Lise Villemaire, marquée par de nombreux deuils, nous montre comment la puissance des images et leur mise en forme ont été des alliées essentielles pour traverser ces moments difficiles.
Voir la description des vitraux ci-dessous
Cheminement personnel
Ma formation en tant que psychologue professionnelle terminée à l’âge de 24 ans, j’ai travaillé pendant dix-sept ans dans un centre de services psycho-sociaux communautaires dans une petite ville québécoise. En parallèle, je donnais des cours à temps partiel pour une université et recevais quelques patients en pratique privée de psychothérapie. C’est là que j’ai rencontré mon conjoint avec qui j’ai été liée pendant dix-sept ans. Pendant les cinq premières années, j’ai vécu dans sa maison à deux étages sur le bord d’un lac.
C’était une vieille maison qui était assez petite. J’avais besoin de plus d’espace. Après avoir pensé à divers projets, une occasion s’est présentée à moi : la maison voisine était à vendre sise sur un grand terrain. Je l’ai acheté et ainsi j’ai pu m’y installer confortablement tout en continuant la relation avec mon conjoint. C’est à ce moment que ma passion pour les fleurs a resurgit.
C’était environ un an après le décès de mon jeune frère Marcel d’un cancer à l’âge de trente-trois ans. Nous n’avions qu’un an et demie de différence d’âge. Nous étions comme des jumeaux, très attachés l’un à l’autre. C’est lui qui m’a appris la première fois à jouer au piano la mélodie de Beethoven: pour Élise (significatif pour moi qui me prénomme Lise….), nous avons joué la flûte en duo.
Toute ma famille a une passion pour la musique: mon père, venant de la campagne, jouait de la guitare, ma mère, venant d’une grande ville jouait du piano. Mais Marcel battait tous les records ! Il m’a déjà dit que j’avais manqué ma vocation : celle de devenir chanteuse! Ce premier deuil que j’ai vécu à l’âge de trente-quatre ans m’a littéralement jeté par terre. J’étais totalement dévastée. J’avais perdu mon seul frère bien-aimé et unique ami.
Si je fais un parallèle avec Jung qui après le décès de sa mère s’est mis à construire une maison sur le bord d’un lac, il en a été ainsi pour moi quoique ce n’était pas une construction de ma part. Toutefois, j’y ai fait des rénovations importantes avec l’aide de mon père qui était un menuisier expérimenté.
Après six ans, un concours de circonstances m’a amené à vendre ma maison et à déménager dans une plus grande ville universitaire pour faire des études de doctorat en psychologie. Mon conjoint devait rester chez lui à cause de son travail. Toutefois, sa famille vivait dans cette ville et il l’avait toujours visitée fréquemment, la distance n’étant pas très grande.
Après deux ans durant mes études, j’ai rencontré un autre homme pour qui j’ai développé un grande attirance. Je continuais pourtant à aimer mon conjoint. Comme pour Jung dans sa relation avec Toni Wolff, je vécus un grand conflit au niveau de mes valeurs profondes dont pourtant j’étais certaine. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait, je perdais en grande partie le contrôle de ma vie, je n’étais qu’une grosse boule d’émotions.
J’ai abandonné mes études au doctorat alors qu’elles tiraient bientôt à leurs fins. Je ne pouvais retourner dans la ville de mon conjoint car il n’y avait pas là de travail possible pour moi. Puis mon conjoint pris sa retraite. Moins d’un an après, il est décédé subitement, en 2005. Il m’a légué sa maison au bord du lac, dont j’ai peint toutes les fenêtres du deuxième étage et une du premier étage, moins d’un an après son décès.
Les vitraux
Voici les deux premiers vitraux que j’ai peints : 4 mandalas et un arbre de vie avec un plan d’orchidée.
Les trois autres vitraux sur des fenêtres doubles au deuxième étage, figurant un ponton-voilier tiré par un cygne couronné, une scène sous-marine avec poissons, hippocampe et sirène et le dernier, peint en 2015, 10 ans après, une libellule et une colombe marquée de deux cœurs au centre de rayons solaires.
