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Le mandala : l’expérience personnelle de Jung

Les mandalas se sont imposés à Carl Gustav Jung, et à chaque période de séparation ou de deuil, ils ont joué un rôle clé dans son cheminement intérieur.

© Black Books no 7 : 124B

Jung a commencé ce qu’il a appelé sa « confrontation avec l’inconscient» en 1913 et se serait terminée 17 ans plus tard en 1930 (de l’âge de 38 ans à 55 ans). L’année 1913 est également l’année de sa rupture avec Freud. Même au temps où Jung était très âgé, dans une entrevue, il a avoué qu’il avait beaucoup aimé Freud. Je sentais dans sa voix et dans son non verbal qu’il continuait de toujours l’aimer, malgré tout le négatif qui s’était passé entre lui et Freud. C’était donc pour lui une relation fort significative.

J’estime que cette séparation a eu le même effet qu’un deuil. Différents auteurs ont mis beaucoup l’accent sur cette rupture pour expliquer le grand désarroi dans lequel Jung avait été jeté. Mais je crois qu’il y avait aussi d’autres causes ou conditions qui y ont participées, telle sa relation extra conjugale avec Toni Wolff (1888-1953) qui a été d’abord sa patiente dès 1910 et qui a perduré à un niveau professionnel et personnellement plus intime encore pendant environ 35 ans.

Son autre relation juste avant celle de Toni Wolf, avec Sabina Spielrein, aussi d’abord sa patiente avant de devenir analyste, bien qu’elle se soit terminée de manière plus brutale, avait laissé encore je crois quelques écorchures.

Dans cette période de grand tumulte intérieur et de dépression, malgré qu’il a été aidé et supporté grandement par Toni Wolff, Jung s’est mis à écrire ce qu’il lui venait de son intérieur. Ce qui a constitué ce que l’on appelle les cahiers noirs. Jusqu’en 1916, il a découvert que dans ce processus, transposer ses émotions en images était aidant. Il appelé ce processus la méthode de l’imagination active. Il a plus tard repris ces écrits, les a augmentés avec d’autres réflexions et a dessiné et peint plusieurs mandalas qui ont constitué le Livre rouge.

Dans sa biographie, Jung dit qu’il a commencé à faire de petits dessins en forme de cercle dans un carnet à chaque matin, alors qu’il était en service militaire au Château-d’Oex, en 1917, donc, quatre ans après le début de sa  »descente aux enfers ». Jung a observé que la différence dans ces dessins, jour après jour, en fait lui montrait les changements, les transformations de son for intérieur.

Extérieurement, Jung ne paraissait pas si déséquilibré, vaquant à ses fonctions professionnelles comme il se devait et faisait paraître une vie familiale normale, malgré la présence de Toni Wolf. Même sa collègue très proche, Marie-Louis von Franz disait qu’il avait commencé à faire ses petits dessins parce qu’il s’y ennuyait à mort, n’ayant aucun soldat blessé à soigner. Quoique petit à petit, graduellement, lentement, le processus inconscient d’individuation faisait son chemin, bien que Jung ne comprenait pas le sens profond de ses dessins, ni de ses peintures en forme de mandala.

La construction de la tour à Bollingen

Avant que ses peintures en forme de mandala soient significatives pour Jung, il a construit une tour en forme ronde à Bollingen seulement deux mois après le décès inattendu de sa mère en 1923, alors qu’il était âgé de 48 ans.

Jung et l’élan créateur

Dans son autobiographie il mentionne les effets (ou les fonctions et buts de l’archétype du Soi que j’ai exposés plus haut) de cette tour sur lui:

‘Le sentiment de repos et de renouvellement, lié pour moi dès le début à la tour fut très puissant. C’était pour moi comme une demeure maternelle. » 
C.G. Jung, Ma vie, p. 261 (concerne également les citations suivantes).

Puis, aux quatre ans, (à chaque quaternité dans le temps…) Jung a fait des ajouts à cette première structure. En 1927 vint s’ajouter la construction centrale avec un annexe en forme de tour. Puis, après quatre autres années en 1931 :

 »J’éprouvais à nouveau un sentiment d’incomplétude (…) l’appendice en forme de tour fut reconstruit et devint une véritable tour. Dans cette deuxième tour une pièce me serait exclusivement réservée. Dans cet espace fermé, je vis pour moi-même. J’en ai toujours la clé sur moi, personne n’y doit entrer, sauf à ma permission. Au cours des années, j’en ai peint les murs (…) c’est un lieu de concentration spirituelle. »

 » En 1935 (…) il me fallait un espace plus vaste, ouvert au ciel et à la nature. Pour cette raison, quatre années s’étaient écoulées- j’ajoutai une cour et une loggia du côté du lac. Elle constituent la quatrième partie de l’ensemble, séparée des trois parties du complexe principal. Ainsi naquit une quaternité, quatre parties de construction différente et cela au cours de douze années. »

Jung avait alors 60 ans. Son premier grand combat avec son inconscient s’était clos depuis quelques années, au niveau professionnel, il avait acquis une réputation internationale et au niveau personnel, il avait développé un solide maturité et équilibre que confère cet âge. En effet, on peut dire qu’un cercle s’était bouclé. Cet état a duré environ dix ans jusqu’au jour où il fut victime d’un infarctus et jeté presqu’au bord de la mort.

Vingt ans après cette quaternité complétée, selon ses termes, à l’âge de 80 ans, il fit une cinquième transformation à sa tour, en 1955, à la suite du décès de sa femme :

 »J’élevai la partie centrale du bâtiment entre les deux tours en lui ajoutant un étage. Ainsi, un an après la mort de ma femme, l’ensemble était terminé.

