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Ariane Callot

Ariaga
Ariane Callot est docteur en philosophie. Elle a soutenu en 2000 une thèse orientée sur Jung.

Sous le pseudo d’Ariaga elle est l’auteur du blog Extraits du Laboratoire d’Ariaga.

Sur le présent site elle publie des textes repris de sa thèse, des écrits sur Jung et des poésies.

La symbolique alchimique, le Soi et le processus d’individuation

Conclusions sur l’importance et l’utilisation pratique de l’alchimie par C.G. Jung pour l’interprétation des rêves.

Le monde des origines

Comme nous l’avons vu dans le texte précédent, Gérard Dorn a eu une grande influence sur Jung quand ce dernier a cherché dans l’alchimie un support à ses propres recherches.

L’un et le simple, ou unus mundus, représentent pour Dorn le monde potentiel des origines, avant le deux et la pluralité. Il spécule sur l’idée d’une parfaite réalisation de l’unio mentalis, ce que Jung traduit par l’union intérieure, en ouvrant  des perspectives sur une possibilité de produire l’unité avec le monde.  Il ne s’agit pas de notre monde empirique multiple mais d’un monde potentiel qui, écrit Jung dans le tome II du Mysterium conjonctionis (p.338) :

« Correspond au fondement éternel de toute existence empirique, tout comme le Soi est le fondement et la source originelle de la personnalité et comprend cette dernière dans le passé, le présent et l’avenir. Se fondant sur le Soi reconnu alchimiquement, Dorn “attendait et espérait” l’union avec l’unus mundus. »

Le monde potentiel de Dorn serait, pense Jung, l’expression d’une pensée universelle qui, « par une représentation visible du Soi », ouvrirait « une fenêtre sur l’éternité ». Cette vision se traduit en Orient par l’identité de l’Atman personnel avec l’Atman  universel ou du Tao individuel avec le Tao universel.

Pour le psychologue ajoute Jung :

« C’est le Soi ; d’une part l’homme tel qu’il est, et aussi d’autre part, la totalité indescriptible et supra-empirique de ce même homme. »(MC,p.341)

Jung veut montrer l’enracinement du Soi dans la symbolique alchimique

 Nos observations nous conduisent à penser que le concept du Soi est celui pour lequel Jung a le plus recherché d’analogies et qu’il  désirait vivement en montrer l’enracinement dans la symbolique alchimique. Son projet était d’établir un lien avec le  mandala et de justifier ainsi, à posteriori, son étude sur la série de rêves de Psychologie et alchimie. Nous en avons pour preuve le fait qu’il consacre au Soi, et à ses concordances avec l’alchimie, le dernier chapitre de Mystérium conjunctionis.

Si on les considère dans la perspective de la psychologie des profondeurs, les dires des alchimistes au sujet de la Pierre sont finalement des descriptions du Soi. L’alchimie présente, en effet, les mêmes aspects et le même symbolisme.

Il y a cependant une différence entre la psychologie et l’alchimie. Elle réside dans le fait que ce qui est perçu comme symbole psychique en psychologie apparaît « comme projeté dans la matière » au cours du travail des alchimistes.. Nos observations sur l’élaboration des mandalas d’aboutissement des Rêveurs confirment les concordances : le processus de centrage, les symboles présents dans les rêves tels que le soleil, l’étoile, la pierre précieuse, le trésor, la cuisson et bien d’autres encore existent déjà dans les textes des alchimistes décrivant l’opus. Comme l’exprime Jung :

« L’arcanum  chymicum s’est donc transformé en expérience psychologique sans perdre de son caractère numineux originel. »(MC,p.349)

L’importance du féminin pour la philosophie hermétique

L’apport que Jung trouva, au cours de ses recherches sur l’alchimie, fut certainement essentiel pour conforter son idée du Soi comme réunion des contraires et manifestation d’un Soi originel.

Il faut y ajouter que, en philosophie hermétique, le principe féminin, l’autre obscur, mal aimé par le christianisme, joue symboliquement un grand rôle. Citons, entre autres, l’alambic, considéré comme une matrice où s’effectue la transformation.  Ajoutons  le fait que les deux principes masculin et féminin peuvent s’unir au plus haut niveau au cours des nuptiae chymicae, des noces alchimiques du roi et de la reine, très présentes dans l’iconographie.

Ces divers éléments ont servi de matériaux à Jung, qui s’appuie fréquemment sur la symbolique et les illustrations alchimiques, pour argumenter au sujet de la nécessité de redonner son importance au féminin et de combattre l’unilatéralité d’une pensée occidentale fondée sur le logos et oubliant l’éros.

Les explications de Jung sur l’apport de l’alchimie à son oeuvre

C’est Jung lui-même qui expose, de la manière la plus pertinente, les apports de l’alchimie à la partie théorique de son oeuvre. Il en donne une sorte de quintessence au cours des trois pages de l’Épilogue  de Mysterium conjunctionis. (p. 359 à 361)

On pourrait, explique-t-il, mettre l’alchimie et l’observance religieuse en parallèle.  Il met cependant en évidence, malgré la similitude de  leurs principes fondamentaux, une différence importante. Dans l’alchimie il s’agit, écrit-il, d’une :

« entreprise individuelle dans laquelle l’homme pris à part jette son être tout entier dans la balance pour atteindre ce but transcendantal : la production d’une unité. »

L’Oeuvre alchimique cherche à réconcilier des éléments contraires, dont l’incompatibilité est perçue sur un plan à la fois psychique et physique. Elle s’étend à la Nature tout entière , jusqu’à  une substance vile et méprisable qui  peut se métamorphoser en pierre philosophique. Les philosophes-alchimistes du Moyen Âge écrivaient :  in stercore invenitur (on la trouve dans le fumier)  et ils opéraient des distillations de substances assez répugnantes …

Émergence de la symbolique alchimique dans les rêves et les phantasmes

L’expérience clinique a montré que, dans les rêves et les phantasmes, on retrouve les paradoxes et les symboles obscènes qui avaient, à la fois, illuminé et égaré l’esprit de l’alchimie. Cela conduit à une interrogation sur cette résurgence et ses prolongements.

