Voici les conclusions sur le Soi organisateur et les scénarios de l’inconscient dans les séries de rêves.
Impatience ou encouragements du Soi
Les manifestations téléologiques du Soi, c’est à dire en rapport avec l’idée de finalité, empruntent dans le récit des formes plus souterraines. Cependant, que ce soit d’une manière structurelle ou symboliques, elles affleurent déjà au niveau de la construction narrative.
Nous observons, dans les histoire racontées par les rêves, des signes d’impatience quand les rêveurs semblent ne tirer aucun enseignement de ce que raconte le Soi par l’intermédiaire de ses représentants dans les rêves. Quand les rêveurs semblent plus réceptifs on assiste à la distribution de cadeaux ou de récompenses. C’est assez souvent par l’intermédiaire des voix entendues par les rêveurs, que se manifestent impatience ou encouragement.
Le Rêveur
Dans le cas du Rêveur, l’exaspération du Soi concerne surtout son refus de prendre en compte la part féminine de sa psyché.
Nous avons, par exemple, le fait qu’il serait temps qu’il remarque les nymphes qui lui disent qu’elles ont toujours été là (cf. rêve 21). Il devrait aussi écouter les nombreux reproches de l’anima . Par exemple, il lui est dit au rêve 7 de la seconde partie qu’il ne se soucie pas assez d’elle, que le temps passe et que le processus de la totalité n’avance pas.
Rêve no 7 : l'afficher
On peut aussi noter les avertissements : ses refus sont dangereux, il ne pourra pas toujours fuir son problème d’intégration du féminin. Les productions de l’inconscient vont même jusqu’à des menaces de rétorsion et d’enfermement. Le rêve 54 , partie 2, est une bonne illustration du discours du Soi.
Rêve no 54 : l'afficher
Au chapitre des encouragements, cadeaux et récompenses, nous avons au rêve 13, partie 2, l’importante promesse de trouver un compagnon. On pense ici au compagnon qui accompagne la rêveuse pendant toute une partie de sa série.
Rêve no 13 : l'afficher
Au sujet des cadeaux, Il est d’abord, dans les rêves initiaux, offert au Rêveur des pièces d’or(cf. rêve 18). Mais, à cette époque, il refuse, comme nous l’avons déjà montré, d’occuper une position féminine de réceptivité et d’avoir une relation avec l’inconscient. C’est pourquoi il n’accepte pas le don.
Plus tard, à deux reprises, il lui est fait cadeau d’une bague. Un prix est reçu (cf. rêve 48,2))et nous pouvons noter ici, une curieuse similitude avec un songe de la Rêveuse(cf. rêve 55) car, dans les deux cas, ils ne reçoivent pas le prix en personne. C’est une connaissance du Rêveur qui reçoit le prix et, pour la Rêveuse, il s’agit de deux adolescents très semblables représentant la dualité des animus réconciliés.
Pour les deux rêveurs, le prix est remis à des parties de la psyché et non à l’ensemble. Le Rêveur en restera là alors que la Rêveuse, vers la fin de sa série, viendra, en personne, chercher un prix avec le Compagnon.
La Rêveuse
Les manifestations d’impatience du Soi ne sont pas épargnées à la Rêveuse et représentent un apport intéressant à la recherche de concordance entre les deux séries.
Dans la série de la Rêveuse, au rêve 50, il est aussi dit que certaines choses ont toujours été là, mais qu’elle ne les voyait pas. Non loin du début de la série, l’heure qui passe, l’urgence, sont déjà évoquées. (cf rêves 9 et 12). Elle n’est pas prête pour le projet de l’inconscient et le train ne l’attend pas.
Rêve no 50 : l'afficher
Plus tard, après de nombreuses sollicitations, l’impression d’urgence atteindra une intensité dramatique jusqu’au mandala final où une action décisive sera exigée. Il s’agit du rêve d’aboutissement 152 sur lequel nous reviendrons souvent.
Rêve no 152 : l'afficher
Les dons oniriques commencent dès le rêve 4. Un petit garçon apporte des cadeaux, en particulier des œufs, non seulement à la Rêveuse mais à son mari, ce qui pourrait indiquer une intention de les réunir dans le dénouement érotique déjà évoqué (cf. Rêve 151).
