsi que des partenariats émotionnellement distants. Sans un miroir intérieur précis, elle s’évalue avec un sentiment d’infériorité. Elle a besoin d’être adorée, mais rien n’est suffisant pour compenser le vide intérieur.
Piégée dans la fantaisie, elle vit dans une bulle, abdiquant face au miroir masculin, soumise, son individualité stoppée. Les blessures narcissiques coïncident avec une capacité sous-développée à éprouver de l’empathie et de la compassion, tant pour elle-même que pour les autres. Elle est dure avec elle-même et implacablement critique. Derrière l’agression se cache une force destructive et envieuse, nourrissant une détermination à gagner. Une incapacité à satisfaire les exigences intérieures conduit à la dépression et à l’anxiété.
Cet aspect de la puella dans la personnalité reflète le côté destructeur d’Éros, le dieu grec des relations et de l’amour.
La langue grecque antique distinguait quatre façons d’aimer :
- érōs : être amoureux de, désirer passionnément ou sexuellement,
- philía : avoir de l’affection pour,
- agápē : avoir de la considération pour, être satisfait de,
- storgē : utilisé surtout pour désigner l’amour des parents et des enfants ou celui d’un souverain pour ses sujets.
Toutes ces définitions impliquent de la passion et des émotions. Mais ce sont justement ces domaines où la puella ressent un amour de soi inadéquat, en lutte avec la haine de soi. Elle peut sembler à l’aise avec les autres, mais cette aisance est souvent teintée de préoccupations concernant son acceptation. La confiance n’est pas facilement gagnée ni établie. La nature virginale, l’isolement intérieur et la singularité sont difficiles à abandonner, car elles ont été son refuge et son espace sécurisé.
Pluralité de la psyché
Le point de vue ici se concentre sur la personnalité moderne confrontée à des conflits et des obstacles qui rendent difficile la recherche de portes d’entrée pour le développement, l’initiative, l’espoir et la promesse. L’analyste jungien britannique Andrew Samuels a beaucoup écrit sur la reconnaissance de la pluralité de la psyché. Il a dit :
« Le pluralisme est une approche face au conflit qui tente de concilier les différences sans imposer une fausse synthèse . . . sans perdre de vue la vérité de chaque élément. » (Samuels 2016, p xii)
Puella est un aspect qui met en lumière la nature multiple et les vérités de la psyché.
Puella n’est pas simple, mais complexe et remplie de paradoxes. À travers l’exploration de récits personnels, de contes, de mythes, de rêves et de traitements analytiques, nous commençons à dépouiller ce qui distrait de son évolution et découvrons ce qui peut promouvoir sa valeur.
Elle représente la possibilité d’être conscient, de résoudre et d’améliorer la douleur personnelle, les conflits et les symptômes qui compromettent sa vie. Elle prête attention, repousse et négocie son inconfort lié à l’incomplétude.
Puella, active et accessible tout au long de la vie, représente le désir, l’enthousiasme et la joie nécessaires, peut-être encore plus dans les années avancées.
Les personnes âgées veulent comprendre ce qui les a façonnées, surtout lorsque l’aspect de la puella n’a pas été examiné jusqu’aux années plus tardives. Ce n’est pas rare, bien que la pensée culturelle et jungienne sur cette figure et son influence sur le cycle de la vie soit maigre.
Dans un exemple, la puella est un aspect qui motive une femme septuagénaire faisant face à l’annonce de la maladie de Parkinson. Le vieillissement devient difficile car il nécessite davantage de courage, et la menace de l’effondrement s’intensifie. Elle pourrait sombrer dans un désespoir insondable, mais la tâche développementale consiste à accepter consciemment son choc, son pouvoir d’agir et sa puissance, pour les utiliser de manière créative et ouverte.
Bien que son espoir se soit teinté de tristesse, le découragement a pris la tournure de la détermination. Elle prend conscience des exigences psychiques et émotionnelles qui se profilent à l’horizon et y fait face avec la détermination de rassembler l’énergie nécessaire pour continuer, utilisant ses intérêts comme des sources précieuses de soutien.
Les représentations de la puella ont souvent réduit celle-ci à un cliché, dénué d’engagement dans la vie amoureuse, la présentant comme une simple salle d’attente.
Jung appelait l’image de l’enfant :
« un symbole qui unit les opposés . . . capable des nombreuses transformations . . . il peut être exprimé par la rondeur, le cercle ou la sphère, ou encore par la quaternité comme une autre forme de totalité. J’ai appelé cette totalité qui transcende la conscience le soi. » (Jung, CW9i, par 278)
Ici, la puella est une figure clé dans le développement psychologique, mais elle a souvent été un mystère pour elle-même ainsi que pour les autres, insaisissable, désireuse d’être vue mais fuyant l’intimité d’être connue.
