Staphysagria, l’herbe aux pouilleux, l’herbe de la colère, a un sens aigu de l’honneur, de la dignité. Le remède est hanté par l’obsession du sexe et de la frustration sexuelle. Il refoule sa contrariété, dans une exquise civilité, mais il peut exploser de colère et devenir odieux.
La plante staphysagria
Delphinium staphysagria, de la famille des renonculacées est également appelée mort aux poux, pédiculaire, pied d‘alouette staphysaigre, graine de capucin.
C’est une grande plante, couverte de longs poils. Elle se trouve au bord des champs, dans les garrigues du pourtour méditerranéen. Elle est traditionnellement utilisée pour lutter contre les poux. La plante est vénéneuse, irritante et ses graines contiennent un poison violent.
Staphysagria homéopathique
Selon Hahnemann :
« On prend un gros des graines de la staphysaigre ; on les pulvérise avec un poids égal de craie qui est destinée à s’emparer de l’huile, et on laisse la poudre digérer à froid, avec six cents gouttes d’alcool, pendant une semaine, en remuant le tout chaque jour. »
Actuellement on utilise la technique générale de préparation des teintures-mères.
La colère, la frustration, l’irritabilité physique et psychique
Le sujet staphysagria est caractérisé par une irritabilité psychique et une grande susceptibilité. S’y ajoutent un contexte de colère rentrée et de chagrin silencieux avec indignation, qu’il rumine in petto. Tout ceci peut se manifester par des bouffées courroucées, dans un contexte de frustration et de ruminations obsessionnelle sexuelles.
Il se fâche pour un rien et ne sait pas quoi faire pour se venger. Il est très sensible au moindre mot. Il peut être grossier et dire des jurons. Quant à l’enfant, il veut tout et rejette ce qu’on lui donne et ce qu’il a dans la main.
Staphysagria rêve de se battre. Le sujet peut compenser de façon à ne rien laisser paraître, montrant par compensation une persona « très comme il faut », correcte et distante, alors qu’au fond de lui-même bouillonne une indignation rentrée, doublée d’un ressassement de pensées sexuelles qui le hantent. Il peut être insomniaque à la suite de disputes, de colères rentrées. Il rêve du travail de la journée, de meurtre, de sujets érotiques.
La sphère génito-urinaire et le sentiment d’effraction
On note également une importante répercussion, au niveau somatique, de la sphère génito-urinaire. Cela concerne aussi la peau, les muqueuses, le tube digestif, les os et les dents, tout ceci dans le contexte de mortification de d’indignation que nous avons déjà signalé.
C’est classiquement le remède de la « cystite de la jeune mariée » avec envie fréquente d’uriner, avec la sensation qu’une goutte d’urine coule en permanence dans le canal urétral, des brûlures urétrales pendant la miction et en dehors des mictions. C’est également un remède de cystite après endoscopie, après sondage.
Il peut présenter des céphalées abrutissantes, une névralgie faciale qui débute aux lèvres et irradie à la face.
Contrariété, désir et colère
Il a la sensation que l’estomac pend, est relâché ; parfois il désire du vin, de l’alcool, du tabac ; il a des douleurs abdominales à la moindre bouchée ou gorgée ; très souvent on retrouve la causalité classique de la colère, de la contrariété, d’une opération abdominale mal vécue. Il peut souffrir de diarrhée, avec des selles brûlantes qui sentent les œufs pourris.
C’est un remède de chalazions, de verrues, de condylomes.
Staphysagria peut tousser à la suite d’une contrariété ou d’indignation ; la toux est aggravée par la fumée de cigarette, le soir et la nuit. Survenue d’une laryngite, d’aphonie, suite de colère.
Les poux et l’humiliation
On peut également trouver des aphtes, un eczéma de la tête, des oreilles, du visage ; prurit qui change de place au grattage. C’est évidemment un remède de pédiculose, des poux.
On trouve aussi des dents noires et qui s’effritent ; les dents se cassent dès leur éruption, avec des caries de l’émail.
Enfin, staphysagria est un remède de traumatisme, en particulier, de blessures à bords nets, par instruments tranchants, de cicatrice douloureuse. C’est aussi un remède de douleurs coliques qui suivent une intervention sur les ovaires ou les intestins, à la suite d’un sondage, d’une endoscopie, du vécu traumatisant de « la jeune mariée », de tout ce qui pourrait violer brutalement l’intégrité d’un corps sensible à l’effraction forcée et provoquer un sentiment d’indignité et d’humiliation.
La signification symbolique de staphysagria
Une vermine, un pouilleux, un castré refoulé et humilié
Le sujet staphysagria se vit comme étant un « pouilleux », c’est-à-dire un paria, un minable, un vagabond pitoyable, déshonoré et indigne, il a l’impression d’être critiqué. On évite le pouilleux, on craint son contact et sa compagnie. On peut se demander d’où provient ce vécu douloureux.
Deux aspects prédominent dans la pathogénésie : la colère rentrée et la sexualité, avec toutes les conséquences somatiques que cela implique.
Jung, Freud, sacrifice et castration
On observe aussi une coupure, nette, comme celle que provoque une lame. Cette coupure évoque la castration et, dans notre contexte, plus précisément le sacrifice jungien. Pour Jung, il s’agit de « la mère » dont il convient de prendre du recul, non pas la mère au sens propre, mais l’origine, l’archétype maternel qui sécrète une nostalgie.
Cette vue est différente de la castration freudienne œdipienne (quoique qu’elle puisse en posséder quelque aspect), auquel Jung avait ajouté par souci de symétrie le complexe d’Electre.
