Les principes incontournables
La pratique de l’homéopathie selon les enseignements de Hahnemann est basée sur trois principes incontournables : la similitude, la globalité et l’individualisation.
L’idée du remède semblable nécessite une expérience préalable, la pathogénésie. Il s’agit de l’expérience faite sur des « sujets sains » pour révéler l’action de substances sur l’organisme. Les Anglo-Saxons la nomment proving.
L’homéopathie exclut théoriquement la théorie des signatures et le principe de médecine analogique symbolique des anciens. Hahnemann a prétendu ignorer Paracelse.1
La médecine empirique
Nous connaissons tous l’évolution de la médecine qui suivit au travers des siècles un lent et profond cheminement dans le domaine de l’empirisme pour aboutir à la médecine expérimentale.
L’empirisme médical allie l’observation à l’expérience. Il s’est opposé au dogmatisme, souvent aux subtiles et délirantes déductions du «médecin philosophe». Citons parmi toutes les théories traditionnelles la médecine des signatures, une sorte d’ »homéopathie populaire » 2 sous-tendue par l’analogie.
L’avènement de l’homéopathie et l’induction
Hahnemann introduit la notion d’expérience à la suite de son observation princeps de 1790.
Il observe et remarque que la teinture de quinquina qu’il absorbe lui provoque des crises pseudo palustres, alors que c’est une substance réputée combattre la malaria. Nous sommes dans le domaine strict de l’observation, sans préjuger du mécanisme. Il émet l’hypothèse que le principe de la similitude connu dès l’antiquité (Hippocrate) peut être généralisé et le vérifie par expérience. Il s’agit d’observer les effets de médicaments simples administrés à des sujets apparemment sains.
La méthode part des faits observés : elle fait la place belle à l’induction qui part des faits observés et va du particulier au général.
La médecine expérimentale
Ce qui distingue l’expérience homéopathique de l’expérimentation selon Claude Bernard, c’est l’idée de départ soumise au contrôle des faits, expliquée et vérifiée par la reproduction de l’expérience. L’expérimentateur aura recours à l’épreuve et à la contre-épreuve.
Signes et symboles
Les symptômes homéopathiques font partie de la classe des signes :
- Les signes appartiennent aussi bien à la santé qu’à la maladie.
- Le symptôme appartient exclusivement à la maladie.
- Tout symptôme est un signe, mais tout signe n’est pas un symptôme. (il existe des signes de bonne santé).
Le symbole marque un rapport analogique avec l’élément qu’il signifie (selon Saussure). En ce sens il n’est pas arbitraire : le mot «table» est un signe car il désigne mais ne symbolise pas l’objet-table car ni sa phonétique ni sa graphie n’évoque la table. Le mot «sifflement» est un symbole car sa prononciation évoque le son en question.
Le symptôme homéopathique est un symptôme qui appartient à la matière médicale d’un remède et qui correspond aux critères du § 153 de l’Organon. 3
Le symptôme homéopathique est-il un signe arbitraire ou symbolique par rapport au remède qui peut le déclencher ?
Hahnemann et le signe arbitraire
En 1790 Hahnemann met en évidence le principe des semblables. Il va exprimer l’idée que chaque substance a un effet propre sur une espèce animale donnée. Pour Hahnemann les symptômes déclenchés ignorent un symbolisme qui pourrait relier la forme de la substance et le signifié «symptôme» de la matière médicale : ils sont arbitraires et non symboliques car ils sont indépendants de la morphologie des substances et des plantes étudiées. L’expérience est nécessaire et :
« Il ne nous reste donc plus qu’à expérimenter sur l’organisme humain le médicament dont on veut connaître la puissance médicinale. »
« Cette expérience distingue la similitude homéopathique de l’analogie populaire ».4
Pour Hahnemann, d’après ses exposés doctrinaux, seule l’expérience compte.
Elle nous éloigne de la médecine des philosophes qui utilisent des critères déductifs morphologiques pour définir les propriétés médicinales des plantes et des hypothèses souvent farfelues quant à la pathogénésie et à la thérapeutique. Il n’existe en tout cas pour Hahnemann aucun lien entre la morphologie et l’activité pharmacologique d’une substance.