Pour marquer aussi le dixième anniversaire du décès de mon conjoint, j’ai construit avec des pierres un inuksuk, une structure-symbole en pierre qu’utilisent entre autres, les inuits du Canada. Il peut être installé dans les grands espaces tout blanc enneigés pour aider les Inuits à s’orienter, un peu comme les phares qui guident les marins et les avertissent du danger des rochers.
Le mot inuksuk vient de inuk, qui veut dire être humain et suk, substitut ou à la place de, donc il signifie étymologiquement : ce qui agit à la place d’un humain ou qui ressemble à un humain. Je l’ai placé sur une petite péninsule qui s’avançait dans le lac. Si mon souvenir est juste, mon intention était que mon conjoint, du haut du ciel, puisse retrouver l’endroit où il habitait ! Onze ans après son décès, quand j’ai pris la décision de vendre la maison qu’il m’avait léguée pour retourner vivre dans ma ville natale [Montréal], j’ai demandé à l’acheteur de bien vouloir le laisser tel quel. En voici une photo :
Je revenais d’un voyage en Italie, quand pour ma mère, il ne restait que quelques mois à vivre. Durant les six ans ou j’étais revenue vivre dans la maison de mon conjoint, un lien de grande affection s’était développée entre elle et moi. Elle était ma très grande amie et confidente. Elle aimait beaucoup les fleurs que j’avais plantées sur le terrain (même si de manière contradictoire, elle disait par le passé, qu’elle n’aimait pas l’odeur des fleurs car cela lui rappelait les morts au salon mortuaire !).
Elle habitait la même ville, alors je l’invitais souvent chez moi ou elle pouvait se reposer en contemplant le lac. Nous prenions soin l’une de l’autre, mon père étant décédé. Elle est décédée le 6 juillet 2013, donc depuis un peu plus de 10 ans et je m’étais mis à peindre ce vitrail avec un sentiment d’urgence quelques jours seulement après. Il était terminé 9 jours plus tard. Le voici :
Liens avec la conception jungienne du mandala
Maintenant dans cette partie de mon écrit, je voudrais revoir ces images peintes dans le cadre de vitrail et faire des liens avec la conception jungienne du mandala, dans son symbolisme, dans son contexte d’émergence particulier du deuil et finalement dans sa fonctionnalité et buts.
J’observe tout de suite premièrement que les deux premiers vitraux montrent des images plus simples que les autres qui ont été réalisés dix ans plus tard. Pour l’un, quatre cercles dans chaque coin du carré.
L’un montre une croix au centre et un autre juste au-dessus, une étoile à quatre pointes. C’est la première peinture que j’ai faite peu de temps après le décès de mon conjoint. Seulement des cercles, forme primaire du mandala.
Je le comprends ainsi : c’est l’émergence du mandala sorti comme en urgence pour protéger mon moi d’un morcellement dévastateur. Et de manière ordonnée, un dans chaque coin délimitant comme un carré clôturé afin que rien ne s’y échappe, voire que rien n’explose en dehors.
La croix et l’étoile au centre, pour me faire souvenir de ma croyance en Dieu et à l’Univers (étoile) et de m’y agripper. Et déjà, je ressentis comme un baume sur ma blessure, mon cœur s’est calmé. Comme lorsque je me suis fracturé le coude après une chute, après des douleurs intenses endurées toute la nuit, quand le médecin de l’urgence y appliqué un plâtre, l’aiguë de la douleur avait instantanément disparu, bien que la guérison prendrait encore du temps.
Il ne faut pas négliger cet effet thérapeutique d’apaisement qui calme l’intensité de la crise, de l’angoisse ou de l’anxiété, car elle nous remet dans un état d’une certaine capacité à fonctionner dans la vie. Ou un autre exemple que je pourrais donner, c’est quelqu’un qui est train de se noyer et qui peut agripper une bouée de sauvetage. Il est sauvé de la noyade, mais il doit continuer de nager jusqu’au bateau pour s’en sortir complètement.