Dans l’usage populaire, l’archétype est identifié comme une idée reconnue, un modèle que chacun remplit de manière différente. La puella est un descripteur psychologique qui se déploie et illustre comment se développer et accoucher de soi-même.
L’auteure française Simone de Beauvoir a dit, célèbrement :
« On ne naît pas femme : on le devient. » (de Beauvoir 1949, Le Deuxième Sexe)
La puella en devenir et expansion signifie reconnaître l’inconscient, apporter des récompenses, de la joie et de l’espoir.
« En résumé, l’archétypal peut aussi être vu comme une gradation d’affect, quelque chose dans l’œil et le cœur de celui qui regarde, et non dans ce qu’il ou elle contemple ou expérimente. Nous pouvons penser à la qualité d’une perception ou d’un ensemble de perceptions, des qualités de préoccupation, de fascination, d’autonomie, de crainte. » (Samuels 2016, p 25)
Ces descripteurs se combinent avec des exemples issus du traitement analytique jungien pour intégrer la figure de la puella telle qu’elle émerge, façonnée par les interactions complexes entre l’individu et la culture. Cette écriture se produit paradoxalement au cœur des périodes de grands chamboulements culturels et sociaux, de catastrophes, et d’expériences qui, au quotidien, accentuent le besoin de conscience de soi et des autres.
Surtout en temps de grands bouleversements, nous avons besoin de la puella de la jeunesse, de l’audace détachée de la tradition, de l’insouciance et de la créativité.
La puella est l’une de nos nombreuses guides à travers la vie, composée de diverses images et symboles, créant un kaléidoscope de conscience croissante. Elle représente une étincelle créative, mais elle nécessite une intention, une concentration et une mise en forme pour déployer le potentiel qu’elle contient.
Lorsqu’elle est facilement attirée par chaque nouvelle chose innovante, elle peut représenter l’égarement et le manque, car la jeunesse elle-même n’a pas assez de ballast. Ou elle pourrait demeurer dans l’ombre, prisonnière de complexes qui la contraignent à des rôles étroits, dépouillant ainsi l’individualité et empêchant l’acceptation de soi. Cette partie peut être alourdie par les résidus du développement de l’enfance, les pièges psychologiques, les diktats culturels pesants et l’héritage transgénérationnel.
La puella fait face à des défis et à des limitations psychologiques en elle-même, sur le plan relationnel et culturel. Ses tentatives de conscience peuvent devenir un hall des miroirs, les cadres construits dès l’enfance entraînant une vigilance douloureuse ou, à l’inverse, une sensation de mort apparente et irrévocable.
Du côté de l’ombre, de nombreux types de puella se retrouvent piégés dans une vie restrictive, imitant sans être véritablement elles-mêmes. Il est vrai que la transformation possède une nature éprouvante, car elle ne vient pas facilement. Elle exige une prise de conscience des manières dont nous sommes programmées et complices de notre propre diminution.
Bien que la puella, ou la fille éternelle, possède force, intelligence, plaisir et créativité, elle doit néanmoins faire face à de nombreux traumatismes et peurs émotionnelles, afin d’atteindre une intégration psychologique et une conscience éclairée de cette figure féminine jeune, omniprésente et influente.
Les caractéristiques ignorées de la puella représentent le féminin négligé et blessé, mettant en lumière les influences culturelles qui perpétuent ces blessures.
Les normes patriarcales et les stéréotypes dominants de la société ont tendance à embrouiller et dévier son esprit, son corps et son âme. Ces structures et hypothèses psychologiques prédominantes perpétuent et gouvernent inconsciemment les sphères sociales, professionnelles et interpersonnelles.
Comme l’a commenté Toni Morrison :
« Comment une femme peut-elle être perçue et respectée en tant qu’être humain sans devenir semblable à un homme ou une citoyenne dominée par les hommes ? » (Morrison 2019, p 86)
Mon livre Une exploration jungienne de l’archétype de la puella. La Fille en devenir couvre des aspects personnels, relationnels et collectifs, tant conscients qu’inconscients, et implique des changements et des complexités, tout en offrant des moyens de perturber les récits négatifs entourant les images et les symboles de la puella.
Malheureusement, la puella apprend dès son jeune âge à se conformer à un moule susceptible d’être influencé par les conceptions, attentes et limitations parentales et culturelles.
L’histoire personnelle et culturelle, y compris les influences subtiles et évidentes, pousse beaucoup à dénigrer leur esprit et leur corps, à étouffer leurs désirs et à se diminuer. Surtout lorsqu’elles sont subtiles, ces influences perpétuent les normes destructrices et les idéaux déformés projetés sur le féminin.
Bien qu’elle représente l’enchantement, les paillettes, la soif d’aventure et la curiosité, la puella a souvent été minimisée comme étant inadéquate et inconsciente.
Les qualités d’énergie, de courage et d’éclat, ainsi que le développement et la perspicacité, sont souvent minimisées. Prendre conscience d’elle en tant qu’aspect de la personnalité—sur les plans psychologique, physique et émotionnel—ouvre une dimension différente.
