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Bernard Long

Bernard Long, médecin homéopathe, publie plusieurs textes sur l’homéopathie et les symboles.

 

Ses recherches s’appuient également sur les travaux de C.G. Jung.

Le cinabre : alchimie et homéopathie

Le docteur Bernard Long explore comment le type Cinnabaris est le point de convergence d’un univers inconscient, menaçant et conflictuel. À travers l’araignée et d’autres symboles, il révèle la profondeur d’un monde chtonien, où la puissance des forces souterraines se mêle à la lutte intérieure pour émerger à la lumière.

Illustration DALL-E

Sur cette page

La substance cinabre

Le cinabre est un minéral composé de sulfure de mercure (HgS).

Le mot cinabre s’applique aujourd’hui à une variété de sulfure de mercure appelée autrefois anthrax. Chez les Grecs et chez les alchimistes, il a eu un sens plus complexe. Il a exprimé également :

  • l’oxyde de mercure
  • le minium
  • le réalgar (sulfure d’arsenic)
  • tous les sulfures, oxydes, oxysulfures métalliques rouges
  • le sang dragon, matière végétale qui est le suc du dracœna draco

Propriétés et description du cinabre

D’après Lemery (Cours de Chymie – 1756 – p. 181) « le cinabre est un mélange de soufre et de vif-argent sublimés. Faites fondre deux parties de soufre ; mêlez-y peu à peu trois parties de mercure… pulvérisez alors votre mélange, et le mettez sublimer… vous aurez une masse dure, pesante, crystalline, cassante et d’une couleur très rouge. Il est propre pour l’asthme, l’épilepsie, pour la vérole, pour exciter la transpiration des humeurs ».

Il fut aussi décrit par Théophraste dans son ouvrage Sur les pierres (Περὶ λίθων, Peri lithon). En grec ancien il fut nommé κιννάβαρι (kinnabari), terme utilisé par Théophraste, μινιον (minion) par Dioscoride et κιννάβαρι (kinnabari) de nouveau par Galien et les alchimistes grecs. A noter que du temps de Dioscoride et de Pline, cinnabaris, dérivé de κιννάβαρι, désignait une substance qui n’était pas le cinabre, mais une résine d’arbre de couleur rouge.

Le cinabre HgS présente un polymorphisme, il peut se présenter sous forme de substance rouge ou noire : α-HgS, cinabre/vermillon et β-HgS, métacinabre (noir).

Les propriétés chimiques du sulfure noir et du sulfure rouge de mercure sont sensiblement les mêmes, cependant, le sulfure noir réagit plus que le rouge.

Le signe du cinabre est un cercle avec un point central, signe qui fut employé aussi plus tard pour l’œuf philosophique, pour le soleil, ainsi que pour l’or (Berthelot M. – Introduction à l’étude de la chimie des anciens et du moyen-âge – Paris : G. Steinheil ; 1889. p.244).

On voit donc que le cinabre a toujours été un élément important du matériau des alchimistes.

La Matière de l’Œuvre

Les deux principes masculin et féminin

L’alchimie est basée sur un dualisme sexuel, le monde étant sous-tendu par une opposition entre deux principes opposés mais complémentaires : le principe masculin et le principe féminin. Toute la création est perçue de cette manière, que ce soit le règne animal, végétal ou minéral.

Le principe masculin est représenté par le soufre, le féminin par le mercure (il s’agit de principes et non de la substance chimique elle-même). Tout le but de l’alchimie est de faire concilier les deux principes afin d’obtenir, après une série d’opérations diverses et complexes, une pierre dite philosophale non duelle : le rebis. Ce faisant, l’adepte va vivre une expérience intérieure et sera lui-même transformé, individué.

Une vision de l’univers

Il ne s‘agit pas ici de juger si l’alchimie opérative est possible ou si elle est essentiellement du domaine psychique, mais il faut reconnaître que, pendant des siècles, cette vision de l’univers fut une projection quasi universelle de l’inconscient humain.