Rêve no 4 : l'afficher
Notons aussi qu’il y a, à ce moment de la série, une possibilité de relation avec l’inconscient. La Rêveuse aussi, fait un cadeau à l’enfant serviable. Nous sommes, un instant, dans une relation de réciprocité. De plus, il lui dit, au sujet des œufs : Si tu veux aller en chercher d’autres je te dirai où les trouver. Une aide est donc proposée, mais ce rêve n’a pas été compris, pas plus que pour le Rêveur l’offrande des pièces d’or. Plus tard, comme nous l’avons vu, elle recevra un prix, et d’autres cadeaux, en particulier du pain.
Preuve que l’inconscient qui s’adresse au moi est patient et raconte une histoire jusqu’à ce qu’elle soit comprise, le petit garçon qui avait apporté des cadeaux tout au début de la série(cf rêve 4) revient au rêve 143 dans un rôle très positif. Il procure à la Rêveuse l’aide annoncée des années auparavant.
Rêve no 143 : l'afficher
La Rêveuse bénéficie de beaucoup de soutien et reçoit de très beaux songes.
On l’autorise à faire des achats, on lui dit que même dans la tempête il n’y a rien à craindre. A un moment (cf. rêve 84), elle reçoit une très belle promesse : On va te faire une chanson parole et musique. Ce on va te faire, promesse de surmonter la dualité et de réaliser l’union des opposés, indique clairement le projet du Soi.
Plus tard, on l’incite encore à continuer le chemin et on lui montre toutes ses possibilités d’évolution. Il lui est dit au rêve 120: Tu chantes bien et quand tu seras plus grande tu chanteras très bien. C’est, enfin, au moment où elle observe deux couples, qu’arrive un dernier encouragement : Bravo, vous y êtes arrivée (cf. rêve 126). Mais le compliment venait un peu tôt et le Soi devra encore manifester son impatience.
Rêve no 120 : l'afficher
Conclusions sur l’histoire racontée dans les séries
Les constructions narratives des deux rêveurs ont proposé des récits oniriques dont l’heureux dénouement, souhaité par l’inconscient diffusant le projet du Soi, serait une relation réussie, au sein de laquelle la féminité pourrait être accueillie. Ceci est valable pour un homme et pour une femme. Il s’agit pour le Rêveur d’accepter la part féminine en lui et pour la Rêveuse de re-trouver sa pleine féminité, dans le but d’accueillir ensuite le masculin.
Ce niveau d’interprétation , les scénarios de l’inconscient, permet d’observer une évolution dans l’attitude inconsciente des Rêveurs. Cela est plus visible chez la Rêveuse mais tient probablement au fait que la recherche de Jung est plus structurelle. Il a surtout choisi les rêves en fonction de l’intérêt qu’ils présentaient, à ses yeux, pour l’étude de l’élaboration du mandala final.
La coopération conscient-inconscient, due à un recentrage vers le pôle féminin, s’établit. L’un et l’autre vont, au moment des mandalas finaux, obéir aux demandes du Soi. Ils vont pouvoir intégrer, sous une forme accessible à la conscience, le travail structurel et symbolique qui s’est effectué à un autre niveau, moins visible que celui de l’histoire onirique qui n’est qu’un des rayons du pôle central de signification.
La première strate du projet de l’inconscient qui émerge dans ces constructions narratives nous semble, finalement, être le résultat d’une demande adressée au Moi par l’intermédiaire de l’inconscient. Il lui demande de réintégrer sa part féminine en évitant de se figer dans une stratégie de contrôle, qui le déracine de son mouvement vital. Le résultat souhaité est une ouverture à la figure de l’éros sans crainte de perdre celle du logos.
Cette demande ne peut être acceptée par un Moi, paniqué à l’idée de perdre son identité et son organisation, si ce n’est par l’intermédiaire de symboles rassurants, et d’une structure accueillante. Les symboles, même si ils véhiculent toute une vie souterraine, doivent évoquer ce qu’il connaît déjà. La structure va s’élaborer pour devenir le cadre de la RE-présentation de ce déjà là qui pulse dans la Vision de l’Horloge du Monde du Rêveur ou jaillit du centre de la poitrine de la Rêveuse, pour lui permettre d’écrire le mot AMOUR.