L’attirance incestueuse est un désir de fusion avec la mère ou avec une autre personne qui aurait une fonction équivalente. Le barrage à l’inceste (imposé par le père), qui peut rendre accessible un vécu symbolique, permet à la libido d’être dérivée de façon positive et socialement compatible.
Le mythe d’Osiris illustre ce sacrifice, celui du phallus, seule partie (parmi quatorze parties selon Plutarque et vingt six selon Diodore de Sicile, chiffres qui évoquent la rythmicité lunaire menstruelle et donc un élément en lien avec « la femme ») qu’Isis ne parvint pas à retrouver.
Il y eut mort du héros, démembrement puis sacrifice du membre viril. Cette séparation témoigne d’un renoncement du lien incestueux qu’Osiris avait eu avec Isis sa sœur et avec Nephtys (qui est aussi sœur d’Isis et d’Osiris). Ce sacrifice n’est pas une renonciation à la vie, puisque Horus, le fils-homoncule pourra continuer son existence et son combat contre le Typhon.
C.G. Jung et Françoise Dolto
Jung écrit dans « L’âme et la vie » des lignes très significatives :
« La grande vertu est toujours compensée intérieurement par une forte inclination à l’infamie. L’expression directe et spontanée de la sexualité est un phénomène naturel, qui, comme tel, n’a rien de laid ni de repoussant, tandis que son refoulement moral la rend d’une part sale et hypocrite, d’autre part insolente et importune […]
La vie érotique ne s’épanouit que lorsque l’esprit et l’instinct se trouvent en une heureuse concordance… La sexualité normale.. renforce le sentiment d’unité et d’identité… le retour à cet état d’inconscience et d’unité instinctive d’autrefois est comme une retour à l’enfance et plus encore, c’est comme une retour dans le sein maternel, dans les eaux mystérieuses, pleines d’une abondance créatrice encore inconsciente. »
Françoise Dolto dit qu’une castration peut conduire à la sublimation, mais qu’elle peut aussi déboucher sur une perversion, sur un refoulement à issue névrotique. Il semble bien que staphysagria réponde à ce cas de figure et que son refoulement aboutisse à un état névrotique caractérisé par une irritabilité psychique et somatique marquée.
Le sacrifice de la mère ou de ce qu’elle représente, l’appel irrésistible vers l’inconscient conduisent à une avancée vers l’individuation à la condition que la démarche soit consciente et assumée. Si le processus se bloque, le sujet est frustré, irritable, humilié car son énergie libidinale est refoulée vers une situation infantile ; il demeure rigidifié dans une attitude lointaine et apparemment éthique par peur des orages inconscients qui pourraient éclater.
Un chagrin vécu avec indignation peut déclencher chez staphysagria une réaction analogue car il évoque chez le sujet un rejet inacceptable et humiliant de l’imago maternelle.
Refoulement, tension et insatisfaction
Le sujet évolue vers un état de grande tension, coincé entre les assauts du soi et une raideur ombrageuse d’un vécu insatisfait et pétrifiant.
On peut avancer que ce blocage pourrait correspondre à celui de mûlâdhâra et plus encore de svâdhisthâna (Jung – Psychologie du yoga de la kundalini).
La plongée dans les sphères profondes de l’inconscient assoupi peut provoquer des réactions violentes si son abord est incorrect et se bloque. La figure 2 du Rosarium philosophorum illustre la quête de l’inconscient par le fait que les deux personnages tendent chacun la main gauche vers la main droite de l’autre.
Il y a là à la fois la nécessaire familiarisation avec l’inconscient et la crainte de céder à l’interdit de l’endogamie. Cet état d’insatisfaction pourrait aboutir à un narcissisme exalté dont staphysagria semble relativement exclu.
Parasitisme et irritabilité à fleur de peau
Le sujet Staphysagria est parasité par une pédiculose physique et psychique, une démangeaison lancinante, semblable à celle des poux, qui le fait souffrir. Sa souffrance profonde va surgir à la peau. Il est un Osiris mutilé mais à la différence du dieu antique, il est seul dans son dilemme qu’il entend bien cacher par délicatesse et par honte car il se sent humilié. Il va se caparaçonner dans une posture dure, rigide ou sarcastique, lisse en apparence.
Il est le pouilleux castré, humilié, couvert d’éruptions et de fics [genre de verrues comme celles des ruminants] qui l’habitent comme le gui sur le pommier, comme la vermine à la peau.
Appréhension du viol de l’intégrité du corps
Cet état d’hypersensibilité à l’autre, ce retrait par rapport à l’environnement sont associés à l’appréhension des violences et du viol de l’intégrité du corps, sans doute liée à l’idée de crainte-désir libidinal et d’inceste.
Staphysagria est un remède de coupure franche, de scalpel, de couteau, de rasoir. C’est aussi un remède indiqué à la suite d’un examen invasif des sphincters, comme une endoscopie, un sondage.
Il est évident de le citer dans ce contexte parmi les remèdes de viol et de violences subis dans le passé. Les conséquences de ces violences sont encore aggravées par une impossibilité à verbaliser des actes ignobles, du fait d’un interdit moral et social et de la peur de l’humiliation qui accompagnent de telles circonstances dans la plupart des cas.
Important : il est possible que l’un des remèdes décrits sur ce site vous convienne, mais on ne peut l’affirmer sans un interrogatoire et un examen sérieux effectués par un médecin homéopathe. Le site est fait pour faire connaître l’homéopathie, en aucun cas il ne peut se substituer à un thérapeute. Le docteur Bernard Long n’assure plus de consultations.
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Ouvrages
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Le Répertoire homéopathique des maladies aiguës complète utilement cet ouvrage.