Quelle est la réponse de Jung à la question : peut-on s’exprimer plus librement quand on avance en âge ?
C.G. Jung est un bon exemple de ce que la vieillesse peut apporter de positif au sujet de la liberté d’expression. En effet, pour certains dont il a fait partie, le fait d’avancer en âge donne la possibilité d’exprimer ses idées sans se soucier des conséquences sur une carrière ou un statut social. Encore plus important, ils deviennent moins sensibles à la critique.
La dualité et le goût du paradoxe de Jung
Jung a longtemps eu diverses réponses, semblant parfois se contredire, sur certains problèmes d’ordre psychologique ou philosophique.
On peut proposer deux explications à la complexité de son attitude : son goût prononcé pour le paradoxe et sa dualité intérieure.
Il y a un Jung très rationnel, voulant limiter ses propos au domaine empirique, et un Jung sujet à des émotions et des intuitions. À partir de sa grave maladie en 1944, il approchait des soixante-dix ans, il a laissé plus librement cours à son affectivité car l’opinion d’autrui lui était devenue parfaitement indifférente.
Jung affaibli par l’âge mais toujours brillant intellectuellement
Jung jeune était ce que l’on appelle une force de la nature. Il supporta mal d’être diminué physiquement. Dans les dernières années de sa vie on observe, en particulier si on lit sa Correspondance, qu’il se plaint souvent de la fatigue et des maux qu’apportent la maladie et la vieillesse. Cependant, cela n’affecte en rien ses capacités intellectuelles et surtout il n’hésite plus à dire ce qu’il pense, même si cela doit choquer ses lecteurs.
Il considère comme un « devoir éthique » de dire ce qu’il pense et ressent, même si ce n’est pas vérifiable scientifiquement. Il a même décidé d’aborder franchement le domaine religieux, ce qui n’est pas aisé pour un médecin. Dans son ouvrage tellement controversé Réponse à Job, publié en 1952, il écrit :
« Ce n’est pas sans raison que j’ai attendu l’âge de soixante-seize ans avant d’oser me rendre réellement compte de la nature de ces « représentations supérieures » qui décident de notre comportement éthique et sont d’une importance infinie dans notre vie pratique. » P.202
Il avait conscience de la tempête que déclencherait un livre où il est dit que les contraires sont contenus en Dieu, que l’on ne peut pas négliger sa face obscure, et, chose encore plus sulfureuse, que l’élément féminin manque à la totalité divine ! Et pourtant il n’a pas hésité et a été bombardé de critiques … auxquelles il a répondu avec virulence …
Pratiquement jusqu’à la fin de sa vie Jung a lu, écrit des lettres en allemand, en anglais, en français et n’a pas hésité à exprimer sans détour son avis personnel.
L’exemple de Jung est une consolation pour tous ceux dont le corps est usé par le temps mais l’esprit encore vif. Ils sont libres dans leur tête et dans leurs propos.
Ariane Callot, avril 2023
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