Vraisemblablement, si cette manière de concevoir l’univers ne correspond pas aux données scientifiques actuelles, elle fait partie de notre imaginaire depuis l’enfance, même si les notions mécanistes sont présentes à notre éducation, à la vue et aux paradigmes de la science dite contemporaine (qui évolue énormément depuis un siècle).

La materia prima

Pour débuter l’œuvre alchimique, les adeptes ont eu le souci de trouver la substance de départ, celle sur laquelle le travail devait s’effectuer. Ils ont appelé cette substance la materia prima, grosse de chacun des deux principes, le soufre et le mercure. Le nom de cette materia prima est tenu secret par les philosophes.

Bien entendu de nombreux auteurs ont cherché la nature de cette substance et le choix est souvent tombé sur le cinabre qui est un sulfure de mercure. Cette identité est contestée par les adeptes et ce n’est pas ici le lieu pour en discuter ou pour imaginer s’il s’agirait d’un autre élément, d’un cinabre au sens générique du terme ou d’autre chose encore.

La matière médicale

Oublions l’alchimie opérative pour nous intéresser au remède cinnabaris et aux sujets qui sont concernés par ce remède.

Il faut constater plusieurs symptômes marquants de cinnabaris :

  • le fait qu’il soit un remède de l’antrum, du sinus
  • que le sujet peut faire un rêve très curieux, celui d’une araignée aussi grosse qu’un bœuf
  • qu’il concerne la peau et les organes génitaux

Cette série de symptômes évoque la participation d’un univers inconscient et chtonien qu’il s’agit d’explorer.

La symbolique de cinnabaris

En fait le cinabre est l’association grossière du mercure et du soufre, lieu de conflit entre le mercure mobile et un soufre fixe qui colore la substance en rouge. Il est une ébauche de la pierre philosophale à venir. Il évoque des remèdes où la même problématique est présente, les cinabres en général.

Le dragon rouge est un archétype de la puissance souterraine, de la grotte (antrum). L’araignée énorme est la projection rêvée de cette problématique.

Il y a beaucoup d’énergie dans ce remède, une volonté de sortir d’une situation où tous les éléments sont présents, mais encore à l’état brut et soumis à la volonté d’un dragon enfoui tout puissant.

C.G. Jung parle de la materia prima comme d’un chaos originel, une mer (l’inconscient) qui est la mère de la pierre (Mysterium conjonctionis tome 1, p. 46). Le centre (représentant en l’occurrence le soi, est souvent représenté comme une araignée sur sa toile, en particulier lorsque la conscience est encore dominée par la peur des profondeurs (Psychologie et alchimie p. 285). Son caractère tourné vers l’ombre induirait peut-être chez le cinabre une attirance pour la magie !

En tout cas cinnabaris est le lieu de rencontre d’un univers inconscient, menaçant et conflictuel, entre un monde mercurien et la présence d’un soufre sec. De ce fait le sujet cinnabaris peut être angoissé, colérique, irritable, taciturne, indolent, parfois traversé par une brusque gaieté. Il ne sait pas toujours comment avancer dans la vie, ni sur quel pied danser, ayant parfois l’impression d’avoir des jambes trop longues ou, au contraire, trop courtes.

L’inconscient et l’araignée

Le rêve de l’araignée évoque un animal énorme, terré qui observe et qui n’inspire pas véritablement confiance. Cette présence pesante fait penser à une materia prima chaotique, témoin du conflit inconscient entre les deux protagonistes en présence : le fixe actif et le passif lunatique.

L’araignée et la grotte ne sont pas toujours synonymes de menace. Ainsi on peut citer l’histoire de Saint Julien l’Hospitalier qui, alors qu’il était poursuivi, fut sauvé par une araignée qui tissa une toile pour dissimuler l’entrée d’une grotte.