Toutefois, au contraire de ce que Jung dit, après avoir réalisé ces vitraux, mon sentiment de solitude a persisté. Mon entourage m’encourageait à consulter en psychothérapie, mais étant du même milieu professionnel, je ne voyais aucun autre collègue qui aurait pu m’aider. Ce que ces peintures ont campé, c’est la création d’un lien avec la personne décédée en question. Mon conjoint était parti, je l’ai ramené à moi au travers ses images. Malgré le soutien de mon entourage, je devais traverser seule le désert.
L’autre image qui montre un arbre de vie avec ses racines est constitué de trois couches de différentes couleurs. Le vert à l’extérieur pour l’aspect terrestre, ensuite la couleur or qui signifie pour moi le côté royal de notre sang et bien évidemment au centre la couleur rouge pour le sang lui-même. Les feuilles sont multi couleurs pour marquer la saison du décès, l’automne. Déjà, l’arbre de vie comme symbole de mandala a progressé, s’est transformé.
La fonction de protection du moi n’est plus aussi urgente à venir au secours du moi, car le symbole nous montre que la vie s’écoule encore dans les veines et compense ainsi l’état de la mort. Selon mon expérience, je vois que la fonction de l’ordre que Jung qualifie d’excellence, l’est pour les premiers temps, quand le choc, le conflit est dans sa phase aiguë.
Ensuite, le symbole du Soi relève plus de la fonction du sens, de donner un sens à tous ces événements qui nous déséquilibre. Le petit oiseau bleu et le plant d’orchidée rose quant à eux sont des symboles qui sont liés plus particulièrement à mon conjoint et proviennent de deux contextes contraires : l’oiseau est lié au moment de l’annonce de sa mort et l’orchidée au temps qu’il était vivant. En d’autres mots, la relation d’amour et la relation à cet amour perdu.
Au même moment, comme par synchronicité, ou mon conjoint est décédé, j’étais dans une autre ville pour assister à une conférence de mon ami le philosophe Jean Bédard. J’étais assise au dehors de ma chambre d’hôtel, une petite terrasse entourée d’arbustes. Et juste en face de moi, je voyais et entendais des dizaines de moineaux piailler très fort sans arrêt. Je l’ai interprété quelques temps après comme si ces oiseaux étaient venus m’avertir d’un grand drame.
L’orchidée rose m’a été donné en cadeau par mon conjoint, peu de temps avant son décès. C’est une de mes fleurs préférées qui représente pour moi la profonde tendresse (la couleur rose, le rouge est plus pour la passion amoureuse) que nous avons entretenue pendant toutes ces années ensemble.
Les autres vitraux, réalisés quelques ans après le décès montrent plusieurs différents motifs qui sont majoritairement reliés plus directement aux caractéristiques de mon conjoint. Ici peut s’appliquer ce que Jung a observé de différents entre les mandalas produits par des individus et ceux composés par des motifs traditionnels des rituels. Les motifs produit par une personne cherchent tantôt à exprimer l’ensemble de la personnalité individuelle dans son expérience interne ou externe du monde, tantôt l’orientation psychologique essentielle de celle-ci.
J’ajoute également cette autre fonction du mandala : de remettre en place chacun des éléments en décomposition, comme éparpillés et qui amène un déséquilibre intérieur.
Que la personne endeuillée soit croyante ou non, ce que j’ai observé chez mes patients et chez moi, c’est la recherche du lieu (en d’autres mots, l’endroit, l’espace ou la place) ou est maintenant »rendu » (comme s’il était vivant et cheminait toujours) l’être cher disparu.
Même si on croit qu’il est au ciel ou au paradis, au cimetière, dans notre cœur ou même nulle part, on a besoin d’un référent tangible par lequel on puisse établir un lien avec. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : la coupure drastique et radicale du lien, de la relation avec un être cher. Or, la Vie est essentiellement relation. Sans relation, isolé complètement de tout, c’est la vraie mort.
L’énergie du Soi tend donc ses fils pour les relier à quelque chose pour maintenir la relation, pour maintenir la Vie. Et quel est le référent qui permet de renouer avec l’être cher, sinon les souvenirs que nous avons de nos relations avec lui ou elle ? Cela m’a fait penser à Saint Augustin dans ses Confessions: »Je t’ai cherché partout Dieu et je ne Te trouvais pas! Enfin, je T’ai trouvé dans ma Memoria ! » Ainsi les souvenirs agissent comme dans les rituels bouddhistes le mandala, comme support.