Cela signifie que nous reconsidérons les limites inconscientes imposées aux histoires que nous continuons à nous raconter. La fluidité postmoderne ouvre la voie à d’autres réalités, repensant et rejouant la manière dont nous nous exprimons et vivons en restant fidèles à ce que nous sommes.
La puella, qui incarne les nouveaux départs, invite également à écouter et à valoriser sa manière d’être. La tâche consiste à transformer les blessures et cicatrices issues des expériences passées en une expansion de la personnalité.
Nous vivons à une époque marquée par une grande aliénation et une destruction de soi et des autres. Dans cette ampleur de changements, d’incertitudes et de transitions, l’humanité traverse une période particulièrement éprouvante.
Se cacher de la terreur de sombrer dans un trou noir, ou dans le vide de la non-existence, exacerbe la menace pesant sur la survie psychique. Cela s’accompagne également de manière troublante d’un narcissisme utilisé comme un mécanisme de défense pour détourner l’attention des déceptions et de l’immensité des pertes. Warren Colman, analyste jungien britannique (2006, p 35), a écrit que les narcissiques ont tendance à imposer leur vision imaginée du monde comme étant le monde réel. Le test de la réalité disparaît alors.
Remarques finales
La puella, telle qu’elle est dépeinte ici, se trouve confrontée à ce qui est difficile, déchiré, aux ombres et au conflit psychique. La tragédie de la puella prend diverses formes dans une incapacité à aimer ou à ressentir, affectant l’esprit, le corps et l’âme. L’ego est fragile, la persona rigide, fonctionnant comme une façade, tandis que le soi est abandonné et l’enthousiasme émoussé.
Parce que la psyché se forme aussi à partir de ce qui a été absent, le développement est possible.
Une femme crie qu’elle n’a pas la bonne image en raison de la couleur de sa peau, de ses yeux, de sa silhouette, et elle est déprimée. Elle est créative, talentueuse, saisissante, intelligente, mais lutte pour manifester sa confiance en elle et maintenir son énergie.
Elle se demande comment faire face au brouhaha des médias sociaux qui la bombarde, aux morceaux d’elle-même qu’elle ne supporte pas, et cherche à vivre au-delà des limitations culturelles dominantes. Cette femme puella a la possibilité d’émerger de la boue pour se retrouver elle-même, en explorant le sens de sa souffrance dans un traitement analytique jungien.
Nous voulons en savoir plus sur la puella. Plus nous prenons conscience des enjeux persistants, plus elle devient précise, avec des répercussions personnelles et collectives.
En prenant conscience de la puella, elle cesse d’être un objet et s’épanouit en devenant créative et puissante, assurée alors qu’elle découvre son pouvoir d’agir, tout en établissant des liens avec elle-même et avec les autres.
Jung a écrit :
« On peut espérer que l’expérience des années à venir creusera des puits plus profonds dans ce territoire obscur, sur lequel j’ai pu jeter seulement une lumière fugitive. » (Jung 1926, CW4, préface à la 2e édition de The significance of the father in the destiny of the individual)
Elle se dégage alors de la rhétorique des stéréotypes, reconnaît et accède à la liberté d’explorer son esprit, se libérant ainsi dans toute la richesse imaginative de son être.
« Un tel homme [Une telle femme] sait que tout ce qui ne va pas dans le monde est en lui [elle]-même, et que si il [elle] apprend simplement à gérer son ombre, il [elle] a accompli quelque chose de réel pour le monde. Il [Elle] a réussi à porter au moins une infime partie des gigantesques problèmes sociaux non résolus de notre époque. » (Jung, 1938, para 74)
Article original de Susan Schwartz,
traduit par Peggy Vermeesch.
Janvier 2025
Bibliographie
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Susan E. Schwartz, PhD
Susan E. Schwartz, PhD, a été formée à Zurich, en Suisse, en tant qu’analyste jungienne. Elle participe à de nombreux podcasts et intervient fréquemment lors de conférences et de programmes pédagogiques sur l’analyse jungienne aux États-Unis et à l’international.
Susan E. Schwartz a publié de nombreux articles dans des revues et des chapitres d’ouvrages sur la psychologie analytique jungienne. Ses livres, exclusivement édités chez Routledge, sont les suivants :
- The Absent Father Effect on Daughters: Father Desire, Father Wounds (2020), traduit en plusieurs langues
- Imposter Syndrome and the ‘As-If’ Personality: The Fragility of Self (2023)
- A Jungian Exploration of the Puella Archetype; Girl Unfolding [Une exploration jungienne de l’archétype de la puella. La fille en devenir] (2024)
- An Analytical Exploration of Love and Narcissism; The Tragedy of Isolation and Intimacy (2025)
Son site web est www.susanschwartzphd.com.
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