Rechercher Faire un don Espace Francophone Jungien
Accueil    C.G. Jung    Son oeuvre    Articles    Séminaires    Ressources    Livre Rouge    Sites jungiens    Contact

Espace Francophone Jungien menu

Les termes alchimiques éclairés par Dom Pernety et C.G. Jung

C.G. Jung a réalisé son propre dictionnaire du langage alchimique. Une telle capacité de travail n’est pas donnée à tous et pour ceux qui s’intéressent à l’alchimie voici une présentation du dictionnaire Mytho-Hermétique de Dom Pernety. Jung cite régulièrement cet auteur.

C.G. Jung et l’obscurité du langage alchimique

Dans Ma vie, Jung raconte au chapitre Genèse de l’œuvre combien furent difficiles ses premiers contacts avec l’alchimie. Il pressentait le rapport très particulier entre la psychologie analytique et les textes des philosophes alchimistes du Moyen-Âge, mais il butait sur le foisonnement des synonymes, les contradictions, les métaphores qui rendent ces textes particulièrement obscurs.

À la suite de la lecture du texte d’alchimie chinoise Secret de la fleur d’or que lui avait envoyé Richard Wilhelm en 1928, il avait reçu une véritable illumination au sujet de l’importance de l’alchimie et commandé toute une série d’ouvrages. Il se mit à la lecture du premier et fut très déçu et comme il l’écrit :

« Mais ce livre demeura tout d’abord presque deux ans à l’écart. De temps en temps, j’en feuilletais les gravures et chaque fois je pensais par devers moi : Seigneur quelle stupidité ! Il n’est pas possible de comprendre ça. » p.238

Mais Jung n’était pas homme à renoncer et à force d’acharnement il comprit que tout ce vocabulaire était symbolique. Commença alors un travail titanesque qui dura plus de dix ans :

« Si bien que je décidai de me constituer un dictionnaire de mots de référence avec des renvois. Le temps aidant, j’ai recueilli plusieurs milliers de termes de référence, et cela me faisait des volumes entiers de citations. » (p.239)

La nécessité d’un dictionnaire

Tout le monde n’a pas l’intense curiosité, la patience et l’immense capacité de travail de Jung. Pour celui ou celle (j’en fais partie) qui cherche à trouver son chemin dans la forêt de la symbolique alchimique Le dictionnaire Mytho-hermétique de Dom Antoine-Joseph Pernety est un outil précieux dont il existe plusieurs rééditions en fac-similé.

Rédigé en français et publié en 1758, il est ainsi présenté par l’auteur : DICTIONNAIRE MYTHO-HERMÉTIQUE Dans lequel on trouve les Allégories fabuleuses des Poètes, les Métaphores, les Énigmes et les Termes barbares des Philosophes Hermétiques expliqués.

Il signe de son nom en ajoutant qu’il est Religieux Bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur. 

Dom Antoine-Joseph PERNETY

Pernéty, même s’il se disait moine et très chrétien, sentait fortement le souffre.

Né en 1716 à Roanne il rentre dans les ordres chez les Bénédictins. Très cultivé, érudit même, il s’intéresse vivement à l’alchimie. Il se lasse de la vie monastique et passe une bonne partie de sa vie à lutter pour être dispensé des règles de son ordre. On peut le considérer comme un moine défroqué.

Il s’exila en Prusse durant quelques années mais revient en France en 1783. On tente sans succès de le faire rentrer dans son monastère. Il survit, après un passage en prison, à la Révolution et meurt à Avignon en 1796, persuadé d’avoir trouvé la Pierre Philosophale.

On dit beaucoup de choses vraies ou fausses à son sujet. Influencé par Swedenborg, celui-là même dont Jung avait lu sept volumes dans sa jeunesse, il aurait à une époque créé en Avignon une espèce de secte. En tous cas son intérêt pour l’alchimie ne se démentit jamais et son dictionnaire lui a survécu en ayant une certaine influence. Gérard de Nerval, par exemple, en était imprégné.

