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Ariane Callot

Ariaga
Ariane Callot est docteur en philosophie. Elle a soutenu en 2000 une thèse orientée sur Jung.

Sous le pseudo d’Ariaga elle est l’auteur du blog Extraits du Laboratoire d’Ariaga.

Sur le présent site elle publie des textes repris de sa thèse, des écrits sur Jung et des poésies.

Un songe d’enfance de Jung

Un rêve de C.G. Jung enfant qui le marque pour toute sa vie et explique son attitude ambiguë envers Dieu.

Le rêve du Phallus

Le rêve de sa petite enfance qui resta gravé dans la mémoire de Jung était déjà ce qu’il appelle un grand rêve.

Il est difficile de dissocier ce que ressentit, à l’époque, l’enfant Jung et la symbolique qu’y ajouta le Jung adulte pendant les années d’introspection jusqu’au moment des commentaires de Ma vie.

Ce qui compte c’est, en quelque sorte, l’expérience fondatrice véhiculée par ce rêve.

Marie-Louise von Franz, dans son livre C.G.Jung, son Mythe en notre temps écrit (p.31) qu’il

laisse apparaître en son centre un élément mystérieux qui était destiné à devenir l’arrière plan, lourd du destin de sa vie et de son œuvre.”

Au cours d’un séminaire sur les rêves d’enfants, Jung fait d’ailleurs remarquer que le premier rêve dont on se souvient contient, souvent, d’une manière symbolique, l’essence d’une vie.

Ce rêve, qui fascinait encore Jung à plus de quatre-vingt ans, est ainsi raconté dans Ma vie (p.30) :

“Le presbytère est situé isolé près du château de Laufen et derrière la ferme du sacristain s’étend une grande prairie. Dans mon rêve, j’étais dans cette prairie. J’y découvris tout à coup un trou sombre, carré, maçonné dans la terre. Je ne l’avais jamais vu auparavant. Curieux, je m’en approchai et regardai au fond. Je vis un escalier de pierre qui s’enfonçait ; hésitant et craintif, je descendis. En bas, une porte en plein cintre était fermée d’un rideau vert. Le rideau était grand et lourd, fait d’un tissu ouvragé ou de brocart  ; je remarquai qu’il avait une très riche apparence.

Curieux de savoir ce qui pouvait bien être caché derrière, je l’écartai et vis un espace carré d’environ dix mètres de longueur que baignait une lumière crépusculaire. Le plafond voûté était en pierre et le sol recouvert de dalles. Au milieu, de l’entrée jusqu’à une estrade basse, s’étendait un tapis rouge. Le siège, véritable trône royal, était splendide, comme dans les contes ! Dessus, un objet se dressait, forme gigantesque qui atteignait presque le plafond. D’abord, je pensai à un grand tronc d’arbre. Haut de quatre à cinq mètres, son diamètre était de cinquante à soixante centimètres. Cet objet était étrangement constitué : fait de peau et de chair vivante, il portait à sa partie supérieure une sorte de tête de forme conique, sans visage, sans chevelure. Sur le sommet, un œil unique, immobile, regardait vers le haut.

La pièce était relativement claire, bien qu’il n’y eût ni fenêtre, ni lumière. L’objet ne remuait pas et pourtant j’avais l’impression qu’à chaque instant il pouvait, tel un ver, descendre de son trône et ramper vers moi. J’étais comme paralysé par l’angoisse. A cet instant insupportable, j’entendis soudain la voix de ma mère venant de l’extérieur et d’en haut qui criait :  » Oui, regarde le bien, c’est l’ogre, le mangeur d’hommes !  » J’en ressentis une peur infernale et m’éveillai suant d’angoisse. A partir de ce moment j’eus, durant plusieurs soirs, peur de m’endormir : je redoutais d’avoir encore un rêve semblable. ”

Interprétation du rêve par Jung

Ce rêve, le seul de sa petite enfance que Jung raconte intégralement, est interprété d’une manière détaillée dans Ma vie.

Nous nous contenterons, ici, d’observer les premières émergences de symboles qui eurent une influence sur sa vie et sa pensée.

