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Détournement du langage dans la perversion narcissique ou le harcèlement

Pour le pervers narcissique, ou le harceleur, la vérité ne compte pas. Le langage est détourné de sa fonction naturelle de communication. Il est utilisé pour agir sur la victime, la déstabiliser, la manipuler et lui instiller (injecter) le poison du doute.

Le langage constitue l’outil prioritaire investi par le pervers narcissique pour manipuler la victime et persuader à l’entourage en sa propre valeur. Importent en effet chez lui le besoin et le plaisir de se faire valoir aux dépens d’autrui. La vérité compte d’ailleurs si peu pour lui qu’il se trouve proche de la mythomanie ; tout entier dans l’acte, il pense à peine.

Usage des mots, un exemple

Dans l’ouvrage « Je tu(e) il », page 222-223, je donne un exemple :

« Quand la victime demande une discussion, le pervers la remet habilement à plus tard ou la refuse sous divers prétextes. Il ne répond jamais, soupire, déclare que l’autre est décidément insupportable, obsédé ou malade.

Si malgré tout la discussion a lieu, il renverse les faits sans scrupule, affirme que sa victime joue la comédie, même si elle est atteinte d’une maladie physique. Les dénis viennent étayer les mensonges.

La discussion se termine invariablement par la victoire du pervers ou du harceleur, expert dans l’art du retournement de tous les arguments dont la victime ne repère pas les glissements de sens, le passage du particulier au général, etc.

Épuisée, celle-ci éprouve le vague sentiment de s’être fait avoir mais les arguments semblent si logiques qu’elle s’accuse intérieurement de manque de gentillesse, d’amour ou de bon sens, d’exagération ou d’hystérie, etc.

Comme les manœuvres se prolongent et se répètent, elle revient à la charge mais avec le même déplorable manque de résultat. Lassée, elle devient de plus en plus passive et subit la situation, jusqu’au jour où une insulte de plus ou un acte pervers humiliant et insupportable « fait déborder son vase » et la jette hors de la relation. »

Le pervers narcissique est un être charmant

Son art consommé de la séduction et sa propension à rendre service font percevoir le pervers narcissique comme un être charmant. Par conséquent, lorsque avérée, la victime se plaint, elle se retrouve en butte à l’incrédulité ou à la minimisation de la nocivité des actes du pervers. A fortiori, épuisée et décervelée, elle n’arrive pas à préciser ce qui la détruit.

Elle se souvient rarement des mots utilisés par le pervers narcissique ou de ses attitudes et ce refoulement fonctionne d’autant plus que les paradoxes et les doubles liens jouent sur les niveaux verbaux et non verbaux, ce qui les rend difficilement repérables sans prise de notes.

Le manque de crédibilité des victimes

Ainsi, la victime manque souvent de crédibilité aux yeux des juges ou des médecins. Qui plus est, le pervers narcissique marque une prédilection pour l’inversion : il injecte le poison du doute dans l’autre, qu’il définit toujours comme étant en tort.

Sa force vient aussi de ce que la victime croit que le pervers fonctionne comme une personne normale ou névrosée et, dès lors, lui attribue des affects qu’il ne vit pas, un souci de vérité dont il n’a cure et une capacité de reconnaître ceux-ci pourtant incompatible avec son fonctionnement.

Le pervers narcissique séduit et dupe les professionnels

Ayant décrypté le langage et les référents des professionnels, le pervers narcissique, lui, les séduit habilement avec déférence en se présentant comme un être raisonnable, mesuré et soucieux des autres.

Les psychiatres eux-mêmes se laissent berner par cet escroc beau parleur et sont poussés à sortir du cadre de leur travail. Quant aux avocats, habitués par profession à discuter du sens de la loi, ils se font parfois complices, inconsciemment ou non, des manipulateurs.

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Michel Cautaerts

Médecin psychiatre et psychanalyste jungien, ancien président de la Société Belge de Psychologie Analytique, Michel Cautaerts est un chercheur, clinicien et conférencier. Sa riche expérience s’étend sur plus de 40 ans. Il est l’auteur de deux ouvrages :


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