Dans sa biographie, Jung lui-même nous affirme que toute la construction de sa tour, parallèlement au développement de son Soi est lié aux deux deuils significatifs qu’il a vécus, celui de sa mère et celui de sa femme qu’on peut penser avoir joué le rôle de la représentation de l’anima pour lui. Ainsi la tour complétée :

 »cela signifie l’élargissement de ma conscience, achevée à un grand âge (…) j’avais commencé la construction de la première tour en 1923, deux mois après le décès de ma mère. Ces deux dates (celle de 1955, décès de sa femme) sont significatives parce que la tour est en lien avec la mort. »

La construction d’une telle tour avec des formes rondes et carrées en pierre est un symbole fort, large et solide comme l’est son matériau de base. On peut en voir facilement le parallèle avec l’évolution psychique qui s’est opérée en Jung pendant toute la dernière moitié de sa vie. Et même dans cette tour, il a eu besoin de s’y aménager une petite pièce qui tel un mandala protecteur de son intérieur le plus intime, son trésor à qui il ne donnait accès qu’à de très rares personnes et dont il a peint un mur avec un superbe mandala dont le centre représente une étoile blanche très lumineuse.

Cette peinture a été exécutée durant l’année 1931 (Jung était alors âgé de 56 ans), à la troisième transformation de la tour, soit sept ans après le décès de sa mère.

La peinture d’un mandala tiré du rêve au magnolia

En marge de ces longues années durant lesquelles la construction de la tour avait débuté depuis quatre ans, Jung a fait un rêve en 1927 dans lequel lui était apparu un magnifique magnolia illuminé. Ce rêve a été pour lui d’une telle importance qu’il a été poussé à en peindre un mandala qu’il a intitulé : Fenêtre sur l’éternité.

Toutefois, il est à noter que cette peinture venait d’un croquis plus élémentaire que Jung avait dessiné et qui provient des Cahiers noirs. S’y ajoute une telle signification qu’il a dédié cette peinture en hommage à son ami Hermann Sigg qui venait de décéder subitement le 9 janvier 1927 au jeune âge de 52 ans.

Étrange constat à faire, la mère de Jung est décédée à la même date, le 9 janvier 1923. Sigg était un homme d’affaires suisse qui faisait dans le marché d’huile d’olive qu’il exportait dans d’autres pays. Il avait invité Jung à l’accompagner dans l’un de ses voyages d’affaires en Afrique du Nord, en 1920. C’était pour Jung, son premier voyage au continent africain.

Je résume ici ce rêve. Il se trouve dans la ville de Liverpool en Angleterre avec d’autres personnes suisses. Déambulant les rues le soir, il fait noir, il pleut, il y a du brouillard. Le cœur de la cité est situé sur un plateau plus haut vers lequel ces personnes montent. Jung dit que cela lui faisait penser à des ruelles à Bâle qu’on appelait  »allée de la Mort ». Arrivés sur le plateau, ils se retrouvent dans un quartier éclairé faiblement par des lampes. Tandis que se trouve au milieu de ce quartier, un étang tout illuminé au centre duquel il y a un seul arbre, un magnolia avec ses magnifiques fleurs rougeâtres. Il était illuminé par la lumière en même temps qu’il en était la source même. Lui seul voyait cet arbre brillant, ses compagnons, non.

Jung dit que cette vision de Beauté parmi la noire atmosphère lui a donné le courage de continuer à vivre :

Liverpool, c’est l’étang de la vie, se référant à une vielle conception que le foie (liver en anglais) est le siège de la vie. »

Jung commentera plus tard que le centre de sa peinture inspiré de son rêve et qui illustre l’arbre au magnolia a changé de couleur: de rougeâtre, il est devenu rose et a pris la forme plutôt d’un lotus.

Un an plus tard, en 1928, il peignît un autre mandala significatif pour lui, nommé le château jaune, parce qu’il trouvait qu’il avait des traits chinois, même si rien objectivement dans les détails de la peinture ne pouvait laisser s’associer ce qualificatif. C’était un mandala prémonitoire: peu longtemps après, il reçut le livre intitulé Le Mystère de la Fleur d’Or, un traité alchimique chinois millénaire, contenant des techniques de yoga, de la part de son ami Richard Wilhelm, missionnaire protestant qui vivait depuis vingt ans en Chine, célèbre pour sa traduction du Yi-King, lui demandant d’en faire un commentaire psychologique, en vue d’une publication commune.

Jung dit que ce livre l’a sorti de sa solitude. Il gardait ses idées sur le sujet depuis des années, n’ayant pas trouvé des fondements assez solides pour les publier :

 »Je dévorai aussitôt le manuscrit, car ce texte m’apportait une confirmation insoupçonnée en ce qui concerne le mandala et la déambulation autour du centre. »

Peu de temps après cette publication commune, Richard Wilhelm est décédé en 1930 au même âge environ que l’autre ami de Jung, Hermann Sigg. Jung qui avait alors 55 ans avait perdu deux de ses meilleurs amis en l’espace des trois précédentes années.

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Cette page fait partie de l’article : Le contexte de deuil dans l’émergence du symbole du mandala.

Lise Villemaire, M.Ps.

Lise Villemaire, psychologue et psychothérapeute retraitée, réside à Montréal, province du Québec au Canada. Dans un premier temps elle a travaillé comme infirmière. En qualité de psychologue elle a plus de 25 ans d’expérience de pratique et d’enseignement au niveau universitaire.

Elle a étudié les différentes religions et obtenu un certificat en Théologie Orthodoxe. Conférencière, elle s’intéresse particulièrement au développement spirituel chez l’adulte et à l’Art. Elle s’adonne au dessin et à la peinture de vitraux.

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