Le modèle cosmologique contemporain repose sur l’espace idéalisé de la physique. Les concepts d’une physique qualitative (émergence, attracteur…) aident à la recherche des reflets de l’archétype du quatre.
Les ondes gravitationnelles sont des déformations infimes de l’espace-temps qui se propagent à la vitesse de la lumière. Les signaux ci-dessous correspondent aux ondes gravitationnelles provenant de la fusion des deux trous noirs représentés dans l’article les modèles de l’univers dans son ensemble.
Ces minuscules dilatations et contractions des distances de l’ordre d’un millième du diamètre d’un proton (un attomètre = 10-18 m) ont été successivement observées par trois détecteurs à 10 h 11 min 58,6 s UTC le 4 janvier 2017 :
- à gauche en orange, par celui d’Hanford dans l’état de Washington
- au centre en bleu, 3 millièmes de seconde plus tard, par celui de Livingston en Louisiane
- à droite en violet, 6 millièmes de seconde plus tard, par celui de Cascina près de Pise en Italie
A noter, en gris, les calques ou patrons d’onde, conformes aux prédictions de la relativité générale sans lesquels les signaux n’auraient pu être extraits du bruit.
Signaux physiques et reflets archétypaux
Ainsi, la détection de signaux physiques « noyés dans le bruit » nécessite l’utilisation de calques ou patrons qui représentent les formes d’onde attendues. En science, ce type de mesure doit bien sûr être complété par des tests en aveugle ne faisant pas d’hypothèse sur le signal, sinon cela tendrait à être un argument circulaire.
De la même manière, la distinction des reflets de l’archétype du nombre dans le récit cosmologique présuppose une certaine idée des diverses formes, symboles ou images archétypales qui pourraient être dessinés dans l’infinité des péripéties historiques.
Ces reflets proviennent du monde unitaire psychophysique. Ils sont en quelque sorte « noyés dans le bruit » de l’inconscient cosmique étendu sur toutes les dimensions du temps et de l’espace et dans les moindres replis fluctuants de la « mousse quantique ».
Les travaux de Jung, Pauli et von Franz
Invisibles aux yeux de chair, les reflets des nombres renvoient aux diverses représentations traditionnelles telle que celle de l’école pythagoricienne et bien sûr aux travaux de Carl Gustav Jung, Wolfgang Pauli et Marie-Louise von Franz.
A la fin d’ Aïon, Jung se livre à une fascinante interprétation d’images historiques de l’archétype du Soi qui est l’archétype sur-ordonnateur de l’ensemble des archétypes. Il aboutit au diagramme de la page 279 représenté ci-dessous :
L’accent est donné au quatre et au carré qui symbolisent stabilité et permanence du Soi. Mais le trois apparaît aussi à travers un processus dynamique de restauration et de rajeunissement que Jung décrit en faisant référence à la symbolique alchimique.
Wolfgang Pauli, dans sa lettre à Jung du 27 février 1952 (page 124), est frappé par la symétrie intérieure entre le grand et les petits carrés qui lui évoque un « automorphisme ». Ce concept mathématique de la théorie des groupes désigne une réflexion d’un système sur lui-même. Mais c’est aussi un élément du langage neutre – ni physique ni psychique – qu’il appelle de ses vœux pour la construction d’une « physique d’arrière fond » au sens de la naissance des concepts scientifiques (Voir également l’étude sur Kepler mentionnée dans un article précédent).
Ainsi le diagramme de Jung expose un « automorphisme qualitatif » visible dans l’auto-reproduction de la figure. Apparaît aussi le jeu des contraires et des transformations complémentaires ou compensatoires qui caractérisent la fonction autorégulative de la vie psychique. L’idée de restauration d’un état originel de totalité qui s’engendre sans cesse – l’ouroboros – est aussi présente tout comme dans le zodiaque, autre figure du Soi particulièrement intéressante qui entremêle harmonieusement les nombres 3 et 4.
La structure du zodiaque décrite par Dane Rudhyar
Au-delà de la connotation contemporaine négative de l’astrologie et de ses 12 signes, la structure du zodiaque perpétue une logique imaginative très riche, admirablement décrite dans le livre Le rythme du zodiaque de Dane Rudhyar.
L’auteur décrit chaque signe zodiacal comme une combinaison spécifique de deux forces interactives et interdépendantes, la force-de-jour et la force-de-nuit. Le zodiaque y est ainsi illustré par le cycle des saisons des zones tempérées de l’hémisphère nord.
Plus qu’un simple processus cyclique, Rudhyar insiste sur une évolution en spirale intégrant :
- dans la première partie du cycle un mouvement de descente involutive d’esprit unitaire et de formes intégratrices et organisatrices. C’est une phase d’incarnation, d’incorporation d’une impulsion que l’on peut rapprocher des nouvelles hypothèses visant à donner la préséance au concept d’information et désignées par Wheeler sous le slogan de ‘it from bit’ c’est-à-dire ‘l’existence à partir du bit’.
- dans la deuxième partie du cycle un mouvement « bidirectionnel » :
- une ascension évolutive vers un raffinement progressif des systèmes matériels impliquant un processus de différenciation. Cette ascension est reflétée dans la thermodynamique des processus irréversibles qui a montré l’existence de phénomènes d’auto-organisation spontanée, de ruptures de symétrie et d’évolutions vers toujours plus de complexité et de diversité.