Drug structure-activity relashionship : why not ?
Pourtant, l’idée de forme n’a pas complètement disparu de la pharmacologie moderne théoriquement dénuée de l’aspect magique de la forme.
Il existe en pharmacologie une curieuse technique appelée drug structure-activity relashionship. !
L’idée est la suivante : il existerait une corrélation entre l’activité biologique et la structure chimique d’une substance. Les chercheurs imaginent une corrélation entre l’activité et la forme des molécules et des récepteurs d’une substance.5 C’est une machine à imaginer la pharmacologie. Mais chaque substance a un effet propre sur une espèce animale donnée, quant à la forme…
Seule l’expérience et seule l’expérimentation qui suivront l’hypothèse permettront d’affirmer la véracité des suppositions.
En réalité l’emploi de cette méthode repose sur deux bases :
- une base selon laquelle il existerait un lien entre la forme et l’activité d’une substance (magique).
- une base qui vérifie chacune des suppositions à travers un tamis d’évaluation pharmacologique pour s’assurer du bien-fondé de l’hypothèse (expérimentation).
Le symbolisme en homéopathie
Le quotidien
En pratique de nombreux homéopathes classiques utilisent dans la description de certaines matières médicales des images issues de la plus stricte analogie, où la forme du référent (de la souche) est mise en parallèle avec les propriétés de la substance.
On peut dire qu’il existe une pratique analogique presque instinctive chez les homéopathes. Cette façon de prescrire, souvent inconsciente, existe dans la pratique quotidienne de nombreux homéopathes. Elle reste toutefois, la plupart du temps refoulée hors du conscient.
Le potentiel
Tous les homéopathes savent qu’il est souvent tentant d’étudier la substance homéopathique et de comparer les symptômes décrits dans les matières médicales.
A titre d’exemple, on connaît le désir d’air de carbo vegetabilis , son besoin de s’éventer, sa congestion veineuse, son anoxie. Tout ceci évoque sa préparation : on étouffe du bois en combustion pour obtenir le charbon de bois.
Les niveaux de correspondance entre la substance et ses vertus thérapeutiques sont nombreux :
- La forme : l’œil et la plante chez euphrasia
- La couleur : le suc jaune de chelidonium et le foie
- le mode de préparation : carbo vegetabilis
- Le nom :
- lycopodium, pied de loup, qui défend son territoire de ses crocs et de ses griffes
- phosphorus, porteur de lumière, phosphorescent avec sa problématique lumineuse
- Un mythe : plumbum, le saturnien et son obsession de la loi et des limites.
Une proximité avec la synchronicité de C.G.Jung
Comme nous l’avons vu, il existe dans le symbole une relation analogique entre le signifiant, le signifié et l’objet qui s’y rapporte (référent).
Nous sommes proches du phénomène de synchronicité décrit par C.G. Jung. Pour lui ce phénomène de synchronicité se compose de deux éléments. Il existe un lien de sens acausal entre la matière (référent) et le signe qui lui correspond, c’est-à-dire entre deux mondes complètement étrangers, celui de la matière et celui de la forme et du signifié.
Une image inconsciente vient à la conscience de manière directe (littérale) ou indirecte (symbolique) par la voie du rêve, de l’inspiration soudaine, du pressentiment, du symptôme et un fait objectif vient coïncider avec ce contenu psychique.6
Il existerait dans ce cas une relation entre le sens et la forme. L’archétype est une synchronicité de ce type.
Le lien symbolique entre une substance et ses propriétés est une synchronicité entre la matière et l’esprit du remède. Nous sommes en présence d’un archétype. La problématique lumineuse de phosphorus est de nature archétypale.
Ces liens analogiques définissent les archétypes de la matière médicale homéopathique.
Une synthèse de deux mondes
Il est hors de question en homéopathie de revenir au système de la médecine des signatures !
Cependant il semble raisonnable de laisser parler le langage de la nature, d’écouter ses indices, ses formes et ses couleurs et de tout vérifier au travers du filtre de la pathogénésie et de la confirmation par la guérison clinique.
