Les avancées de l’intelligence artificielle (IA) font la une des médias. Elles offrent des perspectives prometteuses mais représentent également de réelles menaces.
Jean-Pierre Robert évoque plusieurs de ces aspects et souligne la nécessité de trouver un juste équilibre face à ces développements en commençant par un retour vers soi.
Version anglaise de cet article
Réflexions autour des enjeux de l’IA
Sur cette page
- Préambule
- La puissance de la psyché
- Seul ce qui est vraisemblable compte
- Qui sont les acteurs de ce nouveau monde ?
- Contrefaçon et pillage des données
- Au cœur des algorithmes
- Accaparement des idées, pensées et sentiments
- Reproduire artificiellement les processus naturels
- L’âme est terriblement sous-estimée
- Il faudrait… On devrait… On pourrait…
- L’urgence de réhabiliter la fonction sentiment
- Un juste équilibre
En mai 2023 j’ai proposé un premier texte L’intelligence artificielle et la psyché. Au cours de l’année écoulée, je n’ai cessé d’utiliser divers outils liés à l’IA, observé leur développement et lu de nombreux articles et livres sur le sujet. Je prolonge ce texte à partir des réflexions ci-dessous.
Préambule
Il y a plus un demi-siècle, j’ai embrassé la profession d’électronicien et très rapidement celle d’informaticien. Parallèlement, à la même époque, j’ai découvert un monde qui m’était alors totalement étranger : celui de la psychologie des profondeurs, également appelée psychologie analytique ou complexe, initiée par Carl Gustav Jung.
Durant toutes ces années, j’ai eu la chance de suivre pas à pas les nombreux développements technologiques. J’ai même partagé l’enthousiasme suscité par tous ces nouveaux produits et services qui étaient censés nous aider à résoudre nos difficultés.
L’arrivée d’Internet, en mettant fin aux distances et en ouvrant un partage sans limites, allait dans le même sens. Cependant, il n’a fallu que quelques années pour qu’un paysage différent se dessine, plus machiavélique, bien éloigné de l’esprit qui animait les pionniers [Vint Cerf, Tim Berners-Lee, Lawrence Lessig, etc.] qui ont contribué à la mise en place de ce réseau.
Dès le début, le contact étroit établi avec la profondeur de la psyché m’a montré combien ces deux mondes étaient étrangers l’un à l’autre. Je mesure aujourd’hui la difficulté que j’ai eu à concilier vie extérieure et vie intérieure.
Le parcours de vie de Jung, avec ses zones d’ombre, m’a servi de modèle. Ses interrogations, son courage pour se confronter à la psyché, et l’acceptation inconditionnelle de son destin, m’ont servi de boussole. Son immense érudition m’a permis de découvrir un monde nouveau, insoupçonné, présent depuis la nuit des temps, mais recouvert de cendres par l’agitation liée à notre dite « modernité ».
La puissance de la psyché
Jung n’a cessé, sa vie durant, de mettre en avant la puissance de la psyché, à la fois facteur de stabilité et source de déséquilibres. Il indiquait en 1952 :
« Maintenant, tout dépend de l’homme ; il a dans ses mains un pouvoir de destruction monstrueux, et la question est de savoir s’il peut résister au désir de l’utiliser, s’il arrive à le dompter grâce à l’esprit d’amour et de sagesse […] »
Et quelques lignes plus loin « toute la nature inconsciente aspire ardemment à la lumière de la conscience, pour laquelle elle a toutefois une très grande aversion. »
Réponse à Job, p. 212-213.
Les découvertes de la structure de l’atome, des ondes radio, du monde cellulaire et moléculaire, etc., ont conduit à la création d’un monde de plus en plus artificialisé.
Aujourd’hui, nous n’avons plus le choix. Il s’impose à nous, que nous le souhaitions ou non.
Seul ce qui est vraisemblable compte
J’ai la chance d’échanger avec un grand nombre de personnes, et notamment des chercheurs dans des disciplines différentes, et je constate combien une partie d’entre eux sont vigilants et luttent avec les moyens dont ils disposent pour faire face à la vague déferlante déjà présente, où le faux est plus vrai que le vrai ! Seul ce qui est vraisemblable compte !