Il faut préciser au sujet de ce rêve et d’autres racontés par Jung que nous avons fait le choix de nous en tenir à ce que Jung propose comme interprétation de ses rêves dans ses divers écrits. Dit-il la vérité ? Peu importe , c’est le rêve qui est important. On a beaucoup écrit sur les rêves de Jung mais mon cheminement personnel me conduit vers la symbolique alchimique et je me contente ici de raconter…

Pour ceux qui désirent avoir une théorie récente et originale au sujet de ce rêve d’enfance, et de bien d’autres sujets concernant « l’équation psychologique personnelle » de Jung, Pierre Trigano à récemment publié le premier tome d’un ouvrage qui s’intitule Psychanalyser Jung (Réel Éditions).

Si, comme l’écrivit Jung la vie est une plante qui puise sa vitalité dans son rhizome, les racines sont profondes et les jeunes pousses vigoureuses. Les rêves précoces faits par de petits enfants sont souvent fondateurs. Il sont  issus des profondeurs de la personnalité et proposent, selon Jung, une sorte de schéma du destin psychique de l’enfant.

Un certain nombre d’archétypes, tels que celui de l’étranger, du sexe, de la mère terrible sont activés. L’inconscient est au travail, et la capacité d’utilisation du matériel symbolique est déjà en place.

Les premières impressions ne sont pas restées au niveau des émotions enfantines. La  réflexion de Jung se situe sur un autre plan et se focalisent sur des thèmes essentiels à ses yeux.

Les années suivantes, jusqu’à son entrée au collège, furent, comme il l’écrit, une sorte de mise en terre initiatique, pendant laquelle ces idées se développèrent :

“Ce rêve d’enfant m’initia aux mystères de la terre. Il y eut une sorte de mise en terre et des années s’écoulèrent avant que j’en revienne. Aujourd’hui je sais que cela se produisit pour apporter la plus grande lumière possible dans l’obscurité.” (Ma vie,p.34)

Le mystère qui fait frissonner

Tout commence avec la rencontre de ce que Rudolf Otto  dans son livre Le Sacré appelle le mysterium tremendum, le mystère qui fait frissonner la créature

« qui demeure interdite en présence de ce qui est, dans un mystère ineffable, au dessus de toute créature ». (p.29)

Cette terreur ne peut se confondre avec aucune autre forme de terreur. Il s’agit du deinos grec, de la colère du Yahvé de l’ancien testament, de cette espèce de fascination-répulsion à l’origine de l’effroi mystique.

C’est cet effroi mystique, sentiment qu’il ressentira encore plusieurs fois dans sa vie, mais dont il ignore les implications futures, qui saisit l’enfant Jung devant l’ énorme.

Avec cette représentation phallique, L’enfant Jung vient de rencontrer un dieu chtonien ancien, un dieu de la Nature, très éloigné des préoccupations métaphysiques affichées par son père et ses oncles pasteurs.

On peut trouver dans ce rêve une première explication, inconsciente, de l’ambiguïté future de son attitude envers Dieu.

Dans le contexte culturel de l’enfant, sur le trône d’or du rêve il y aurait du y avoir le bon Dieu, où le Seigneur Jésus Christ, sans cesse loué comme un dieu d’amour et de bonté. Mais il avait des doutes à ce sujet à la suite d’un traumatisme du à sa peur des Jésuites et d’un rapprochement entre les mots Jésus et Jésuites.

L’enfant associait aussi le seigneur Jésus à ceux dont on disait que le seigneur les avait rappelés à eux, c’est à dire à ceux que l’on enterrait dans un trou noir.

A la suite de ce songe, chaque fois qu’il entendait ces laudatives paroles prononcées avec emphase, revenait à sa mémoire l’Autre, celui que sa mère, dans le rêve, avait appelé l’ogre, prêt à descendre de son trône pour le dévorer. Ce dieu souterrain lui semblait être la contrepartie, l’opposé nécessaire et accablant, du Bon Seigneur Jésus.

Le problème des multiples visages de Dieu, problème rattaché à la question de la totalité divine, ne sera abordé, après bien des réticences, que dans Réponse à Job, soixante dix ans plus tard.

Au moment où Jung, âgé de plus de quatre vingt ans, commente ce rêve, il fait le lien entre sa descente dans les profondeurs et le fait que c’est de cette obscurité que devait, pour lui, jaillir la lumière. Il lui confère la qualité d’une initiation, et considère que sa vie spirituelle a commencé dès cette époque.