Les vitraux qui montrent une scène sous-marine avec sirène et poissons me font me souvenir que mon conjoint aimait beaucoup tout ce qui touche l’eau. Il avait choisi une maison sur le bord d’un lac, il avait un voilier, un canot, un kayak, une planche à voile, un équipement de plongée sous-marine, de pêche. C’était ses loisirs-activités préférés. Cela me rappelait les nombreux voyages que nous avions fait ou nous avions pu partager ces activités nautiques. Il m’appelait sa perle. Ce vitrail peint sur une fenêtre double est installé dans la pièce la plus intime de la maison: la chambre, c’est bien sa place.
Le vitrail sur lequel est représenté un cygne couronné qui tire un voilier-ponton est situé dans la pièce du salon, pièce plus commune. Nous avions dispersé ses cendres dans le lac en face de sa maison, selon ses volontés écrites dans le testament à partir d’un ponton construit maison par un voisin qui lui avait demandé accès au lac et qui nous avait permis de l’utiliser pour cet événement. Déjà, il s’agissait de la représentation d’un souvenir plus récent que celui de la scène sous-marine qui réfère à notre vie de couple. J’ai eu l’idée de cette image, avec un cygne car j’adore cet oiseau élégant et gracieux, qui dégage de la sérénité.
Ce n’est que tout dernièrement que j’ai découvert une peinture semblable qui date du XIIe siècle. Je fus renversée d’abord de voir autant de similitude dans l’image ! Elle provient d’une légende médiévale de l’Europe qui date du XIIe siècle : Le chevalier au cygne.
En résumé, c’est l’histoire d’un inconnu en armes qui aborde le rivage dans une barque tirée par un cygne avec un collier d’argent (sur cette photo ci-bas, on peut y voir également, comme dans mon vitrail une couronne royale autour de son cou). L’inconnu fait preuve de vaillance et obtient en récompense un fief et une épouse, avec qui il a des enfants. Un jour, le cygne réapparaît et l’inconnu s’empresse de sauter dans la barque qui est aussitôt entraînée au large par le cygne et disparaît comme il était venu. La photo ici est une reproduction d’une enluminure réalisée par le Maître de Talbot vers 1445.
Dans Parzival (Perceval, en allemand), le poète médiéval allemand fait pour sa part du chevalier au cygne, le fils de son héros Lohengrin et le rattache à la tradition du Graal, qui inspirera un opéra à Richard Wagner (1850). Or, j’ai le projet d’écrire un article sur la quête du Graal, avec en référence particulièrement le livre qu’avait commencé à écrire Emma Jung et qui à la suite de son décès en 1955 a été achevé par madame Marie-Louise von Franz. À mon point de vue, c’est un symbole qui m’a donné une direction, un orientation au moi, bien avant sa réalisation.
Finalement, le vitrail sur lequel est peint une libellule avec des lotus commence à se détacher de l’expérience douloureuse du deuil. Il fait encore référence à ce bel insecte que mon conjoint et moi pouvions voir sur le terrain au bord du lac ainsi que des nénuphars d’un blanc pur à la fragrance si particulière entourée de ses grandes feuille rondes qui les entouraient quand nous y nagions, mais ces symboles se retrouvent à l’extérieur de la maison et ont comme une vie propre à chacun, sans nécessairement être lié à mon conjoint ou à moi. Ils vivent par eux-mêmes et sont complémentaires : la volatile libellule et l’ancré dans le fond de l’eau nénuphar.
La libellule est devenue mon deuxième symbole les plus significatif car je le rattache au film intitulé »Libellule » sorti en 2002 qui raconte l’histoire d’un médecin, Joe, dont la femme a disparu tragiquement dans un éboulement. Elle même médecin, elle était enceinte et en route vers le Venezuela en mission pour soigner les gens d’une tribu enfoncée dans la jungle. Mais Joe a plusieurs signes qui lui disent que sa femme est encore vivante. Tout l’entourage de Joe lui fait pression de faire son deuil et d’arrêter de la chercher, mais il résiste. Finalement, il part pour le Venezuela et retrouve le bébé que sa femme (morte entre temps) a eu et qui a été gardé par la tribu. Dans son dos, près de l’épaule, il y a une tache de naissance en forme de libellule.