Force est de constater que, devant un tel déferlement d’images, de textes ou de vidéos, l’humain ne peut faire face sans risquer la noyade. Se tenir loin du rivage est difficile, tant ce monde artificiel s’impose, nous envahit et nous écrase à la manière d’un tsunami.
À l’opposé, la psyché, bâillonnée et contrainte par cet univers hostile, n’ayant pas la possibilité d’être reconnue et de s’exprimer, déferle de l’intérieur, poussant un grand nombre de personnes à adopter des conduites nocives, à risques et délictueuses.
Les conséquences touchent tous les domaines du vivant, et les alertes en tout genre (climat, environnement, surpopulation, etc.) ne sont que la partie émergée d’un univers bien complexe, régi par des règles dont la grande majorité reste inconnue.
Qui sont les acteurs de ce nouveau monde ?
Ce monde hybride qui se dessine sous nos yeux entraîne deux attitudes opposées : un grand enthousiasme de la part de ceux qui en sont les acteurs et ceux qui les suivent et une méfiance, une peur toute aussi communicative pour tous les autres.
Deux professions jouent un rôle majeur dans les développements en cours, bien que tous ne soient pas concernés. La première, les informaticiens, qui par petits groupes concurrents, codent les applications, qu’il s’agisse de robots ou d’assistants en tout genre, sans oublier la pièce maîtresse, véritable cheval de Troie : notre téléphone. On l’utilise majoritairement pour une multitude de tâches, toutes plus addictives les unes que les autres, hormis celle de téléphoner.
La deuxième profession est celle des neurologues et psychologues qui se réclament des neurosciences. Prisonniers de la science et incapables de s’ouvrir à d’autres perspectives que celles offertes par leurs moyens d’investigation, ils opèrent en surface.
Tels des apprentis sorciers, dotés d’une conscience parcellaire qui leur permet de mobiliser toute leur énergie autour d’un point spécifique, ils baignent dans une inconscience abyssale. Ils sont mus par une volonté secrète de puissance et de domination de la nature.
Parmi de nombreux exemples, la société Neuralink se définit avec « l’objectif ultime de créer une plateforme d’entrée/sortie généralisée capable de s’interfacer avec tous les aspects du cerveau humain ». Par ailleurs, au mois de mai 2024, une équipe du California Institute of Technology a réussi à décoder des mots non prononcés en enregistrant les signaux des neurones en temps réel, avec un taux de réussite non négligeable. Le « piratage » du cerveau n’est pas loin…
Derrière le rideau se profile un petit nombre d’acteurs, conscients de ce qu’ils réalisent. Les plus puissants d’entre eux [Jeff Bezos, Elon Musk, Marc Zuckerberg, etc.], mettent en avant des projets relevant de la science-fiction pour mieux opérer au quotidien. Ils avancent masqués pour asservir le plus grand nombre de personnes autour de solutions la plupart du temps inutiles et/ou utopiques.
Dans l’ombre, pour corriger les dérives de l’IA et la nourrir, une multitude de petites mains au service de grands groupes œuvrent dans des pays peu regardants sur les conditions de travail et pratiquant les salaires les plus bas. Leur mission est de filtrer des contenus nauséabonds, de « taguer » des images ou des vidéos et de corriger les services fournis par l’IA pour les rendre amicaux et polis.
À l’opposé, des personnes comme Frances Haugen, Sophie Zhang, Timnit Gebru, etc., sont conscientes des dérives de ces développements et, dès qu’elles se manifestent, leur voix est aussitôt réprimée et marginalisée. Elles sont même victimes de harcèlement.
Néanmoins, l’inquiétude a été exprimée parmi les principaux responsables politiques et acteurs de l’IA à l’échelle mondiale, ce qui les a conduits à signer en novembre 2023 un premier document intitulé « Déclaration de Bletchley » sur la sécurité de l’IA.
Contrefaçon et pillage des données
Il suffit d’observer les jouets pour enfants, y compris pour les plus petits et d’utiliser des outils de génération de textes, d’images ou de vidéos pour être convaincu que tout est fait pour que ces objets ou services deviennent nos compagnons ou amis et cohabitent avec nous.
Il ne faut pas perdre de vue que les machines, aussi élaborées soient-elles, ne savent pas ce qu’elles font, n’éprouvent aucun sentiment, ne ressentent aucune émotion. Elles exécutent des programmes et singent la réalité.