Pour ce qui est de Jung il ne le cite que tardivement. Il faut dire qu’il avait son propre dictionnaire. Il y fait référence dans Synchronicité et Paracelsica, Aïon, Mysterium conjunctionis mais pas dans Psychologie et alchimie.

Que pensait Pernety ?

Dom Pernety, qui se présente comme chrétien, est d’une largesse d’idées étonnante, en particulier dans sa manière de diviniser la Nature, tout en s’abritant derrière des auteurs.

En effet, Pernety utilise pour ses définitions des extraits « choisis » des auteurs les plus réputés. Même s’il ne le cite pas très souvent, on devine l’influence de Paracelse. Il propose ainsi un vaste panorama de la philosophie hermétique à l’époque de son travail. Il justifie ses recherches, sur le plan religieux, en écrivant dans sa préface :

« Cette Science est un don de Dieu et un mystère caché dans les livres des philosophes, sous le voile obscur des énigmes, des métaphores, des paraboles et des discours enveloppés, afin qu’elle ne vienne pas à la connaissance des insensés qui en abuseraient et des ignorants qui ne se donnent pas la peine d’étudier la Nature. »

Ces gens qui refusent d’étudier la Nature sont ceux qu’il avait déjà fustigés par ces lignes qui me semblent avoir conservé toute leur actualité :

« Mal à propos traite-t-on de fous les Philosophes Hermétiques : n’est-ce pas se donner un vrai ridicule que de décider hardiment que l’objet de leur Science est une chimère, parce qu’on ne peut pas le pénétrer, ou qu’on l’ignore absolument, c’est en juger comme un aveugle des couleurs. »

Je pense que cette citation devrait être méditée de nos jours …

Pernety fait le choix de multiplier les exemples, au risque d’être touffu, pour donner au lecteur la possibilité de se faire une idée au sujet des « obscurités » qui peuvent être à l’origine d’erreurs, mais aussi de découvertes « extraordinaires ». C’était un homme qui ne craignait pas de prendre des risques, on le voit dans les dernières lignes de la préface :

« Il me semble que plus un homme a d’étendue de génie et de connaissances moins il doit nier et plus il doit voir de possibilités dans la Nature. À être crédule il y a plus à gagner qu’à perdre. La crédulité engage un homme d’esprit dans des recherches qui le désabusent, s’il était dans l’erreur, et qui toujours l’instruisent de ce qu’il ignorait. » 

Et que dire de ce qu’écrit Pernety à l’article Nature :

« L’œil de Dieu, Dieu lui-même toujours attentif à son ouvrage, est proprement la Nature-même, et les lois qu’il a posées pour sa conservation sont les causes de tout ce qui s’opère dans l’univers ». 

Pour Pernety, comme pour Paracelse, la Nature toute puissante est assimilable à Dieu et en retournant la proposition on peut se demander si ces philosophes, sans en être conscients, n’assimilaient pas Dieu à la Nature rejoignant ainsi la pensée de Spinoza.

De l’utilisation du Dictionnaire mytho-hermétique

Pour ceux qui seraient tentés par l’aventure poétique, je dirais même surréaliste, que représente la lecture de certains textes alchimiques et aussi pour ceux qui voudraient suivre le cheminement de Jung dans les ouvrages où il traite de la symbolique alchimique, il est nécessaire de de lire certaines entrées du dictionnaire. 

Au mot Langage il montre bien le côté hermétique de la langue des philosophes alchimistes :

« Les philosophes n’expriment point le vrai sens de leurs pensées en langage vulgaire, et il ne faut pas les interpréter suivant les idées que présentent les termes en usage pour exprimer les choses communes. »

Ceci est complété à l’entrée Ruse par cette phrase cinglante :

« Les Philosophes emploient la ruse pour cacher le secret de leur Art et faire prendre le change aux ignorants. »

Le reste du texte montre bien la manière dont Pernety pense que les alchimistes veulent à tout prix cacher leur savoir au « vulgaire « . Mais il est là, lui le moine rebelle, pour tout révéler.

