J’ai choisi d’appuyer mon propos sur un rêve, celui de Patricia. L’amplification du rêve me permet de le relier à Dionysos, le Dieu de la Grèce antique qui incarne l’union des opposés.
Claudine Chatelain
Dionysos et Ariane (Giambattista Pittoni )
La rêveuse a traversé de nombreuses vicissitudes dans sa vie, ainsi que de multiples souffrances témoignant de son complexe d’abandon. Elle a enfin rencontré Jonathan, un homme bien campé dans sa masculinité, du signe du taureau.
Le rêve de Patricia
« Dans une cathédrale, on fête quelque chose en mon honneur. Je porte une robe orange. Il y a ma famille, mes amis, mes collègues… Et puis il y a Jonathan, qui prononce un discours fort, il retrace ma vie, évoque mon courage. Tout le monde le découvre et découvre notre relation.
Ma sœur dit : « c’est lui qui l’a sauvée ». L’Amour entre nous est grand, intense.
Je vois une ancienne collègue qui vient me saluer. Elle est complètement transformée au moral comme au physique, une blonde rayonnante, remariée avec deux enfants. Nous convenons de nous revoir. »
Le mythe de Dionysos
Dionysos est, dans la religion grecque antique, le dieu de la vigne, du vin, de la fête et de ses excès. Dionysos est le seul dieu olympien né d’une mère mortelle. Il est présenté comme le fils de Zeus et de Sémélé dont le nom signifie Terre.
Héra, l’épouse de Zeus, jalouse, demande aux Titans d’enlever le nouveau-né. Ceux-ci déchirent Dionysos en morceaux et le font cuire dans une marmite. Mais, selon une version du mythe, Athéna ramasse son cœur et le rapporte à Zeus qui le porte dans sa cuisse. Dionysos connaît donc deux naissances.
Dionysos vit une adolescence mouvementée. Tout comme Apollon il est un dieu qui se manifeste par apparitions : éternel voyageur, il surgit par surprise. Il se présente toujours comme un étranger, courant le risque de ne pas être reconnu.
Dans le panthéon grec, il est un dieu à part : c’est un dieu errant, un dieu de nulle part et de partout. À la fois vagabond et sédentaire, il représente la figure de l’autre, de ce qui est différent, déconcertant. Dionysos est un dieu paradoxal, contradictoire, aux multiples visages. Dionysos Dimorphos « dieu qui renaît éternellement de lui-même », il est décrit tour à tour comme viril et efféminé, mâle et femelle, jeune et vieux, violent, voire guerrier et pacifique, joyeux et sinistre…
Les attributs de Dionysos incluent tout ce qui touche à la fermentation, aux cycles de régénération. Il est le dieu vert, celui de la végétation arborescente et de tous les sucs vitaux (sève, urine, sperme, lait, sang). Il est également fréquemment associé au bouc et au taureau, animaux jugés particulièrement prolifiques. Il est souvent représenté avec des cornes de taureau.
Enfin, Dionysos rencontre Ariane et là c’est le hieros gamos, le mariage sacré. Alors que Thésée a abandonné Ariane sur l’île de Naxos, Dionysos tombe amoureux d’elle. Il l’emmène sur l’Olympe et en fait son épouse. En cadeau de mariage, il jette sa couronne dans le ciel pour lui rendre hommage ; celle-ci devient la constellation de la Couronne boréale. Ariane est divinisée et devient une personnification de la terre fertile.
Le symbolisme de Dionysos
Dionysos est une représentation importante d’un archétype au sein de l’inconscient collectif.
Après toutes les tragédies qu’il a vécues, Dionysos incarne l’union des opposés, y compris les opposés de sa nature. C’est donc un éveillé qui est né deux fois et en a tiré une forme de sagesse. C’est un demi-dieu précurseur de la résurrection chrétienne. Il honore à la fois la sexualité et la spiritualité. Il peut frapper de folie ceux qui refusent de le reconnaître en eux.
Il guérit et réhabilite le Féminin
Une atmosphère intense, passionnée souligne son apparition, avec une sensation de sacré. Lorsque nous le rendons conscient en nous, il favorise la joie, l’énergie de Vie. Il relie notre Nature profonde à notre personnalité. L’ivresse portée par Dionysos représente une expansion de la conscience.
C’est également un guérisseur de l’âme, il guérit et réhabilite le Féminin. C’est un dieu qui se niche dans nos profondeurs psychiques les plus archaïques. Il symbolise l’énergie primitive du Masculin allié au Féminin. Il guide le Féminin vers sa propre réalisation.
La rêveuse a une vie intérieure très riche
Patricia a très tôt été en contact avec le monde de l’Inconscient, elle a une vie intérieure très riche. Elle a vécu des sensations extrêmes. Elle a trouvé enfin une vie amoureuse plus stable. Au fil des ans et de l’analyse, elle a pris conscience des multiples facettes de son animus, le pôle masculin de sa psyché. Maintenant se révèle à elle la coloration dionysiaque de son homme intérieur. Tout comme Ariane, elle a vécu l’abandon.
Jonathan signifie « Dieu a donné ». La rencontre avec cet homme extérieur est ressentie par la rêveuse comme une deuxième vie, porteuse d’une énergie dense et intense. Tout est grand dans ce rêve : la cathédrale, le ressenti émotionnel.
L’ancienne collègue, une partie de la rêveuse, a été transformée par un travail sur l’ombre. Il s’agit d’un ancien Féminin. C’est une blonde rayonnante, une femme solaire. Elle est remariée, il y a donc une transformation d’animus. Elle est transformée il s’agit d’une métamorphose intérieure. Deux enfants lui sont nés : les complémentaires s’installent.
Jonathan incarne un Dionysos porteur d’expansion. Tout se passe dans l’espace sacré de la cathédrale.
Dans le rêve, Dionysos est présent à la fois par l’atmosphère théâtrale et par aussi cette image d’un Féminin restauré dans sa flamboyance. Dionysos parle, c’est le Logos du Féminin. « On fait les honneurs », oui c’est un dieu qui honore le Féminin incarné.
Il y a toute la famille et les amis, comme devant une pièce de théâtre.
Patricia doit informer toutes ses instances intérieures, accepter et incarner la force vitale et créatrice d’une nature profondément libératrice.
Elle se prépare aux noces intérieures, au mariage sacré.
Dionysos bien présent dans nos sociétés
Dans notre société, l’animus dionysiaque, auprès de chaque femme, continue d’exercer son influence. Des festivals de musique comme Art Basel en 2023 à Paris ou Boom Festival au Portugal, des rassemblements artistiques tel Burning Man au Nevada, encouragent les participants à se laisser aller à leurs émotions et à explorer de nouvelles formes d’expression. A travers les siècles ils nous sont un rappel intemporel de la puissance créatrice et transformante qui réside en chacun de nous.
Ces moments vécus dans une ambiance collective permettent aux forces archétypiques de s’exprimer. Mais, en dehors d’une relation consciente et différenciée avec les forces souterraines, comme c’est le cas dans l’exemple de Patricia, aucune transformation ne peut avoir lieu. L’individu est alors condamné à re-vivre de manière cyclique des expériences collectives qui compensent un mode de vie unilatéral où ces éléments ne trouvent pas leur juste place.
Septembre 2023
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Claudine Chatelain
C’est en 1989, à l’âge de 33 ans, que Claudine Chatelain a une révélation : elle découvre Jung à travers l’interprétation des rêves. C’est avec bonheur qu’elle ouvre la porte de son inconscient. Elle est analyste jungienne et auteure.
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