Surtout qu’ils se tient à côté de la colombe aux rayons solaires qui forme un cercle lumineux. Il représente pour moi qui est croyante évidemment la paix intérieure qui est déposée par le St-Esprit ainsi que les rayons de lumière de la Résurrection. Ces vitraux forment la fenêtre de la cuisine qui donne vue sur le stationnement et le grand garage à deux étages.
Justement parlant de ce garage, j’avais engagé des menuisiers pour rénover le deuxième étage en atelier d’art. J’y ai peint sur une fenêtre un symbole qui n’a vraiment rien à voir avec mon conjoint, mais appartenait essentiellement à mon cheminement spirituel: un lion protecteur et en arrière-fond, Le Jésus berger qui Lui aussi est protecteur de la brebis. Le psaume 23 est mon préféré et quand je me sens très seule, je le récite chaque jour et souvent que les deux premières lignes: »Le Seigneur est mon Berger, je ne manque de rien. » J’avais là double protection!!
Le vitrail peint à la suite du décès de ma mère représente essentiellement des fleurs disposées dans 6 cercles qui sont rattachés l’un à l’autre par un cordon d’ADN. La fleur la plus significative: la rose, de quatre couleurs différentes et un lys blanc et un lis calla blanc. Au centre, une jeune fille qui me représente vêtue d’une robe longue violette, la tête plongée dans un bouquet de myosotis (forget me not, ne m’oublie pas) et des pétales qui tombent figurant mes larmes.
Le fil de ma vie d’aujourd’hui
En 2016, j’ai décidé de vendre la maison que mon conjoint m’avait léguée pour aller vivre dans ma ville natale. J’ai apporté avec moi toutes les fenêtres peintes en vitrail, sauf celui du lion (difficilement remplaçable par une fenêtre de même taille). J’ai remis sur le mur un cadre figurant une licorne entourée de lotus rose illuminé et d’un serpent à ses pieds- une peinture de Johfra (1919-1998) un peintre moderne néerlandais qui m’est apparue comme symbole significatif depuis quarante ans. Suivant un séminaire avec le bien-aimé regretté analyste jungien Guy Corneau, j’ai dit au groupe que c’est elle, la licorne qui me courait après et non moi qui courait après elle ! Cela a fait bien rire Guy !
Je ne suis pas devenue chanteuse comme mon jeune frère le souhaitait. Je suis très, très heureuse d’avoir retrouvé ma belle grande ville natale qui m’offre beaucoup de choses que j’aime : musées, grands cinémas, etc. en même temps que grands espaces verts, j’habite à cinq minutes de marche du bord du fleuve que longe une piste cyclable sur laquelle je fais des randonnées en vélo, je suis entourée d’une population multiculturelle. J’ai une pièce dans laquelle je peux faire toutes mes créations, peintures, mobiles, bijoux. J’ai ouvert une boutique en ligne et je suis en contact avec une gentille clientèle qui me complimente sur mes créations.
Je peux lire et écrire librement sans cadre règlementaire. Bref, je sens être retournée à ma place. Et même plusieurs des symboles que j’ai commentés ici continuent de me suivre : en promenade autour de chez moi, je suis »tombée » sur de magnifiques magnolias et sur le bord d’un grand canal, un commerce offre des randonnées sur pédalos en forme de cygne!
La vie a fait en sorte que depuis 20 ans, elle ne m’a pas présenté un autre amoureux, mais je vis très bien ma solitude dont j’ai besoin même. Je ne dis pas que jamais la présence d’un compagnon affectueux ne me manque pas, mais cela me permet d’un autre côté d’avoir beaucoup de disponibilités, de temps de présence à mon entourage, à mes amis et à ma famille.
Depuis mes études sur le bouddhisme, je dirais que je me sens un peu comme une Avalokitésvara, qui incarne la compassion ultime ou en mots plus simples, l’amie qui aide les autres dans leur cheminement spirituel.