Faut-il rejeter les productions oniriques dans les mêmes oubliettes que les absurdités des alchimistes, ou bien entreprendre des recherches en suivant l’exemple de leur patient travail, avec l’espoir de trouver au sein de ce matériau un fil conducteur vers une meilleure appréhension de la totalité ?

La réponse de Jung est qu’il faut en finir avec la double sous-estimation s’attachant à l’alchimie et à l’âme. Il écrit, à ce sujet, ces lignes essentielles non seulement pour la compréhension de ses travaux sur l’alchimie mais aussi de sa problématique et de sa pratique en général :

« Nous sommes aujourd’hui en mesure de voir à quel point l’alchimie a préparé les voies à la psychologie de l’inconscient et  cela de deux manières : tout d’abord en léguant sans le vouloir, dans l’amoncellement de ses symboles, un matériel de représentations symboliques d’une extraordinaire valeur pour les méthodes d’interprétation moderne, et ensuite en indiquant, par ses essais délibérés de synthèse, des processus symboliques que nous découvrons dans les rêves de nos patients. » (MC,p.360)

Alchimie et processus d’individuation

La démarche alchimique, pense Jung, représente, symboliquement, celle d’un individu isolé dans son cheminement vers l’individuation.

Il y a cependant une différence notable : quelle que soit la richesse des représentations d’un rêveur, elles sont limitées. Les observations individuelles ne permettent généralement que de considérer une phase ou un aspect du processus. Ceci a été pour lui un obstacle majeur et explique qu’il ait attendu tant d’années avant de tenter de théoriser ses découvertes empiriques.

On peut dire que l’élément moteur de l’intégration de Jung à l’aurea catena, fut sa patiente recherche d’une possibilité de généralisation des représentations du processus d’individuation,  c’est-à-dire du cheminement vers la totalité psychique. Ceci est clairement exprimé au cours des toutes dernières lignes de Mystérium conjunctionis :

« Il n’existe pas, dans la sphère de mon expérience, de cas offrant un caractère assez général pour manifester toutes les variations et avoir, par suite, valeur de paradigme. … C’est pourquoi l’alchimie m’a rendu le service inappréciable de m’offrir ses matériaux dont le volume propose à mon expérience un champ d’action suffisant, et cela m’a procuré la possibilité de décrire le processus d’individuation sous ses principaux aspects. »

Conclusions sur l’utilisation pratique de l’alchimie par Jung

Nietzsche avait été un support pour la pensée philosophique et la vision de l’existence de Jung.

L’alchimie eut certainement une importance sur le plan conceptuel mais son arrivée tardive dans l’univers de Jung, à une époque de maturité, fit qu’ elle servit surtout à conforter la justesse de certaines propositions telles que l’idée du Soi ou du processus d’individuation.

Elle permit aussi, et cela est très important, d’appuyer ses premières intuitions au sujet de la possibilité d’absence d’une frontière étanche entre la matière et la psyché.

Il nous apparaît, cependant, qu’il utilisa surtout la symbolique  alchimique dans la pratique. Elle servit essentiellement de support à ses interprétations de rêves et de séries de rêves. Il l’a abondamment utilisée même si ce fut parfois d’une manière assez hermétique pour ceux qui ne sont pas imprégnés des textes des alchimistes. Il respecta ainsi la tradition du secret !

Il donne, au sujet de la série du Rêveur, nombre d’interprétations à la lumière de la symbolique alchimiste.

Les interprétations de rêves de Jung accréditent le fait troublant que la symbolique alchimique est toujours vivante dans les rêves d’un homme qui n’en avait aucune connaissance consciente. Ces interprétations sont parfois le résultat d’amplifications que seule une culture symbolique aussi vaste que la sienne pouvaient mettre en lumière. Cela induit un questionnement car on peut se demander qui, à part Jung, aurait pu donner une telle interprétation « historique » de la série de rêves qu’il présente dans Psychologie et alchimie.

C’est pour cette raison que la série plus contemporaine de la Rêveuse, que nous interprétons à la lumière de l’alchimie, présente un intérêt. En effet on y observe, sans recourir à des amplifications excessives, armé seulement du bagage de celui qui possède quelques connaissances de la symbolique et de l’iconographie alchimique, des résurgences très significatives.

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Publié initialement dans le cadre d’une thèse cette page a été adaptée par Ariaga (Ariane Callot), son auteure.
Les ouvrages cités sont référencés à la page bibliographie.


Ariaga
Ariane Callot

Ariane Callot est docteur en philosophie. Elle a soutenu en 2000 une thèse orientée sur Jung. Sous le pseudo d’Ariaga elle est l’auteur du blog Extraits du Laboratoire d’Ariaga.

Ariane Callot

Cheminant dans les pas de Jung, j’ai tenté de donner à penser que l’on peut, par l’intermédiaire des série de rêves, observer les re-présentations structurelles et symboliques d’un enseignement de l’inconscient …
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