Je propose de faire une synthèse entre les deux mondes, entre l’induction et la déduction 7 :
Propositions
- Si un symptôme n’a pas à priori de relation de sens avec la substance d’un remède, nous rentrons dans le cadre classique de l’homéopathie ; ce symptôme doit être examiné avec le soin qui convient habituellement.
- S’il existe un lien de sens entre un remède et un organe, un symptôme ou une maladie, cela n’implique pas que le lien est pertinent sur le plan thérapeutique. Ainsi le haricot ressemble au rein, ce qui n’implique aucunement qu’il est utile aux malades qui en souffrent !
- S’il existe un lien de sens entre la substance d’un remède et un symptôme de pathogénésie, il convient d’étudier ce symptôme avec le plus grand soin. La nature souligne le symptôme à l’encre rouge.
Exemples :
Phosphorus et la lumière.
Sepia et la couleur noire.
Les remèdes étudiés sur ce site. - S’il existe un lien de sens entre la substance d’un remède et un symptôme de pathogénésie, et si ce symptôme est confirmé par des cas cliniques guéris, il s’agit d’une synchronicité certaine entre la substance et sa projection dans le monde thérapeutique. Ce symptôme est un symptôme archétypal du remède.
L’homéopathie devient SIMILITUDE au sens profond du terme.
Conclusion
Une approche de l’homéopathie doit absolument garder en tête le fondement même de la médecine hahnemannienne : la pathogénésie. De toute façon les interprétations sont toujours partielles et discutables vis-à-vis des symptômes homéopathiques rares et particuliers qui sont le fil conducteur privilégié, voire unique, du thérapeute.
Important : il est possible que l’un des remèdes décrits sur ce site vous convienne, mais on ne peut l’affirmer sans un interrogatoire et un examen sérieux effectués par un médecin homéopathe. Le site est fait pour faire connaître l’homéopathie, en aucun cas il ne peut se substituer à un thérapeute. Le docteur Bernard Long n’assure plus de consultations.
Adresser un message à Bernard Long (Il ne doit pas concerner une consultation à caractère médical).
Ouvrages
Symboles et archétypes en homéopathie, reprend un certain nombre d’articles publiés sur ce site et les complète.
Le Répertoire homéopathique des maladies aiguës complète utilement cet ouvrage.
Articles de Bernard Long
Notes liées à l’article ci-dessus :
- Heal R. – Samuel Hahnemann, his life & work – 2 vol., New Dehli: Jain Publishers; reprint 1985.volume 1, p. 274. ↩
- Laplantine F. – La médecine populaire des campagnes françaises aujourd’hui – Paris : J.P. Delarge ; 1978. pp.138-139. ↩
- Hahnemann S.– Organon de l’art de guérir, sixième édition – trad. de R-C Roy. éd. Boiron ; 1984. §153. Quand on recherche un remède spécifique,… il ne faut saisir que les signes et symptômes les plus frappants, les plus singuliers, les plus spécifiques et particuliers (caractéristiques) du cas morbide. Car c’est à eux surtout que doivent correspondre ceux du médicament recherché pour que celui-ci soit le remède le plus propre à la guérison. Les symptômes généraux et indéterminés : manque d’appétit, mal de tête, lassitude, sommeil agité, malaises, etc. ne méritent que peu d’attention quand ils restent si confus et si vagues, parce qu’il existe des signes généraux dans presque toutes les maladies et dans presque tous les médicaments. ↩
- L’analogie se définit par une relation de ressemblance entre deux éléments, la similitude par une relation d’identité (les semblables). cf Long B.– Répertoire homéopathique des maladies aiguës – Paris : Similia ; 2000. p. 35. ↩
- sur le principe de structure-activity relationships on peut consulter la revue : Progress In Clinical & Biological Research, 291, 1989. ↩
- Jung C.G. – Synchronicité et Paracelsica – Paris : Albin Michel ; 1988. p 49. ↩
- Long B. – Signes et symboles – Cahiers du Groupement hahnemannien –1996, n°4 : 121-133 et in : Congrès national d’homéopathie de Toulouse – Le cœur et la raison – 28, 29 avril 1995 – voir aussi le présent site ↩