Comme par un événement de synchronicité, durant les premiers jours ou je me suis mise à rédiger ce texte sur le contexte du deuil, j’ai reçu un message d’une de mes jeunes clientes à ma boutique en ligne. Elle avait acheté un bijou fait main par moi pour sa mère, il y a de cela quatre ans. Elle m’annonce le décès de sa mère huit mois après cet achat. Elle vit sur un ranch-ferme. Elle s’occupe des soins aux chevaux. Elle n’a pas reçu d’éducation publique, c’est sa mère qui a assuré son éducation à la maison. Elle a vécu dans un contexte religieux très pratiquant, allant à l’église presque à tous les jours, se confiant au pasteur de sa paroisse, etc. Mais malgré tout, elle reprend contact avec moi, quatre ans plus tard car elle souffre encore beaucoup de la mort de sa mère.
La roue de la vie tourne sans cesse
Repensant à l’ensemble de la conception jungienne du développement spirituel ou du processus d’individuation, je vois la vie ainsi : nous évoluons d’une totalité à une décomposition de cette totalité due à certaines circonstances de la vie, pour ensuite recréer une autre totalité. Nous allons d’une formation à une autre transformation et ainsi la roue de la vie tourne sans cesse, éternellement.
C’est ce que les alchimistes recherchaient : l’or de l’immortalité ou de l’éternité qui est sans espace et sans temps. L’étincelle divine, le Soi, notre nature identitaire profonde est en nous depuis toujours et bien avant l’identité que l’on acquiert au fil de nos relations: être la fille, le fils de, le/la conjoint-e de, la mère ou le père de, etc.
Pour s’en approcher, Jung nous conseille de rester ouverts aux signes intérieurs et extérieurs qui se présentent à nous et de les considérer avec sérieux, qu’ils soient positifs ou négatifs pour nous. Il faut porter attention aux côtés sombres autant qu’aux côtés lumineux que la vie nous apporte. D’y répondre, de s’y confronter, d’agir, de prendre des décisions et avec courage et confiance, de les porter le plus dignement et humainement possible. Même la mort. Le grand érudit Albert Jacquard disait que c’était bien de se savoir mortel, car sinon, on ne vivrait pas selon un certain sentiment d’urgence de vivre, sachant que l’on vivrait éternellement.
Étrangement, en ce jour où je termine la rédaction de ce texte c’est la date anniversaire de mon frère aîné qui est décédé il y a 7 mois et ma nièce vient de me transmettre un message accompagné d’une photo de la pierre tombale ou elle est allée se recueillir. Et dans quatre jours, ce sera la Fête de Pâques… fête de la résurrection.
Je discutais de choses et d’autres en tête à tête avec ma nièce aînée lors d’un souper auquel je l’avais invitée. Je lui ai demandé ce qu’elle apporterait avec elle qu’elle considère de plus important ou de plus significatif si un incendie se déclarait dans le lieu qu’elle habite. Elle m’a répondu tout de go, sans hésitation: le vitrail papillon bleu que tu m’as offert ! J’en fus très surprise et très touchée à la fois !
Le papillon, le symbole par excellence de la transformation: de chenille à la beauté !
Quant à moi, j’ai répondu que j’apporterais le sac en bandoulière qui contient mon passeport qui me permet de voyager partout dans le monde !!
Car le vie est un voyage continuel et non une destination arrêtée, nul point d’arrivée, nul point de départ !
Notre seul devoir est de marcher !
Cette page fait partie de l’article : Le contexte de deuil dans l’émergence du symbole du mandala.
Lise Villemaire, M.Ps.
Lise Villemaire, psychologue et psychothérapeute retraitée, réside à Montréal, province du Québec au Canada. Dans un premier temps elle a travaillé comme infirmière. En qualité de psychologue elle a plus de 25 ans d’expérience de pratique et d’enseignement au niveau universitaire.
Elle a étudié les différentes religions et obtenu un certificat en Théologie Orthodoxe. Conférencière, elle s’intéresse particulièrement au développement spirituel chez l’adulte et à l’Art. Elle s’adonne au dessin et à la peinture de vitraux.
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