De même Mahomet aurait pu échapper à des ennemis grâce à une araignée qui aurait tissé une toile à l’entrée d’une grotte où il s’était réfugié. Des épisodes semblables apparaissent dans de nombreuses légendes.

Il semble en tout cas que l’araignée soit principalement liée au féminin, et ceci de façon ambiguë. Elle peut en effet prendre un caractère positif comme un aspect négatif.

L’araignée qui tisse sa toile peut symboliser la création d’un monde. Son travail est méticuleux, constant, sans cesse remis en question. En tissant sa propre toile, l’araignée va tisser son rêve, créer sa propre destinée et trouver les ressources nécessaires pour y parvenir.

L’araignée tisse sa toile tous les jours, mais la répare également et retisse ce qui est abîmé. Elle sait qu’elle ne doit pas se laisser abattre par sa charge de travail et qu’elle devra veiller à garder l’élan qui lui permettra de continuer son chemin. Ce qui signifie qu’elle devra, sans cesse, revenir sur son rêve personnel et le reconstruire afin qu’il soit parfait. Pour cela, elle aura besoin de persévérance, de patience, de courage, d’endurance, d’audace, d’adaptation et de méthode.

Se référant à Karl Abraham, Freud perçoit l’araignée de façon assez négative. Elle peut être la mère phallique redoutable (Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, 1984, p. 36).

Quant à Jung, il considère l’araignée sur sa toile comme la représentation possible d’une conscience qui est encore dominée par la peur des processus inconscients. (Psychologie et alchimie p. 285).

La grotte et la sinusite

Le rêve de cinnabaris peut mêler l’image de l’araignée à celle de la grotte.

Il est très intéressant de mettre en parallèle cette évocation avec le symptôme marquant du remède que représente la sinusite.

La sinusite est une inflammation, voire une infection de l’antrum. Or, étymologiquement un antre vient du latin antrum qui signifie évidemment fosses nasales, mais aussi grotte, caverne, ou creux dans un arbre. L’idée de creux, de grotte apparaît donc dans la pathologie liée à cinnabaris.

Là encore nous sommes en présence de l’idée de centre, d’une image d’unité primordiale (René Guénon, Symboles de la science sacrée, 1962, p. 66).

Le rêve de Jung

On pense au rêve que Jung fit alors qu’il était encore jeune : il se trouvait dans « sa maison », à l’étage supérieur. Il descendit au rez-de-chaussée qui semblait dater du XVe ou XVIe siècle. Puis il prit l’escalier de la cave, voutée, d’époque romaine. Plus profondément, il parvint dans une grotte profonde dont le sol était couvert d’ossements, avec deux crânes. Jung voit dans ce rêve une allégorie de l’inconscient, avec dans la grotte, le monde de l’homme primitif (Ma vie p. 186-187).

On perçoit la présence d’un monde très ancien, l’image du monde inconscient inscrite dans la grotte, qu’elle fût celle de Jung ou celle de l’antre du cinabre.

Chez cinnabaris la sinusite est caractérisée par une pression à la racine du nez, comme par des lunettes ; du mucus postérieur descend dans la gorge ; on trouve des douleurs osseuses de part et d’autre du nez, dans les os de l’orbite, une rougeur autour de l’œil.

Ça sent mauvais !

Une autre cible de cinnabaris se situe au niveau de la peau. Paul Valéry disait que ce qu’il y a de plus profond dans l’homme c’est la peau (L’idée fixe, 1932, p. 50).

Effectivement on connait l’origine embryologique de la peau qui est commune au système nerveux. La peau comprend de nombreux neurotransmetteurs et des récepteurs qui s’expriment au niveau du système nerveux central. Or, le mot cinabre vient du grec kinnabari « substance d’où est tiré le vermillon », mais κίνάβρα a également le sens « d’odeur de bouc, odeur infecte ». Que peut justifier cette qualification infâme ?