Si elles reconnaissent le langage oral, peuvent interagir et simuler des émotions, c’est parce qu’elles ont été conçues ainsi par des humains pour les rendre plus proches de nous. Elles deviennent même pour nous de véritables concurrentes car elles sont infatigables et imbattables en matière de vitesse d’exécution, grâce à leur capacité de calcul.
Livrées à elles-mêmes ou détournées, elles sont en passe d’échapper à leurs concepteurs et de produire des effets que seuls quelques initiés, lanceurs d’alerte, évoquent de manière inaudible, étouffés par la prolifération de fausses informations.
Ces nouveaux outils ne se seraient pas développés sans un pillage éhonté des données privées et publiques. Chacun de nous contribue par ses actions à alimenter sous de multiples formes ces infernaux mécanismes : articles, réactions diverses, like, etc.
Nous étions des utilisateurs de l’informatique : nous le sommes toujours mais aujourd’hui c’est elle qui nous utilise.
Au cœur des algorithmes
Les grands acteurs du domaine de la tech ne se sont-ils pas autoproclamés rois en se dotant de missions telles que celle « d’organiser l’information mondiale » ? En retour, ils affichent des informations triées et remises en forme selon des algorithmes au fonctionnement opaque.
Ces algorithmes, imbriqués les uns aux autres, échappent à leurs concepteurs. Ceux-ci, au gré des changements rapides du monde dans lequel ils évoluent (changements de poste, licenciements, départs à la retraite, etc.), sont en roue libre depuis longtemps. Ils sont à la base du fonctionnement des outils mis à notre disposition, de l’organisation de l’information aux mécanismes sous-jacents régissant les réseaux sociaux. Plus personne n’a la maîtrise de quoi que ce soit.
La porte est ouverte à toute forme de manipulation de l’information, au bioterrorisme et aux cybermenaces. Où sont les gardes fous ? Dans ce monde contrefait, quels sont la place et le rôle de l’Humain ?
Entre les techno-critiques, les techno-sceptiques, les techno-confiants, les techno-humanistes et les transhumanistes, où se situer ? Assurément, tous ces courants de pensée reflètent différentes approches qui, la plupart du temps, s’opposent. Toute la difficulté réside dans le fait de ne pas verser dans l’unilatéralisme de l’un ou l’autre de ces courants. Comme l’a enseigné Jung, le plus difficile est de « tenir ensemble les opposés ».
Accaparement des idées, pensées et sentiments
La plupart d’entre nous croient que les idées, les pensées et les sentiments qu’ils éprouvent leur appartiennent. Ils peuvent légitimement les revendiquer, s’appuyant sur le droit d’auteur ou se protégeant à l’aide de brevets. Ils ignorent ou oublient combien ils sont influencés par des éléments provenant du monde extérieur ou du monde intérieur, et généralement, ils se limitent à agréger des données et à en assurer la mise en forme.
Les machines créées par l’homme ne font que perpétuer des pratiques établies de longue date, et des organisations comme l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) réfléchissent à étendre les droits de propriété intellectuelle à l’IA.
Reproduire artificiellement les processus naturels
Reproduire artificiellement les processus naturels est à la base du développement technologique. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à des machines qui simulent et mettent en perspective des éléments disparates à une vitesse inégalable par l’humain.
Les personnes qui sont devenues expertes en matière de présentation et qui privilégient la mise en forme, suite à de longs apprentissages et un travail acharné, sont les premières menacées par l’arrivée des outils de génération de textes, d’images ou de vidéos.
Généralement, elles se montrent dédaigneuses par rapport à ces outils et expriment leur scepticisme par des expressions dévalorisantes telles que « ce ne sont que des machines », « les machines ne pensent pas », « les machines n’ont pas d’émotions », etc.
Elles se sentent menacées dans leurs fondements, car elles s’identifient à ce qu’elles montrent d’elles-mêmes, à leur savoir, à leur image extérieure, ce que Jung nomme la persona. En l’absence de lien avec la source de toute créativité, elles sont vouées à quitter la scène prématurément et à se retrouver dans des coulisses le plus souvent inhospitalières.
L’âme est terriblement sous-estimée
Menacés par cet univers nouveau qui nous écrase et nous englobe, nous n’avons pas d’autre choix que de nous questionner et de faire un retour vers nous-mêmes.