Le mot Nature, dont j’ai parlé plus haut, intéresse tellement Pernety qu’il comporte 12 pages. C’est foisonnant, historique, alchimique et passionnant car on y retrouve une véritable et originale description de l’univers, des règnes, des éléments, des nombres et j’en passe car ce mot mériterait à lui seul un article. 

Pernety peut aussi faire preuve d’une certaine forme d’humour, par exemple au sujet du Fourneau dont il dit :

« Les philosophes chymiques ont aussi leur fourneau, dont ils font un grand secret. »

Il fait une nouvelle entrée intitulée Fourneau de Paresse :

« Se dit, en terme de chymie, d’un fourneau fait de telle façon, qu’avec peu de feu et peu de travail, il chauffe et communique sa chaleur à plusieurs autres. »

On connaissait déjà les économies d’énergie !

Une description des phases de l’Œuvre

Quand on lit les auteurs qui parlent des différentes phases de l’œuvre alchimique on nage souvent dans la confusion. Pernety, même si après une définition très claire il s’égare parfois dans les détails donne des définitions très utiles. J’en ai gardé la substantifique moelle pour vous proposer ces brèves définitions des cinq premières phases du travail de l’alchimiste :

  • En premier lieu il y a la calcination, c’est à dire, au moyen du Mercure des sages chauffé « au feu philosophal », la purification des corps et leur séparation de l’Humide qui les liait.
  • Suit la putréfaction, opération qui détruit la nature et la forme du corps putréfié, pour le transmuer et lui permettre de produire un corps nouveau. 
  • Vient ensuite la solution, c’est à dire, « la conversion de l’Humide Radical fixe en un corps aqueux par l’action de l’esprit volatil caché dans la première eau. »
  • La quatrième marche est celle de la distillation, opération qui « subtilise toutes les eaux et les huiles ».
  • Ensuite, la conjonction pendant laquelle il y a réunion des natures contraires et des qualités séparées. Il doit alors se faire un « mariage indissoluble même à la plus grande violence du feu. »

Éviter la lumière glacée de l’intellect

Il faut se garder d' »intellectualiser » l’alchimie et son vocabulaire et il me vient, pour conclure, cette belle citation d’ Étienne Perrot :

« L’alchimie, la voie intérieure, est aux antipodes de toute technique, de toute conceptualisation, puisqu’elle est la vie dans son jaillissement. Elle est la sagesse des fous, la sagesse des enfants qui puisent leur savoir dans l’eau qui coule, le vent qui berce les branches en faisant bruisser et trembler les feuilles, le feu qui pétille et multiplie les nuances de ses ors. L’ordre profond, l’ordre de l’univers n’apparaît que si l’on épouse amoureusement le désordre des phénomènes, la naïveté éloquente des formes intérieures et extérieures, sans intrusion illégitime de la raison qui classe, systématise et veut tout régenter. Le monde, certes, est un système, c’est à dire un ensemble dont toutes les parties se tiennent, il est le Vivant parfait dont parle le Timée. Pourtant, ses membres ne sont pas reliés par la lumière glacée de l’intellect coupé de ses racines, ils ont pour lien, pour sang, – pour colle, disent les alchimistes – la clarté rougeoyante et chaude de l’amour. » La voie de la transformation p. 337

À lire également C.G. Jung décrit l’origine et la couleur des phases de l’alchimie.

Octobre 2022

Adresser un message à Ariane Callot

 

Articles Ariane Callot

Articles co-écrits avec Jean-Pierre Robert :

Trois rubriques complètent cette liste d’articles :

Recherches sur Jung | Écrits sur Jung | Poésie Ariaga


Espace Francophone Jungien - cgjung.net
Espace Francophone Jungien
Menu principal Faire un don
Page d'accueil
Carl Gustav Jung
Ouvrages de C.G. Jung
Articles et entretiens
Séminaires de formation
Ressources jungiennes
Le Livre Rouge de C.G. Jung
Marie-Louise von Franz
Sites jungiens
Mises à jour du site
Formulaire Contact
Qui sommes nous ?
Rechercher sur le site
Plan du site
Facebook
Jungian Psychology Space
Haut de page

cgjung.net © 1998 -