Dioscoride écrit que « dans les minières le cinabre jette une vapeur véritablement étouffante, et que ceux qui le manient, se couvrent la face avec des vessies à fin qu’ils puissent voir et qu’au respirer ils n’attirent à soi de cette maligne vapeur qui est en lui » (Lyon : Thibault Payan, 1559, 5.59. p 481).

Matthiole signale qu’il jette une odeur qui suffoque les personnes (Commentaires de Pierre André Matthiole sur les six livres de Dioscoride, 1629, p. 747). Il ajoute, page 749, que « les ouvriers s’étoupaient le nez et la bouche avec des linges, de peur que cette dangereuse vapeur n’y entrât, parce que ceux qui la hument, deviennent poussifs, d’aucunes fois perdent toutes les dents, et ont les gencives toutes pourries … ».

Cette puanteur peut signer une présence démoniaque car l’odeur pestilentielle fut longtemps attribuée au diable.

Les problèmes du sujet Cinnabaris

Cinnabaris a mauvaise haleine, ce qui n’est guère étonnant quand on se rappelle les dégâts oraux et dentaires que signalaient les anciens, dus certainement à la présence de mercure dans la substance.

Quant à sa peau, on signale un prurit violent prédominant aux jointures, des éruptions diverses, des verrues et des ulcères de coloration très rouges. On peut trouver également une sueur aigre de mauvaise odeur entre les cuisses et le scrotum.

La sexualité et les condylomes

On a l’impression que le remède est marqué, ou encore mal débarrassé, d’une souillure profonde qui lui colle à la peau, comme s’il portait encore les stigmates d’un monde sulfureux.

Il existe indiscutablement une problématique qui tourne autour des organes sexuels et de la sexualité. Le caractère chtonien du remède s’inscrit dans un contexte vénérien qui se révèle par l’apparition de condylomes.

Un condylome est une petite tumeur bénigne, d’aspect verruqueux, qui se développe au niveau de l’appareil génital, de la vulve, du vagin, du col de l’utérus, de l’anus, des testicules et de la verge. Il est causé par le papillovirus transmis lors d’un contact sexuel ; le papillovirus humain est contagieux et fait partie des MST. Les condylomes de cinnabaris peuvent facilement saigner.

La participation génitale indique une caractéristique primordiale. Elle indique une disposition profonde qui n’est pas exempte de scories car la présence de symptômes vénériens suggère un monde encore empêtré dans une gangue originelle grossière et honteuse.

C’est encore un point qui insiste sur la plongée de la substance dans un univers originel, un monde inconscient angoissant, témoin d’une lutte entre des tendances conflictuelles profondément ancrées.

Conclusion

Cinnabaris est un remède mal connu qui s’inscrit dans la perspective d’une substance primaire nauséabonde où se confrontent deux principes antagonistes. Il en résulte un climat menaçant où vont apparaitre des affections profondes, antrales, et un caractère ombrageux. 

 

Important : il est possible que l’un des remèdes décrits sur ce site vous convienne, mais on ne peut l’affirmer sans un interrogatoire et un examen sérieux effectués par un médecin homéopathe. Le site est fait pour faire connaître l’homéopathie, en aucun cas il ne peut se substituer à un thérapeute. Le docteur Bernard Long n’assure plus de consultations.

Adresser un message à Bernard Long (Il ne doit pas concerner une consultation à caractère médical).

Ouvrages

Symboles et archétypes en homéopathie, reprend un certain nombre d’articles publiés sur ce site et les complète. 

Le Répertoire homéopathique des maladies aiguës complète utilement cet ouvrage.

Articles de Bernard Long




Bernard Long

Bernard Long, médecin homéopathe, publie plusieurs textes sur l’homéopathie et les symboles.

Ses recherches s’appuient également sur les travaux de C.G. Jung.

Il est l’auteur de nombreux ouvrages.

Bernard Long

Médecin homéopathe, j’ai entrevu des ponts très évidents entre le monde jungien et l’homéopathie.
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