- une descente dévolutive correspondant à la phase de dégradation de la matière, phénomène irréversible bien décrit par le second principe de la thermodynamique.
Reflets de l’archétype du « quatre »
Dans toutes les représentations de la totalité, l’archétype du quatre domine. Ce nombre évoque le carré qui, avec le cercle, le centre et la croix, est l’un des quatre symboles les plus universels. Ci-dessous une représentation des quatre déesses du panthéon Navajo qui exprime le quatre comme une puissance de retour du Un.
Les quatre déesses Navajo : l’un du trois est le quatre. M.L. von Franz La psychologie de la divination, p 120.
Le quatre reflète une stabilisation dans la perfection de la totalité réalisée de l’unité première de l’Être. Il apparaît ainsi naturel d’amorcer l’exploration des reflets cosmologiques par ce nombre.
Émergence et deuxième principe de la thermodynamique
Les événements cosmologiques se déroulent le long d’un axe temps linéaire gradué de t = 0 à t = infini. Parmi la myriade d’événements, quatre s’en détachent par leur caractère évoquant des concepts qualitatifs de la physique statistique.
Tout d’abord, deux événements sont dits « fortement émergents ».
De façon générale, on parle d’un phénomène d’émergence (Rémy Lestienne, Dialogues sur l’émergence) quand on trouve un niveau d’organisation à une échelle supérieure présentant une certaine nouveauté, ou qui ne peut pas être prédit à partir des règles qui gouvernent le niveau sous-jacent.
Deux événements « fortement émergents »
On distingue l’émergence faible (lorsqu’on peut expliquer grâce à des règles locales du niveau inférieur ou bien reconstituer par simulation numérique) de l’émergence forte en ce que cette dernière résiste à une explication en termes d’interactions de composants d’un niveau inférieur. Ainsi peut-on parfaitement expliquer l’émergence (faible) de l’eau à partir des gaz oxygène et hydrogène.
Par contre, on ne sait expliquer de manière simple l’émergence (forte) de l’espace-temps hors du vide quantique et pas davantage celle de la conscience hors de la matière. Le premier événement dit « fortement émergent » est l’inflation cosmique qui, à l’âge de 10-35 seconde, fait surgir de manière exponentielle une fluctuation du vide quantique vers notre univers empirique.
Le deuxième événement du même type survient à l’âge de 13,8 milliards d’années. Avec l’avènement d’Homo Sapiens c’est celui de l’émergence exponentielle de la conscience réflexive. Il s’agit probablement de la première ou de l’une des premières apparitions d’une espèce pensante, compte tenu de sa situation par rapport à la plage temporelle de l’ère stellaire qui est la plus favorable à l’émergence de la complexité.
Des travaux ont en effet montré que l’apogée de la probabilité par intervalle de temps d’avoir des étoiles hôtes pour des planètes hébergeant la vie ne serait atteint que dans des milliards d’années. Ce devrait être des étoiles de plus petite masse que le Soleil qui auront de ce fait une durée de vie de mille fois plus longues environ que l’âge actuel de l’univers.
Deux événements « de type attracteur »
Les deux autres événements sont dits de type « attracteur » (attracteur simple) c’est-à-dire qu’ils « attirent » l’univers soit vers toujours plus de dégradation et d’entropie croissante soit vers toujours plus de complexité et de néguentropie croissante.
Le premier se produit lors du découplage matière-lumière à l’âge de 380 000 ans.
Pourquoi ce caractère attracteur ? Sans découplage, la gravité aurait été incapable de regrouper la matière en structures telles que galaxies, étoiles et planètes. L’univers serait resté indéfiniment lisse. Il n’aurait pas survécu, il aurait été « attiré » vers la « mort thermique », le degré zéro des températures.
C’est ce que montre la surface de dernière diffusion, sphère centrée autour de la terre d’où proviennent les photons libérés au moment du découplage entre matière et lumière à l’âge de 380 000 ans.
Ce vestige du découplage observé aujourd’hui dans le fond du ciel témoigne d’une tendance vers l’uniformité c’est-à-dire vers une entropie maximum dans le passé de l’univers – d’où la contradiction déjà relevée à l’origine du modèle cyclique conforme de Penrose.
Le deuxième événement de type attracteur est commun aux divers destins possibles de l’univers, tant ceux de type « mort thermique » c’est-à-dire d’entropie infinie, que celui de néguentropie infinie tel le spéculatif « point Oméga » de Frank Tipler.
Une représentation circulaire
Voir aussi : Jean-Claude Jugon De l’Atemporalité à l’Intemporalité : les Temps de l’Étant
En adoptant une représentation circulaire on peut conjoindre les deux extrémités du temps linéaire en un seul point. C’est un point limite où le temps n’est plus défini tant à l’approche du mur de Planck du « début » que lors de la transition entre rebonds ou bien encore dans l’état de raréfaction de matière d’un univers en expansion indéfinie.
Ce point attracteur réside ainsi à la frontière de deux phases contraction / expansion d’un univers fermé ou à la frontière de deux phases du modèle cyclique conforme de Penrose (Les cycles du temps) dans lequel l’univers « perd la notion de sa taille au moment de la transition entre éons.»
« Durant les années 1918 à environ 1920, je compris que le but du développement psychique est le Soi. Vers celui-ci, il n’existe point de développement linéaire, mais seulement une approche circulaire, circumambulatoire ».
C. G. Jung, Ma vie, Gallimard, 1966, p. 234.
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Alain Nègre
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