L’idée d’une présence étrangère au conscient, issue des mystérieuses profondeurs de l’inconscient, est, elle aussi, latente dans la question Qui donc parlait en moi ? qui s’insinue très tôt dans les pensées de l’enfant. Qui, pendant le rêve, empruntait la voix de sa mère absente ? D’où venait cette impression de dédoublement, de dialogue intérieur avec une autre personne ?

Avec les éléments dont nous disposons sur la relation privilégiée que Jung entretenait avec la Nature, nous pouvons, sans hésiter, dire que Jung avait entendu la Grande Voix de la Mère  Nature, celle-là même que suivaient et respectaient les alchimistes.

Tout était en germe dans le rêve initial

On peut observer, durant ce rêve initial, la présence d’éléments structurels et symboliques, première émergence de thèmes qui l’accompagnèrent tout au long de sa vie, ou de figures que nous avons déjà rencontrées dans les séries de rêves.

Le meilleur exemple est fourni par cette descente vers les profondeurs de la terre, anticipant la future descente de Jung, au moment de sa confrontation avec l’inconscient. On observe une semblable hésitation à entamer l’exploration, la même intense curiosité,  et le même désir de savoir qui surmonte toutes les paniques. Le germe de la psychologie des profondeurs était enfoui dans le sol de ce rêve de la petite enfance.

Sur le plan de l’édification d’une structure, la quaternité terrestre, représentée par l’espace carré, maçonné dans la terre, l’organisation autour d’un centre, où trône le royal phallus, sont une préfiguration, à la fois structurelle et symbolique, des manifestations archétypiques que l’on rencontre dans les mandalas.

On sait l’importance qu’auront, pour Jung, le passage du ternaire au quaternaire, et l’évolution du processus de centrage.

Plus symboliquement, la forme carrée est, aussi, significative du fait que ces préoccupations de Jung devaient se situer au niveau d’une totalité humaine, vue comme une réalisation ici et maintenant.

Ceci se concrétisera après sa maladie de 1944, dont la conséquence sera  un oui inconditionnel à tout ce qui est.

Le trône royal en or de ce rêve initial, est en relation directe avec celui sur lequel est assis Dieu pendant le second rêve d’enfance, ce qui accrédite l’idée que c’est une divinité ithyphallique qui réside sur ce trône.

Il ne faut pas oublier que l’enfant, incapable de déterminer l’objet gigantesque qui atteignait presque le plafond, l’avait tout d’abord pris pour un grand tronc d’arbre. Or, l’arbre phallique est directement relié au symbole immémorial de l’axis mundi.

Dans l’antiquité, on trouve des représentations de l’axe de l’univers, comme arbre de vie phallique aux racines plongeant dans le monde souterrain et dont le feuillage montait jusqu’aux cieux.

On observe, de même, cette présence de la notion d’axe du monde au centre de la vie du chamane. L’arbre est une communication entre le ciel et la terre, un lieu entre le monde d’en bas et le monde d’en haut. Le chamane escalade l’arbre en une ascension qui le mène, symboliquement, aussi haut dans les ciels successifs que le lui permet sa puissance.

L’universalité  de ce thème à la fois fois archétypique et symbolique indique qu’il fait partie d’un patrimoine commun de l’humanité.  Le fait qu’il soit présent au cœur de ce rêve enfantin, montre bien le côté fondateur de ce songe.

Jung, par ses écrits de la maturité, tentera, comme le chamane, de réunir le monde de la matière et de la psyché.

On pourrait encore relever, parmi les éléments de ce récit onirique, plusieurs symboles en relation avec le contexte des préoccupations futures de Jung. Mais nous nous sommes, avant tout,  attachés à rechercher, parmi ces rêves d’enfance, les racines de sa pensée paradoxale vis-à-vis de la divinité. C’est ce que nous verrons dans son second grand rêve d’enfance.

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Ariane Callot

Ariane Callot est docteur en philosophie. Elle a soutenu en 2000 une thèse orientée sur Jung. Sous le pseudo d’Ariaga elle est l’auteur du blog Extraits du Laboratoire d’Ariaga.

Ariane Callot

Cheminant dans les pas de Jung, j’ai tenté de donner à penser que l’on peut, par l’intermédiaire des série de rêves, observer les re-présentations structurelles et symboliques d’un enseignement de l’inconscient …
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