Ceci est bien paradoxal au moment où l’extraversion ambiante nous pousse à amplifier notre réseau d’amis, à communiquer à outrance et à consommer des biens et des services. En palliant le manque de lien véritable avec nos propres racines, ces multiples activités épuisent les ressources de notre planète.
Jung différencie la pensée dirigée de la pensée spontanée. À propos de la pensée dirigée, en 1912, Jung précise :
« La pensée dirigée, ou, comme on pourrait aussi l’appeler, la pensée en mots, est de toute évidence l’instrument de la culture; nous ne risquons pas de nous tromper en disant que le gigantesque travail d’éducation que les siècles ont fait subir à la pensée dirigée, en la dégageant de façon originale de la subjectivité individuelle pour la conduire à l’objectivité sociale, a contraint l’esprit humain à un travail d’adaptation auquel nous devons l’empirisme et la technique d’aujourd’hui qui sont absolument premiers dans l’histoire du monde. Les siècles précédents ne les ont pas connus.
Assez souvent déjà des esprits curieux se sont demandés pourquoi les connaissances si développées que les anciens avaient des mathématiques, de la mécanique et de la matière, unies à une dextérité artistique sans exemple, ne furent jamais utilisées par eux pour faire des rudiments techniques bien connus (par exemple, les principes des machines simples) quelque chose de plus qu’un jeu curieux, en les poussant jusqu’à une véritable technique au sens d’aujourd’hui.
A cela il faut répondre : quelques esprits éminents mis à part, il manquait généralement aux anciens la capacité de suivre avec intérêt les transformations de la matière inanimée de façon à pouvoir reproduire artificiellement les processus naturels. Or, c’est ainsi seulement qu’ils auraient pu les dominer. Il leur manquait le training de la pensée dirigée.
Le secret du développement culturel, c’est la mobilité de l’énergie psychique et son aptitude à se déplacer. La pensée dirigée de notre époque est une acquisition plus ou moins récente, tout à fait étrangère à ces temps lointains. »
Métamorphoses de l’âme et ses symboles, p. 64-65.
Bien des années plus tard, en 1958, il indique :
« À notre époque essentiellement matérialiste et statistique, l’âme est terriblement sous-estimée, et l’expérience religieuse semble condamnée. L’entendement du contemporain moyen trouve alors refuge dans l’incroyance ou la crédulité, car l’âme est pour lui une sorte de brouillard insaisissable. »
Un mythe moderne, p. 83.
Jung, tout au long de sa vie, n’a cessé de nous mettre en garde contre les dangers liés à l’inconscience générale et de montrer combien il était dans l’intérêt que chacun développe une conscience étendue de lui-même. Il démontre que ce développement est bénéfique pour la collectivité.
Il faudrait… On devrait… On pourrait…
Face à toutes les opportunités qu’offrent le développement de l’IA, mais aussi les menaces décrites ci-dessus, se dressent toute une série d’injonctions du type « Il faudrait », « on devrait », « on pourrait », etc. Par exemple : « Il faudrait établir des principes éthiques clairs et universellement acceptés pour le développement et l’utilisation de l’IA » ou « On pourrait créer un organisme international chargé de réglementer le développement et l’utilisation de l’IA ».
Bien qu’une partie de ces injonctions relève du bon sens, elles sont difficilement applicables car elles ne dépendent pas de nous, mais de l’autre. De plus, le petit nombre de personnes qui détiennent un pouvoir de décision poursuivent d’autres objectifs et restent sourdes à la plupart des propositions, persévérant dans des voies illusoires ou obsolètes.
Face à ce constat, je suis bien incapable de conseiller qui que ce soit, si ce n’est de partager des interrogations et des éléments de réponse. J’encourage chacun de nous, dans le contexte qui est le sien, dans sa culture, dans le lieu où il vit et en fonction des éléments qu’il reçoit de sa psyché (images de rêves, pensées spontanées, émotions, sentiments, ressentis, etc.), à agir et à se positionner.
Fort d’une longue expérience dans ce domaine, « baignant » véritablement dans ce monde lié à la technologie, et en contact étroit avec tout ce qui m’est chuchoté de l’intérieur, je suis l’un des témoins du tourbillon ambiant, de ce qui relève par bien des aspects d’un délire collectif.
L’urgence de réhabiliter la fonction sentiment
Je donne la parole à Marie-Louise von Franz, qui s’est exprimée en 1997 lors de sa dernière conférence autour de la nécessité de réhabiliter la fonction sentiment [Bulletin no 9 de l’association Autour de Marie-Louise von Franz, 17 février 2010] :
« Notre monde moderne scientifique et technologique, ainsi que son mode de vie, sont essentiellement construits par des savants dont la fonction principale est la pensée extravertie ou introvertie, couplée à une sensation extra ou introvertie. […] La fonction intuitive n’est pas totalement exclue, parce qu’on a besoin d’idées spéculatives pour trouver de nouveaux modèles de pensée. »
Elle constate que la fonction sentiment, reléguée en arrière-plan, est inopérante :
« Mais le sentiment n’est nulle part, exprimé la plupart du temps en phrases puériles et bienveillantes qui contiennent toutes le petit mot « devrait ». Et à l’exception de Niels Bohr, tous les physiciens cités ont collaboré ou ont voulu collaborer à la fabrication de la bombe atomique. De nos jours, chez les physiciens aux USA, il y a une tendance à la philosophie hindouiste qui, en vérité, est antimatérialiste mais qui n’accorde aucune valeur à la vie de l’individu. »
Elle donne deux exemples qui sont toujours d’actualité :
« Nul besoin d’exposer combien la médecine moderne est devenue inhumaine. Les journaux en sont pleins, mais rien ne se fait. […]
Un autre domaine, où notre sentiment a pitoyablement échoué est la soi-disant aide au développement. […] Il démasque comment nous essayons « d’aider » les peuples d’autres cultures en tentant, en même temps, de leur imposer nos religions ou nos points de vue scientifiques et en détruisant ainsi leur propre fondement spirituel et religieux. »
Elle met en évidence le lien entre le sentiment et nos activités destructrices :
« Toute notre activité destructrice repose sur un manque fondamental de respect pour l’autre et ses valeurs culturelles différentes : en d’autres termes sur un manque de véritable sentiment différencié. Dans le fond, nous connaissons précisément ces effets catastrophiques de notre comportement, ainsi que la haine croissante d’autres nations envers les personnes de culture occidentale, mais nous semblons ne pas être en état de lutter contre cela.
[…] la même attitude indifférente règne aussi chez nous, d’un groupe à l’autre. Nos aménageurs urbains et régionaux projettent sur leur planche à dessin des plans de villes et des routes qui détruisent par la suite le bonheur d’innombrables personnes. »
Elle poursuit en exprimant la nécessité « de reconnaître la réalité de l’âme » et « d’une réalité trans-matérielle avant de nous attaquer à tout autre chose ». Elle insiste sur ce point fondamental : « l’existence de toute éthique repose sur le phénomène de la conscience, c’est à dire sur un rapport de sentiment entre l’individu et le transcendantal ou l’archétype du Soi ».
Selon von Franz, le point le plus important est la « la réhabilitation de l’Éros entre les hommes et une relation sentiment différenciée envers le transcendant ».
Un juste équilibre
Atteindre une stabilité dans un monde profondément déséquilibré est bien difficile. Prôner un retour vers soi tout en s’ouvrant aux autres l’est également car cette voie est exigeante et engageante.
Il est assurément plus facile de se laisser porter par le collectif, prêt à nous diriger, à nous distraire et à supprimer toute forme d’émancipation.
Reconnaître et prendre en charge sa part d’ombre nécessite de nombreux sacrifices, et il est là aussi beaucoup plus simple de rejeter la faute sur autrui.
Pour terminer, je relaie de nombreux témoignages indiquant qu’un juste équilibre est possible. Pour cela, il est le plus souvent nécessaire de « débrancher la prise » et de « baisser la luminosité ambiante » afin d’être plus à l’écoute de ce qui nous transforme en profondeur.
Juin 2024
(Illustrations DALL-E)
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Jean-Pierre Robert
Jean-Pierre Robert, fondateur du présent site, assure la mise en ligne des contenus. Il est le rédacteur de plusieurs articles, présentation d’ouvrages, entretiens et assure la mise en page du site.
Il a coanimé des séminaires de formation en binôme avec Chantal Armouet de 2017 à 2023.
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